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Benjamin Constant

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Benjamin Constant de Rebecque (Lausanne, 25 octobre 1767 – Paris, 8 décembre 1830) est un homme politique et écrivain franco-suisse, aux positions libérales classiques.

Benjamin Constant
Homme politique, romancier

Dates 1767 - 1830
Benjamin Constant
Tendance Libéral classique
Nationalité France France Suisse Suisse
Articles internes Autres articles sur Benjamin Constant

Citation « J’ai défendu quarante ans le même principe, liberté en tout, en religion, en philosophie, en littérature, en industrie, en politique : et par liberté, j’entends le triomphe de l’individualité, tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme, que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité. »
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Biographie de Benjamin Constant

Benjamin Constant, le « maître d'école de la liberté », est issu d'une famille de Huguenots, établie en Suisse. En 1794, il fait la connaissance de Germaine de Staël (femme de lettres et fille de Jacques Necker, ancien contrôleur général des Finances de Louis XVI). Opposant dès 1800 à Bonaparte, il participe aux rencontres du Groupe de Coppet, organisées par Mme de Staël, où les discussions concernent aussi bien les questions d'esthétique littéraire que l'élaboration d'une opposition libérale au régime napoléonien. Entre 1800 et 1802, il siège au Tribunat. Il poursuit de front une carrière littéraire et de pamphlétaire politique.

Au moment des Cent-Jours, en 1815, Constant espère brièvement que Bonaparte acceptera ses vues constitutionnelles. C'est la raison pour laquelle il rédige l'« Acte additionnel aux constitutions de l'Empire »[1]. Dans ses Mémoires sur les Cent-Jours, l'écrivain se justifiera en écrivant qu'il désirait « élever le plus de barrières possible contre l'autorité d'un homme » et admettra s'être fourvoyé. Sous la Restauration, il poursuivra son combat contre le despotisme politique et sera élu député de la Sarthe en 1819. Il se distinguera notamment en dénonçant la traite des Noirs. Favorable à la Monarchie de Juillet, il est nommé le 30 août 1830 président de la commission chargée de réformer le Conseil d'État, mais il n'aura pas le temps de mener à bien sa tâche, car il meurt le 8 décembre de la même année. Lors de ses funérailles, une foule importante viendra lui rendre hommage.

Idées de Benjamin Constant

Le Constitutionnalisme

Soucieux de préserver les acquis libéraux de la Révolution française, Constant cherche également à éviter un retour aux débordements tyranniques de la Terreur. Les individus doivent être protégés contre l'arbitraire gouvernemental.

Dans son premier discours prononcé au Tribunat, le 5 janvier 1800, il expose courageusement et avec netteté sa doctrine constitutionnelle :

« Une Constitution est par elle-même un acte de défiance, puisqu'elle prescrit des limites à l'autorité, et qu'il serait inutile de lui prescrire des limites si vous la supposiez douée d'une infaillible sagesse et d'une éternelle modération. »

Devant uniquement préserver la sécurité individuelle et collective, l'État ne peut attenter aux divers droits individuels: la liberté de penser (et donc la liberté de culte), la liberté de la presse, le droit de propriété, etc. Pour ce faire, Constant prône un respect scrupuleux de la Constitution, quel que soit le type de régime en place - fût-il monarchique, républicain ou démocratique pur. La Rule of Law trouve en lui son plus grand champion dans le monde francophone en ce début de XIXe siècle.

Dans son esprit, il s'agit donc d'empêcher que l'autorité politique n'use de son pouvoir discrétionnaire pour museler les opposants, spolier les producteurs de richesses, agresser des pays voisins, et donc adapter ou contourner les prescrits constitutionnels à sa guise. A cet égard, Constant s'oppose aux peines d'exil attachées à de simples convenances de basse politique (frappant, selon les régimes, tantôt l'aristocratie royaliste, tantôt les régicides et leurs familles). De même, il refuse d'accorder des pouvoirs de police exorbitants aux autorités, trop contentes de s'immiscer de la sorte dans la vie privée des citoyens. En plus de déplorer de telles mesures à cause de leur caractère inique, Constant rappelle à leurs partisans que le persécuteur d'aujourd'hui peut devenir le persécuté de demain.

Constant est conscient que ni une constitution ni la séparation des pouvoirs ni une neutralité de l'Etat ne suffisent à produire une société libre. Pour lui, la vraie garantie des droits réside dans l'opinion publique : c'est sur elle que les libéraux doivent influer pour contrer efficacement toute forme d'oppression présente ou future.

Les formes contre l'arbitraire

Afin de préserver chacun de l'arbitraire gouvernemental, Constant recommande l'observance des formes, divinités tutélaires des associations humaines. Et de signaler à l'attention des adeptes des tribunaux d'exception l'anomie qui régna sous la Terreur :

« L'affreuse loi qui, sous Robespierre, déclara les preuves superflues et supprima les défenseurs, est un hommage rendu aux formes. Cette loi démontre que les formes, modifiées, mutilées, torturées en tous sens par le génie des factions, gênaient encore des hommes choisis soigneusement entre tout le peuple, comme les plus affranchis de tout scrupule de conscience et de tout respect de l'opinion. »

Certains commentateurs, parmi lesquels Pierre Manent, ont à cet égard caractérisé la pensée constantienne comme un « libéralisme d'opposition »[2]. Car ses principes, il les a proclamés avec véhémence et rigueur sous les différents régimes qu'il a connus.

Les formes légales doivent, en outre, rester sous la vigilance critique de chaque citoyen, car des injustices peuvent toujours être commises, malgré les garanties constitutionnelles. Constant a d'ailleurs mis ses actes en accord avec ses paroles en intervenant publiquement dans une affaire judiciaire dont il estimait l'issue inique : le procès de Wilfrid Régnault (dont l'avocat n'était autre qu'Odilon Barrot, qui se fera connaître sous la Monarchie de Juillet comme adversaire de François Guizot en tant que représentant de la gauche dynastique). L'accusé avait été condamné à la peine capitale pour assassinat. En énumérant les vices de forme, Constant prit à témoin l'opinion publique et obtint (au grand dam des ultras) la commutation de la peine de Régnault - à défaut de la reconnaissance de son innocence. De cette manière, l'écrivain voulut aussi montrer par l'exemple que tout citoyen avait le droit de critiquer une décision de justice qu'il estimait peu convaincante.

Distinction entre pouvoirs dans l'État et pouvoirs de l'État

Contre l'absolutisme - qu'il se revendique de la monarchie ou de la démocratie - Constant estime que la fragmentation du pouvoir, théorisée par Montesquieu, n'offre pas de garanties suffisantes. Visant vraisemblablement ce dernier, il écrit :

« Vous avez beau diviser le pouvoir: si la somme totale du pouvoir est illimitée, les pouvoirs divisés n'ont qu'à former une coalition, et le despotisme est sans remède. Ce qui nous importe, ce n'est pas que nos droits ne puissent être violés par tel pouvoir sans l'approbation de tel autre, mais que cette violation soit interdite à tous les pouvoirs. »

Ce faisant, Constant montre que la question qui le préoccupe est moins de savoir « qui gouvernera » (i. e. les pouvoirs à l'intérieur de l'État) que « comment limiter le pouvoir politique » (i. e. les pouvoirs de l'État) pour reprendre la distinction qu'élaborera plus tard Lord Acton.

On le voit, nous sommes loin de la caricature de l' « inconstant Constant », propagée par divers détracteurs et qui relève de la pure polémique.

De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes

La liberté qui caractérise les sociétés modernes (Liberté des Modernes) pour Constant peut aisément être considérée comme une liberté négative. Ainsi, ce n'est pas la participation à la délibération commune qui rend un individu libre, mais l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux. C'est pourquoi les attributions du Léviathan, que constitue à l'évidence l'État, doivent être bornées. Ces limites ne sont autres que les droits, à la fois, naturels, immuables et universels de l'individu. Ce qui caractérise essentiellement l'homme n'est non pas l'appartenance mais, au contraire, l'autonomie ainsi que la perfectibilité. Loin de devoir entraver les initiatives individuelles, l'État doit en devenir l'auxiliaire. L'artifice étatique n'est qu'un moyen, un instrument, dont la fin est l'individu.

La liberté des Anciens suppose, quant à elle, la faculté de délibérer en commun et de participer, de facto, à la volonté générale. Chaque individu est, dans ce cas, titulaire d'une parcelle de la souveraineté. Le suffrage est alors moins une fonction qu'un droit. Cette liberté des Anciens, dont le paradigme est la cité antique, n'exclut pas, bien au contraire, l'assujettissement de l'individu à la collectivité. Celui-là n'existe que par celle-ci. C'est pourquoi l'individu qui est hors de tout système de coordonnées, non par le hasard bien évidemment, est soit une brute, soit un dieu. La participation à la délibération commune est alors conditionnée par l'appartenance.

Cette liberté collective est celle dont Jean-Jacques Rousseau s'était fait l'avocat et qui trouva sa traduction dans le tournant jacobin de la Révolution française. Elle se base sur l'idée de souveraineté populaire. Ne rejetant pas complètement la notion de souveraineté, mais refusant la conception rousseauiste de la "volonté générale" en laquelle il voit la légitimation de tous les abus de l'autorité publique, Constant souhaite la limiter et la borner constitutionnellement afin de préserver les droits individuels.

Comme il l'écrit dans ses Principes de politique (1815) :

« L'erreur de ceux qui, de bonne foi dans leur amour de la liberté, ont accordé à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes, vient de la manière dont se sont formées leurs idées en politique. Ils ont vu dans l'histoire un petit nombre d'hommes, ou même un seul, en possession d'un pouvoir immense, qui faisait beaucoup de mal ; mais leur courroux s'est dirigé contre les possesseurs du pouvoir, et non contre le pouvoir même. Au lieu de le détruire, ils n'ont songé qu'à le déplacer. »

Un jusnaturalisme quelque peu oublié

Loin de se contenter du rôle de pamphlétaire, Constant fonde sa conception d'un État limité sur le Droit naturel. Chaque individu dispose de droits inaliénables, qu'aucun gouvernement ne peut lui ôter.

Toute loi n'est pas nécessairement respectable. Pour évaluer ses mérites, il faut en connaître la source et la teneur. Sinon, l'autorité politique pourra user de son pouvoir discrétionnaire pour instituer autant de lois arbitraires qu'il lui plaira.

Dans une optique proche de John Locke, Constant conçoit la liberté comme indissociable de la loi. Mais qu'entend-il par "loi" ? A ce sujet, il note :

« Les lois sont la déclaration des hommes entre eux (...) Elles sont la déclaration d'un fait. Elles ne créent, ne déterminent, n'instituent rien, sinon des formes pour garantir ce qui existait avant leur institution. Il s'ensuit qu'aucun homme, aucune fraction de la société, ni même la société entière ne peut, à proprement parler et dans un sens absolu, s'attribuer le droit de faire des lois. »

Dans cette logique, Constant dénonce comme frappées d'illégitimité les législations contrevenant aux droits naturels des individus. Il pousse ce refus jusqu'à prôner, dans ce cas de figure, le droit de désobéissance civile comme une obligation morale, en écrivant par exemple :

« Rien ne justifie l'homme qui prête assistance à la loi qu'il croit inique. La terreur n'est pas une excuse plus valable que toutes les autres passions infâmes. Malheur à ces instruments zélés et dociles, agents infatigables de toutes les tyrannies, dénonciateurs posthumes de toutes les tyrannies renversées. »

Propriétarisme et liberté des échanges

Constant prône la liberté civile dans toutes ses dimensions. Ainsi, contre les intérêts organisés que défend l'État, il s'oppose aussi bien au protectionnisme qu'aux autres atteintes au droit de propriété, comme la manipulation monétaire, l'emprunt étatique, ou encore la spoliation fiscale au sujet de laquelle il observe :

« Une nation qui n'a pas de garanties contre l'accroissement des impôts achète par ses privations les malheurs, les troubles, et les dangers. Et, dans cet état de chose, le gouvernement se corrompt par sa richesse, et le peuple par sa pauvreté. »

Son libéralisme prend donc la défense de la propriété individuelle contre les assauts du pouvoir étatique. Critiquant les doctrines présocialistes, il écrit :

Les richesses se distribuent et se répartissent d'elles-mêmes dans un parfait équilibre, quand la division des propriétés n'est pas gênée et que l'exercice de l'industrie ne connaît pas d'entraves.

Néanmoins, à la différence d'un John Locke, par exemple, son propriétarisme ne se fonde pas sur le Droit naturel. En effet, Constant estime que la propriété relève uniquement de la convention sociale.

Aux maux tels que la disette que connaissent encore les pauvres à cette époque, Constant prescrit un remède qui contredit les programmes interventionnistes déjà à la mode: la libre concurrence. Ainsi, pour lui :

« Les lois ne parent à rien, parce qu'on les élude; la concurrence pare à tout, parce que l'intérêt personnel ne peut arrêter la concurrence, quand l'autorité la permet. »

De même, l'essor du commerce limitera, d'après lui, les ambitions des gouvernants et déconsidèrera progressivement l'esprit de conquête propre à ceux-ci. Hostile à l'aide aux entreprises, il retrouve les mots de Vincent de Gournay lorsqu'il conclut son Commentaire sur l'ouvrage de Filangieri :

« Rayons donc, pour tout ce qui n'a pas de rapport à des crimes positifs, les mots de comprimer , d' extirper, et de diriger, du vocabulaire du pouvoir. Pour la pensée, pour l'éducation, pour l'industrie, la devise des gouvernements doit être : Laissez faire, laissez passer. »

Constant, libéral jusqu'au bout.

Notes et références

  1. Texte de l'acte sur le site du conseil constitutionnel
  2. Pierre Manent, Histoire intellectuelle du libéralisme, Hachette Littératures, édition 2006, p.181 et suivantes

Informations complémentaires

Œuvres

Essais

Pages correspondant à ce thème sur les projets liberaux.org :

  • De la Force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s'y rallier (1796).
  • Des réactions politiques (1797).
  • Des effets de la Terreur (1797).
  • 1814, "De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne", Hanover: Hahn
  • 1815, "Principes de politique, applicables a tous les gouvernements représentatifs et particulièrement a la constitution actuelle de la France", Paris: Alexis Eymery [lire en ligne]
    • Traduction anglaise en 2003, "Principles of Politics Applicable to All Governments", Indianapolis IN: Liberty Fund
  • Cours de politique constitutionnelle (1818-1820).
  • De la Liberté des Anciens comparée à celle des Modernes (célèbre discours prononcé en 1819), [lire en ligne]
    • Traduction italienne en 2001, La libertà degli antichi, paragonata a quella dei moderni, Einaudi, Torino
  • 1813, De l'esprit de conquête et de l'usurpation", Paris
    • Nouvelle édition en 1918
  • 1824, "De la religion considérée dans sa source, ses formés et son développement", Vol 1, Paris: Leroux
  • 1825, "De la religion considérée dans sa source, ses formés et son développement", Vol 2, Paris: Bechet
  • 1827,
    • a. "De la religion considérée dans sa source, ses formés et son développement", Vol 3, Paris: Bechet
    • b. "Discours à la chambre des députés", Vol 1, Paris
  • 1828, "Discours à la chambre des députés", Vol 2, Paris
  • 1831, "De la religion considérée dans sa source, ses formés et son développement", Vol 4, Paris: Pichon et Didier
  • 1831, "De la religion considérée dans sa source, ses formés et son développement", Vol 5, Paris: Pichon et Didier
  • Du Polythéisme romain considéré dans ses rapports avec la philosophie grecque et la religion chrétienne (1833).
  • 1872, "Cours de politique constitutionnelle", 2 vols, Paris

Romans

  • Adolphe (1816).
  • Le Cahier rouge (1807).
  • Cécile (1851), publication posthume.

Le roman de Benjamin Constant le plus connu, Adolphe, écrit entre 1806 et 1810 (pour une grande partie en 1806), publié en juin 1816 à Paris et à Londres, a une forte composante autobiographique (« Adolphe n’est pas un roman, c’est une histoire romancée, à peine romancée », selon le critique Gustave Rudler). Bien que Constant se soit toujours opposé à une lecture "à clés", il semble acquis qu'il est lui-même le héros du roman, et que le personnage d’Ellénore est une synthèse de plusieurs femmes (principalement Charlotte de Hardenberg et Mme de Staël). Le thème est moins la conquête amoureuse que la faiblesse, l'indécision, l'incapacité du héros à rompre une liaison devenue trop pesante. Le caractère psychologique et autobiographique est corroboré par le récit à la première personne et l'habitude connue de Constant de tenir un journal intime.

Le Cahier rouge (écrit en 1807 et paru en 1907) comporte encore davantage d'éléments autobiographiques, tandis que Cécile est une fiction autobiographique inachevée, une sorte de contrepoint à Adolphe.

Journal

  • Journaux intimes, sous la direction de Jean-Marie Roulin, 2017, folio classique ([1])

Littérature secondaire

Pour voir les publications qui ont un lien d'étude, d'analyse ou de recherche avec les travaux et la pensée de Benjamin Constant : Benjamin Constant (Littérature secondaire)

Citations

  • La multiplicité des lois flatte dans les législateurs deux penchants naturels, le besoin d’agir et le plaisir de se croire nécessaires.
  • Il y a une partie de l'existence qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante, et qui est de droit hors de toute compétence sociale. La souveraineté n'existe que d'une manière limitée et relative.
  • Tout impôt inutile est une atteinte contre la propriété, d'autant plus odieuse qu'elle s'exécute avec toute la solennité de la loi, d'autant plus révoltante que c'est le riche qui l'exerce contre le pauvre, l'autorité en armes contre l'individu désarmé.
  • Ainsi, le peuple n’est pas misérable seulement parce qu’il paie au-delà de ses moyens, mais il est misérable encore par l’usage que l’on fait de ce qu’il paie.
  • L'État ne peut être présent hors de sa sphère, mais dans sa sphère, il ne saurait en exister trop.
  • Sous une Constitution représentative, une nation n'est libre que quand les députés ont un frein.
  • Si c'est la législation qui fixe les droits de chaque individu, les individus n'ont plus que les droits que la législation veut bien leur laisser.
  • Dans tous les temps la guerre sera, pour les gouvernements, un moyen d'accroître leur autorité. Elle sera pour les despotes une distraction qu'ils jetteront à leurs esclaves, afin que ceux-ci s'aperçoivent moins de leur esclavage. Elle sera, pour les favoris des despotes, une diversion à laquelle ils auront recours pour empêcher leurs maîtres de pénétrer dans les détails de leur administration vexatoire. Elle sera, pour les démagogues, un mode d'enflammer les passions de la multitude, et de la précipiter dans des extrémités qui favoriseront leurs conseils violents ou leurs vues intéressées.
  • Le peuple, dit Rousseau, est souverain sous un rapport et sujet sous un autre: mais dans la pratique, ces deux rapports se confondent. Il est facile à l'autorité d'opprimer le peuple comme sujet, pour le forcer à manifester comme souverain la volonté qu'elle lui prescrit.
  • Soyez justes, dirais-je aux hommes investis de la puissance. Soyez justes quoi qu'il arrive, car si vous ne pouviez gouverner avec la justice, avec l'injustice même, vous ne gouverneriez pas longtemps.
  • J’ai défendu quarante ans le même principe, liberté en tout, en religion, en philosophie, en littérature, en industrie, en politique : et par liberté, j’entends le triomphe de l’individualité, tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme, que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité.
  • Quand un peuple n'est qu'esclave, sans être avili, il y a pour lui possibilité d'un meilleur état de choses. Si quelque circonstance heureuse le lui présente, il s'en montre digne. Le despotisme laisse cette chance à l'espèce humaine. Le joug de Philippe II et les échafauds du duc d'Albe ne dégradèrent point les généreux Hollandais. Mais l'usurpation avilit un peuple, en même temps qu'elle l'opprime : elle l'accoutume à fouler aux pieds ce qu'il respectait, à courtiser ce qu'il méprise, à se mépriser lui-même; et pour peu qu'elle se prolonge, elle rend, même après sa chute, toute liberté, toute amélioration impossible. On renverse Commode; mais les Prétoriens mettent l'empire à l'enchère, et le peuple obéit à l'acheteur.
  • L'on peut trouver des motifs d'utilité pour tous les commandements et pour toutes les prohibitions. Défendre aux citoyens de sortir de leurs maisons serait utile ; car on empêcherait ainsi tous les délits qui se commettent sur les grandes routes. Obliger chacun de se présenter tous les matins devant les magistrats serait utile ; car on découvrirait plus facilement les vagabonds et les brigands qui se cachent pour les occasions de faire le mal. C'est avec cette logique qu'on avait transformé il y a vingt ans la France en un vaste cachot.
  • Prions l'autorité de rester dans ses limites ; qu'elle se borne à être juste. Nous nous chargerons d'être heureux.
  • Dans tout ce qu'on nomme les excès de la liberté, je ne reconnais que l'éducation de la servitude.
  • Toutes les fois que les gouvernements prétendent faire nos affaires, ils les font plus mal et plus dispendieusement que nous.
  • Si la méchanceté des hommes est un argument contre la liberté, elle en est un plus fort encore contre la puissance. Car le despotisme n'est autre chose que la liberté d'un seul ou de quelques-uns contre tous.
  • Toutes les fois que l'homme réfléchit, et qu'il parvient, par la réflexion, à cette force de sacrifice qui forme sa perfectibilité, il prend l'égalité pour point de départ ; car il acquiert la conviction qu'il ne doit pas faire aux autres ce qu'il ne voudrait pas qu'on lui fît, c'est-à-dire qu'il doit traiter les autres comme ses égaux, et qu'il a le droit de ne pas souffrir des autres ce qu'ils ne voudraient pas souffrir de lui, c'est-à-dire que les autres doivent le traiter comme leur égal. (De la perfectibilité de l'espèce humaine)
  • Devenus libres, il faut redevenir forts ; il faut considérer la volonté de l'homme comme constituant le moi, et comme toute-puissante sur la nature physique. Ses organes, ses sensations, cette nature physique sont ses premiers instruments. (...) Il doit être maître chez lui avant de l'être au dehors. (De la perfectibilité de l'espèce humaine)
  • Tout impôt, de quelque nature qu’il soit, a toujours une influence plus ou moins fâcheuse. Si l’impôt produit quelque fois un bien par son emploi, il produit toujours un mal par sa levée. Il peut être un mal nécessaire, mais comme tous les maux nécessaires, il faut le rendre le moins grand possible: plus on laisse de moyens à la disposition de l’industrie des particuliers, plus un État prospère.
  • Certains gouvernements, quand ils envoient leurs légions d'un pôle à l'autre, parlent encore de la défense de leurs foyers ; on dirait qu'ils appellent leurs foyers tous les endroits où ils ont mis le feu. (Cours de politique constitutionnelle)
  • L'obéissance à la loi sans doute est un devoir ; mais ce devoir n'est pas absolu, il est relatif. Il repose sur la supposition que la loi part de sa source naturelle et se renferme dans ses bornes légitimes. Ce devoir ne cesse pas absolument, lorsque la loi ne s'écarte de cette règle qu'à quelques égards. Nous devons au repos public beaucoup de sacrifices. Nous nous rendrions coupables aux yeux de la morale, si, par un attachement trop inflexible à nos droits, nous résistions à toutes les lois qui nous sembleraient leur porter atteinte. Mais aucun devoir ne nous lie envers ces lois prétendues, dont l'influence corruptrice menace les plus nobles parties de notre existence, envers ces lois, qui non seulement restreignent nos libertés légitimes et s'opposent à des actions qu'elles n'ont pas le droit d'interdire, mais nous en commandent de contraires aux principes éternels de justice et de pitié, que l'homme ne peut observer sans démentir sa nature. (Principes de politique)
  • La législation ne doit point s'occuper à détruire les erreurs, ni, quand elle détruit les erreurs, à soutenir d'une main ce qu'elle abat de l'autre. Car les erreurs ne doivent se détruire que d'elles-mêmes, et c'est ainsi seulement qu'elles se détruisent par l'examen et par l'expérience ; la législation n'a rien à y voir. (Commentaire sur l'ouvrage de Filangieri)

Voir aussi

Liens externes


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