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Passivisme

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Le passivisme est en philosophie politique un point de vue opposé à l'activisme. C'est un néologisme dérivé de l'anglais passivism (passivité).

Ni droite, ni gauche !

Origine

Pour Mencius Moldbug, le passivisme est défini comme le "renoncement absolu au pouvoir officiel"[1], ainsi que le refus de tenter d'influencer le pouvoir (légalement ou non), ou de changer l'opinion publique. Le passivisme ne doit pas être confondu avec la désobéissance civile ni le pacifisme : pour Mencius Moldbug, Gandhi était un activiste non-violent, qui croyait en la démocratie, donc le contraire d'un passiviste. Le passivisme, à la différence du pacifisme, ne revendique rien : il implique une soumission totale à l'autorité, résultant psychologiquement d'une "impuissance apprise". L'activisme est au contraire l'outil de l'étatisme, par lequel les activistes (quel que soit leur bord politique) cherchent à devenir "plus mafieux que la mafia". Le passiviste reconnaît la loi du plus fort (might makes right), ce qui ne l'empêche pas d'essayer de s'y soustraire quand il le peut sans dommage (car il dispose de son propre pouvoir -might- qui échappe au moins en partie à l’État).

François-René Rideau reprend l'idée de Mencius Moldbug en ajoutant que le passivisme est un devoir moral pour le libertarien[2]. En outre, le passivisme est plus efficace et moins destructeur que l'activisme. Combattre l’État est impossible, il reste par définition le plus fort, peu importe qui est à sa tête ; la question n'est pas de savoir si l’État a ou non le droit de faire ce qu'il fait, on s'en tient au fait que rien ne peut l'en empêcher, et que ce serait une perte de temps et un gâchis de forces que de tenter de le faire. Il s'agit surtout d'ignorer l’État (comme le préconisait Herbert Spencer), de lui échapper ou de construire à côté de lui (comme avec le Free State Project, le seasteading ou avec les technologies libératrices du cyberlibertarien). Il s'agit d'abord de se changer soi-même en refusant l'illusion démocratique et le collectivisme institutionnalisé. On peut voir le passivisme comme l'aboutissement de l'anarcho-individualisme ou une variété d'agorisme. On notera une proximité avec le "non-agir" du taoïsme, ou le légisme chinois (réalisme politique absolutiste).

Les théories de l'« antipouvoir » (Gilles Deleuze, Michel Foucault...) reposent sur cette idée de résistance passive. En littérature, une illustration en est la nouvelle "Bartleby" de Herman Melville (1853) : le héros, au risque de tomber dans le nihilisme, pratique la fuite (« I would prefer not to ») comme stratégie de lutte contre un système qu'il juge oppressant.

Succès du passivisme

Dans une optique passiviste, l'engagement politique militant n'est pas nécessairement proscrit, mais ce n'est qu'un élément parmi d'autres (sans doute pas le plus important), qui doit être mené non pour viser le pouvoir (et céder ainsi à la corruption politique) mais pour propager les idées libertariennes. Cela lui permet d'être radical et de refuser les compromissions politiques, en rappelant tout le temps la nature criminelle de la fonction étatique.

Le passivisme n'implique pas la passivité, il implique de se prendre en mains soi-même sans compter le moins du monde sur la voie politique.

En France, un exemple de succès de cette méthodologie pourrait être fourni par les mouvements autour de l'abrogation du monopole de la Sécurité Sociale, les "libérés de la sécu" quittant individuellement l'ex-monopole défendu pourtant par la quasi-totalité des politiciens. Le passivisme devient alors un activisme antipolitique, visant un but bien délimité, une libération de l'individu de certaines contraintes d'origine politique.

La chute de l'URSS pourrait aussi être une illustration du passivisme. Cette chute s'est produite sans révolution violente, uniquement parce que la population avait cessé de croire aux "valeurs" socialistes et à la propagande de l’État. C'est l'indifférence de la société civile davantage que la dissidence qui a eu raison d'elle :

Le régime communiste était à plus d’un titre une coquille vide. C’est ce qui explique qu’il se soit désintégré de lui-même au lieu d’être battu. Certaines personnes ou certains groupes n’apprécient guère cette vision des faits et se targuent d’avoir fait tomber le communisme par eux-mêmes mais c’est inexact. Je ne veux pas amoindrir le mérite de quiconque mais en 1989, il suffisait d’une pichenette pour venir à bout du communisme. La réaction en chaîne qui a suivi de la part de millions de personnes s’est produite de façon automatique et spontanée. (Václav Klaus, L'AGEFI, 26/10/2015)

Le concept de bitcoin et plus généralement de cryptomonnaie est une forme de passivisme : plutôt que contester la politique monétaire des États, on construit des monnaies concurrentes qui échappent à leur emprise.

La sécession est également une alternative politique envisageable, vue comme un moindre mal en comparaison avec le centralisme nationaliste ou supranational.

Le passivisme, en tant que stratégie libertarienne, peut s'appliquer aussi à l'économie. Il est illustré par le roman La Grève d'Ayn Rand, où John Galt propose un retrait volontaire des personnes productives de la société :

Ne tentez pas de faire fortune avec un pillard en permanence sur le dos. Demeurez en bas de l’échelle, ne gagnez que le strict nécessaire, ne produisez pas un centime de plus pour soutenir cet État de pillards. Puisque vous êtes prisonnier, agissez en prisonnier, ne les aidez pas à faire croire que vous êtes libre. Soyez l’ennemi silencieux et implacable qu’ils redoutent. N’obéissez que sous la contrainte, jamais volontairement. Ne formulez aucun souhait, aucune réclamation, ne planifiez rien, ne faites rien qui aille dans leur sens. N’aidez pas un braqueur à clamer partout que la prison dans laquelle ils vous maintiennent est votre milieu naturel. Ne les aidez pas à falsifier la réalité. C’est leur seul barrage contre la peur qui les ronge en secret, la peur de savoir qu’ils sont inaptes à l’existence. Rompez ce barrage, laissez-les se noyer : votre assentiment est leur unique bouée de sauvetage. (discours de John Galt)

Notes et références

  1. The steel rule of passivism is absolute renunciation of official power (A gentle introduction to Unqualified Reservations (part 9a).
  2. Passivism: To Save the World, Start with Yourself

Voir aussi

Citations

  • Les Français comptent toujours, pour se sauver, en un pouvoir qu'ils détestent, mais se sauver par eux-mêmes est la dernière chose à laquelle ils pensent. (Alexis de Tocqueville)
  • Si vous voulez changer la société, commencez par vous changer vous-même. (If you wish to change society, change yourself first) (Thomas Carlyle)
  • Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde. (Gandhi)
  • Contentez-vous de vous améliorer, c'est tout ce que vous pouvez faire pour améliorer le monde. (Ludwig Wittgenstein)
  • Le passivisme n'est en aucune façon une variété d'activisme. Le passivisme est le passivisme. En clair, vous pouvez même pas commencer à envisager le reste de la procédure [de renversement du pouvoir] tant que vous ne vous êtes pas libéré complètement du désir pour le pouvoir, quand bien même ce fardeau serait un héritage génétique du singe bipède. (Mencius Moldbug)
  • Les gens entrent en politique pour changer le monde. C'est une mauvaise idée. La seule bonne raison d'entrer en politique est de balayer le pouvoir pour permettre au monde de se changer lui-même. (Jeffrey Tucker)
  • Le passivisme s'appuie sur le constat que la principale chose à changer est vous-même. Et pour y réussir, comme pour réussir dans tout le reste, vous n'avez besoin que de trois choses : sérénité, courage et sagesse. (François-René Rideau)
  • Entre l'ordre de choses actuel, fondé sur la grossière violence, et l'idéal de la vie sociale où les hommes seront rapprochés par leur consentement raisonnable, où les coutumes seules maintiendront la cohésion, il existe d'innombrables degrés que l'humanité toujours en marche parcourt successivement. Mais les hommes ne se rapprochent de cet idéal qu'en s'affranchissant graduellement, en se déshabituant de la violence, en renonçant à en profiter. Nous savons à n'en pas douter que l'existence des hommes qui, ayant compris l'immoralité et la funeste influence des gouvernements, s'efforceront de n'en plus profiter et de n'y plus contribuer, sera tout autre et plus conforme aux lois de la vie et de notre conscience que l'existence actuelle des hommes qui, participant à la violence des gouvernements et en bénéficiant, font mine de vouloir la combattre et tendent seulement à en changer les formes. Ce qu'il est important de retenir, c'est que l'organisation actuelle de la société est mauvaise. Elle aboutit à l'esclavage et nous trouvons qu'elle repose sur la violence des gouvernements. Or pour détruire la violence des gouvernements, les hommes n'ont qu'un moyen, qui est de ne plus participer à cette violence. Les hommes n'ont qu'un moyen de s'affranchir, ils doivent le prendre. (Léon Tolstoï)
  • Les citoyens ne contestent pas la légitimité d'un État, qui existe ipso facto, comme fournisseur de certaines fonctions, entre autres de sécurité ; ils ne s'attachent qu'à évaluer les services que rend cette entreprise particulière, en situation (ou non) de monopole. (...) C'est donc une nouvelle façon de considérer l’État que nous proposons : ni un ennemi, ni un représentant, mais un prestataire de services, dont le métier est la coercition, qui est jugé sur ses résultats ; utile dans certaines missions, il est porté à toutes sortes d'abus quand il est monopolistique ou quand son actionnariat est impuissant. Cette perspective futuriste exige du citoyen qu'il abandonne toutes sortes d'illusions, le credo de la légalité, la sacralisation de l’État. (Thierry Falissard)
  • Nous ne sommes que des vases creux où s'engouffre le flot de l'histoire du monde. (Etty Hillesum)
  • Ce ne sont ni la peur ni la colère qui motivent mes intentions de vie... et il n'a jamais été question pour moi de vouloir détruire ou de refuser le système en place dans toute sa complexité, mais bien de construire, en parallèle, une manière de vivre qui m'apparait intelligente et cohérente. Je ne suis pas hors système, mais je ne suis pas dedans non plus. C'est un non-faire. Un non-système. (Vol West]
  • Je suis né dans la stérilité, aussi n'ai-je aucun mérite à vivre dans la fainéantise et l'imposture. Depuis que je regarde ce monde, je ne cesse de m'étonner de l'énergie qu'on y dépense. C'est avec une vraie terreur que je contemple les autres besogner. (Cioran, d'après Roland Jaccard, Causeur, nov. 2018)
  • Un rebelle est celui qui ne réagit pas contre la société. Il observe et comprend tout le manège et il décide simplement de ne pas en faire partie. Il n'est pas contre la société, il est plutôt indifférent à ce qui s'y passe. C'est la beauté de la rébellion : la liberté. Le révolutionnaire n'est pas libre. Il est constamment en train de se battre, de lutter avec quelque chose. Comment pourrait-il donc être libre ? (Osho)
  • Militer par l'action politique dans l'espoir généreux et honnête qu'arriver au pouvoir transformera les choses, c'est par essence et par nature rentrer dans la catégorie des hommes de l'Etat et au bout, il y a corruption de l'esprit, et sous l'alibi du consensus et de ne point brusquer l'ordre social, il y a la somme des petits arrangements entre amis et les grandes lâchetés idéologiques. Si on veut rester un homme libre, toute compromission avec les oppresseurs que sont les hommes de l'Etat finit toujours dans un processus de collaboration. Etre supplétif des oppresseurs n'est pas chose enviable si l'on veut vivre debout. (Serge Schweitzer)

Liens externes


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