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Société civile

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On appelle société civile, l'ensemble des individus regroupés en associations (syndicats et organisations patronales, Organisations Non-Gouvernementales, associations à but non lucratif, etc.) qui ont une action politique au sens large (participent aux affaires de la polis : idées et opinions, culture, revendications…) mais sans faire de politique politicienne, et sans chercher à faire des profits pécuniaires comme une entreprise. Le terme est attribué à Hegel qui, dans les Eléments de la Philosophie du Droit, présente la société civile (bürgerliche Gesellschaft) comme un moyen terme entre l'Etat et la famille.

Qui ? Sous quel rapport ?

Bien évidemment, les frontières précises de ce rapport à l'action politique peuvent être floues. Ainsi en tant qu'il va voter l'individu qui se rend aux urnes est un citoyen ; en tant qu'il milite dans un parti (qui a vocation à diriger la Cité), il participe encore à la vie politique, là où, défendant les mêmes idées mais dans une association qui a pour but d'influencer ceux qui dirigent ou dirigeront, il est membre de la société civile. Si c'est un entrepreneur qui utilise une partie de son argent à des buts idéologiques (embauche volontaire de groupes discriminés, financement de causes, etc.) il fait entrer, sous ce rapport, son entreprise dans l'action de la société civile. Le civil n'est ni le militaire, ni le politicien, il est un peu comme le laïc pour l'homme d’Église, il peut aider à la messe comme un bon subsidium, mais ne la dit pas.

La société civile est une sphère d'activité où l'individu adhère volontairement et se désolidarise d'un groupe selon son gré (société ouverte), contrairement aux statuts politiques (nationalité, noblesse d'Ancien Régime) qui le fixent. De ce fait, elle est éclatée, divergente, polycentrique, en mouvement, autonome et spontanée, là où le monde politique visant l'ensemble de la communauté, se doit d'être le lieu de l'unité (ou du moins de la simplification des possibilités de choix), du rassemblement, de la fusion des intérêts. Ainsi on en parle au singulier, bien que ce soit une hydre aux mille visages, parce que le corps qui les retient n'est autre que le "corps" politique, sillon dans lequel l'action doit se mouler ; pourtant, comme les entreprises transnationales, la société civile peut nier de fait les frontières politiques existantes. Le singulier n'existe donc qu'au niveau de l'idée ; dans la pratique le pluriel est de mise si tant est que la diversité permette encore de dénoter concrètement ce que maintient uni le concept.

L'autonomie de la société civile

Puisque elle échappe au pouvoir politique, il est ainsi compréhensible que tous les dictateurs et les penseurs du collectivisme (Platon, Rousseau, Hegel, Marx) l'aient considérée avec méfiance, pointant de préférence sur la Liberté des Anciens (le droit de participer à la politique) plutôt que sur celle des Modernes (le droit de ne pas être qu'un citoyen) et ont cherché à détruire une sphère jugée anarchique et source de division là où il leur faut développer une mentalité close. Hegel reconnaît sa spécificité tout en insistant sur sa subordination à l’État.

Murray Rothbard[1] affirme que l'on peut décrire l'histoire comme un affrontement entre société civile et État, entre pouvoir social et pouvoir étatique. Le pouvoir social s'exerce sur la nature tandis que le pouvoir étatique s'exerce sur les hommes. Du XVIIe siècle au XIXe siècle le pouvoir social s'est accru, pour être rattrapé au XXe siècle par le pouvoir étatique.

Dans les démocraties modernes le statut d'autonomie de la société civile est toujours un enjeu de pouvoir et de luttes, puisque, non seulement l'autonomie, au sens kantien de maturité, est toujours remise en cause par le despotisme de Big Mother et de l'Etat-providence qui "prend en charge" ses administrés, mais aussi parce que si l'autonomie financière est le corollaire de la liberté de ton ou de pensée, ce n'est que rarement le cas pour des associations à but non lucratif dans des sociétés fortement imposées[2]. D'où le développement inéluctable d'un phénomène à deux faces. D'un côté, un clientélisme de la part de ceux auxquels un vote a donné le pouvoir de contrôler les enveloppes budgétaires et de "redistribuer", selon un arbitraire très princier, l'argent des autres. De l'autre, un jeu parfois hypocrite – comme le libre-penseur que la société rémunère pour faire de la subversion institutionnalisée ou le poète maudit qui vit sur la rente de son bourgeois de père – mais souvent vital, des associations bien obligées de manger dans la main de leurs financiers[3].

Laissez-nous faire !

Au final, le mot d'ordre de la société civile est le fameux "laissez-nous faire" ! Rois du Monde, nous sommes adultes, les choses vont bien sans vous, pourvu que vous nous laissiez l'argent nécessaire à la poursuite de notre volonté. Déchargez-vous de votre sacerdoce, épargnez-vous le fardeau de nous diriger ! Vous nous épargnerez celui de payer les frais de vos choix.

Notes et références

  1. The anatomy of the State, Acrobat-7 acidtux software.png [pdf][1].
  2. A noter qu'en France, les déductions d'impôt pour don ou financement d'association sont une concession à la société civile, puisqu'elles reconnaissent un droit aux individus à autodéterminer les causes qu'ils défendent, sans payer deux fois.
  3. Une association n'échappera pas à cette possible coercition si elle est financée par un mécène ou un donateur privé. Seulement, là où l'on peut choisir son indépendance plutôt qu'une compromission financière, il y a quelque chose de psychologiquement frustrant à refuser de ponctionner un pactole public amassé par l'imposition ; cette idée que si l'on ne va pas se servir, un autre va emporter une mise qu'il ne mérite pas plus que vous, est une des facettes révoltantes du collectivisme.

Bibliographie

  • 1987, Z. Rau, "Some thoughts on civil society in Eastern Europe and the Lockean contractarian approach", Political Studies, Vol 35, pp573-592
  • 1994, E. Gellner, "Conditions of Liberty: Civil Society and its Rivals", London: Allen Lane, Penguin Press
  • 2010, Anne Eyssidieux-Vaissermann, "Société civile et libéralisme", In: G. Kevorkian, dir., "La pensée libérale. Histoire et controverses", Paris, Éllipses, pp227-242

Citations

  • La société existe déjà sans État, et cela depuis le début. C'est parce que les gens ont imaginé une entité possédant le droit de commander, sous l'hallucination d'une chose appelée "autorité", que l'histoire de l'humanité consiste en grande part en oppression, violence, souffrance, meurtre et désordre. (Larken Rose)
  • A première vue, malgré tout, les chances d'un règlement définitif des affaires en instance entre l'Etat et la société civile semblent douteuses, ce qui est peut-être rassurant. (...) Il est dans la nature inéluctable de la société civile d'être déçue par l'Etat. (Anthony de Jasay, L'Etat - La logique du pouvoir politique)
  • Ils disent que la société, abandonnée à elle-même, court fatalement aux abîmes parce que ses instincts sont pervers. Ils prétendent l'arrêter sur cette pente et lui imprimer une meilleure direction. Ils ont donc reçu du ciel une intelligence et des vertus qui les placent en dehors et au-dessus de l'humanité ; qu'ils montrent leurs titres. Ils veulent être bergers, ils veulent que nous soyons troupeau. Cet arrangement présuppose en eux une supériorité de nature, dont nous avons bien le droit de demander la preuve préalable. (Frédéric Bastiat, La Loi)


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