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Charité

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Charité est la francisation du latin caritas, -atis (signifiant d'abord cherté, puis amour; du Grec : cháris, grâce). C'est la traduction du mot grec agapê dans le Nouveau Testament.

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Philosophie et religion

La philosophie grecque connaissait principalement deux formes d'amour : éros, l'amour comme manque, passion amoureuse ; et philia, l'amour bienveillant, l'amitié, l'amour parental. Une troisième forme d'amour, sous le terme de agapè, l'amour du prochain, un amour universel et désintéressé, est introduite par les premiers Chrétiens ("ο θεος αγαπη εστιν", "Dieu est Amour").

Ces trois formes d'amour étaient connues depuis longtemps dans les religions orientales (maitri équivalant à philia, karunâ à agapè, tandis que kâma n'est pas une forme d'amour, comme eros, mais davantage le désir amoureux). L'équivalent en Chine, avec Confucius, serait le Ren (仁), "vertu d’humanité" (le caractère chinois 仁 se compose des deux éléments 人 homme et 二 deux).

D'origine chrétienne, la charité est entendue comme aide accordée à son prochain, dans l'optique libérale et libertarienne. Montesquieu avait souligné le paradoxe de la charité chrétienne : le christianisme fait de la pauvreté une vertu (surtout lorsqu'elle procède d'un libre choix) ; mais par là même, il ne permet plus d'assurer le devoir général de charité qu'il impose comme un devoir moral. La religion pousse d'un côté au renoncement et à la privation, et, de l'autre, par l'aumône, légitime la coexistence des pauvres et des riches.

Charité publique contre charité privée

Au XIXe siècle, un débat secoue le monde libéral : la discussion sur l'instauration d'une charité légale (droit au secours et droit au travail) - en sus de la charité privée - provoque une levée de boucliers d'à peu près tous les libéraux, qui y voient une prime à l'oisiveté et à la paresse.

Duchâtel ajoute que la charité légale accroît la haine entre le riche et le pauvre : "le riche, qui ne regarde plus la bienfaisance que comme une charge, cherche à en alléger le poids (...) Il devient dur, cruel, avare. Le pauvre, fort des droits qui lui attribue la loi, devient farouche, violent, haineux". Il ne s'agit pas d'une remise en cause de la charité ; mais celle-ci doit demeurer privée.

Tocqueville lui-même dénonce aussi la charité légale : il accuse les maisons de charité (alms houses ou poor houses) d'accueillir à la fois les indigents qui ne peuvent pas, et ceux qui ne veulent pas, gagner leur vie en travaillant. A l'occasion du débat sur la loi sur les pauvres, Tocqueville critique vertement la charité publique : l'indigent prendra l'habitude de recevoir un revenu systématique, qu'il considérera avec le temps comme un droit acquis. Il perdra ainsi ce qui lui reste de dignité, et ne comprendra pas que cette aide puisse lui être retirée.

La bienfaisance légale n'a pas la propriété de créer un lien de reconnaissance entre les classes sociales. La charité légale entraîne inéluctablement la disparition de la charité privée (les riches ne se sentant plus dans l'obligation de secourir le pauvre), ce qui détruit la seule possibilité de relation entre le riche et le pauvre. Par ailleurs, puisque le pauvre doit rester dans sa paroisse à attendre la prochaine distribution de secours, la loi sur les pauvres contient aussi une grave détérioration de la liberté de déplacement de ceux-ci.

Charité moderne : État-providence et éthique de la sollicitude

L'État-providence affirme pratiquer la charité par la redistribution des richesses ; ce faisant, il remplace les solidarités primaires, isole les individus, développe l'assistanat, et finalement appauvrit le pays en décourageant les actifs et en installant les pauvres dans un statut d'assistés permanents.

L'éthique de la sollicitude (Ethics of Care) est une réflexion morale (d'origine féministe) qui essaie de dépasser le simple assistanat dû à l'État-providence. Cependant, plusieurs de ses promoteurs en viennent à des projets politiques, imposant de nouvelles contraintes sur les personnes (par exemple une diminution du temps de travail au bénéfice du care pendant le temps libéré).

Pour les libertariens, la charité privée supplée la gabegie collectiviste. Pour autant, elle doit être accordée en fonction du mérite, et non de manière aveugle :

Les bons sentiments ne dispensent pas un donateur de sa responsabilité. Tout don non mérité est une destruction malfaisante. Seul l'échange volontaire de valeur contre valeur est créateur. Ceux qui donnent sans compter à des pauvres non méritants instituent la pauvreté qu'ils prétendent combattre. (Faré)

Citations

  • La charité légale tarit ou décourage la charité privée. (...) Quand la société se charge de l'entretien des pauvres n'est-on pas naturellement porté à renvoyer les pauvres à la société ? On a payé une contribution pour le bureau de bienfaisance. C'est ainsi que le coeur se ferme à la charité ! (Gustave de Molinari, Dixième soirée de la rue Saint-Lazare)
  • La libéralité consiste moins à donner beaucoup qu'à donner à propos. (La Bruyère)
  • Mon point de vue sur la charité est très simple. Je ne la considère pas comme une vertu cardinale, et par dessus tout, je ne la considère pas comme un devoir moral. Il n'y a rien de mal à aider les autres, s'ils le méritent et quand ils le méritent, et si vous pouvez les aider. La charité est un problème secondaire. Ce que je combats est l'idée que la charité est un devoir moral et une vertu primaire. (Ayn Rand, Playboy's 1964 interview)
  • Il ne faut pas avoir peur des mots, il ne faut pas hésiter à donner aux mots leur véritable sens : la charité obligatoire n'est pas de la charité et on ne peut guère la qualifier autrement qu'en l'appelant du « vol » puisqu'elle est une atteinte aux droits de propriété. (Pascal Salin)
  • A une époque où le vol se pratique légalement en plein jour, ce qui est le cas aujourd’hui, tout acte d’honneur ou de restitution ne peut se faire que sous le manteau. (La Grève, Ayn Rand)
  • Vous vous empressez auprès du prochain et vous exprimez cela par de belles paroles. Mais je vous le dis : votre amour du prochain, c’est votre mauvais amour de vous-mêmes. Vous entrez chez le prochain pour fuir devant vous-mêmes et de cela vous voudriez faire une vertu : mais je pénètre votre “désintéressement”. (Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra)
  • Il se peut que celui qui consacre la plus large somme de temps et d’argent aux nécessiteux contribue le plus par sa manière de vivre à produire cette misère qu’il tâche en vain de soulager. (Henry David Thoreau)
  • La charité légale, par conséquent forcée, n'est pas une vertu, c'est un impôt. Or, un sacrifice, imposé aux uns en faveur des autres par la contrainte, perd évidemment tout caractère de charité. (...) L'assistance légale n'a pas de limite et peut dépouiller la moitié de la population au profit de l'autre moitié. (...) La charité légale devient un droit : l'assistance perd tout caractère d'incertitude. Les classes pauvres s'habituent à y compter, s'abandonnent de plus en plus à l'imprévoyance, à la paresse. (Antoine Cherbuliez)
  • La société et en général l'ordre social subsistent non pas grâce à ces criminels légaux qui siègent et qui condamnent les autres hommes, mais parce que malgré tout et en dépit de cette aberration les hommes gardent un peu d'amour et de pitié les uns pour les autres. (Léon Tolstoï, Résurrection)
  • La charité privée est largement plus économique et efficace que les allocations étatiques, puisqu’elle est en bien meilleure position pour distinguer ceux qui méritent de l’aide des imposteurs qui veulent juste profiter, et pour distribuer ses fonds en conséquence. Cette supériorité pratique découle du fait moral que la charité privée est basée sur des contributions volontaires, alors que les sommes étatiques proviennent des montants confisqués aux contribuables productifs, du bout d’un fusil légal. (Morris & Linda Tannehill, The Market For Liberty)

Bibliographie

  • 1961, P. Gosden, "The Friendly Societies in England, 1815-1875", Manchester University Press, Manchester
  • 1973, P. Gosden, "Self-Help: Voluntary Associations in the 19th Century", Batsford Press, London

Voir aussi

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