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Athéisme

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L'athéisme est une attitude ou une doctrine philosophique qui affirme l'inexistence ou ne conçoit pas l'existence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit, contrairement par exemple au déisme et au théisme qui soutiennent cette existence, et à l'agnosticisme qui la considère comme indécidable.

"Lisez la Bible, nous avons besoin de davantage d'athées !" (Penn Jillette)

Athéisme philosophique

À quelques nuances près, la réflexion philosophique occidentale tend en général à naturaliser le divin, à le ramener dans le monde, comme chez Spinoza (Deus sive Natura). Elle prépare ainsi la voie à un athéisme fondé sur une doctrine philosophique, l'athéisme philosophique.

L'athéisme était développé dans l'Antiquité tant en Occident (Grèce) qu'en Orient (Inde), sous diverses formes liées à une ontologie ou à une épistémologie particulière : matérialisme, monisme, scepticisme, anti-essentialisme. En Grèce antique, le terme d'athée recouvrait différentes acceptions :

  • l'athée était d'abord celui qui, sans nier l'existence des dieux, ne partageait pas le culte de la cité et n'observait pas les "lois sacrées" relatives aux sanctuaires (par exemple Aristodème de Cydathénéon, qui jugeait les dieux trop grands pour avoir besoin de culte) ;
  • l'athée est aussi celui qui est abandonné par les dieux (par exemple Œdipe dans la tragédie Œdipe roi de Sophocle) ;
  • l'athée peut être enfin un agnostique (par exemple Protagoras d'Abdère) ou un "crypto-athée" (par exemple Épicure : "Les dieux ne sont pas à craindre", ou les Sceptiques).

En Occident, il trouve son origine chez le philosophe matérialiste grec Démocrite, et s'appuie sur des arguments variés, du domaine du relativisme, du rationalisme, du nihilisme, et même de la morale. L'athéisme refuse de postuler l'existence d'entités dont l'existence n'est ni prouvée ni observable, et souligne également l'immoralité éventuelle de cette existence ("la seule excuse de Dieu, c'est qu'il n'existe pas", Stendhal). Il n'y a pas d'arguments valables pour soutenir la croyance en l'existence d'un dieu quelconque, qu'il soit conçu par l'homme (anthropomorphique) ou qu'il soit une abstraction métaphysique.

Avant les Lumières, l'athéisme reste clandestin en Occident, qu'il s'oriente vers le matérialisme (par exemple Pietro Pomponazzi, 1462-1525), la satire religieuse (Boccace et son Décaméron écrit entre 1349 et 1353, ou le romancier Bonaventure Des Périers, 1510-1544), le libertinage (par exemple Jacques Gruet, exécuté à Genève en 1547), l'anticléricalisme (l'abbé Jean Meslier, 1664-1729) ou le blasphème (avec le fameux Traité des trois imposteurs, d'origine inconnue, qui attaquait les trois monothéismes). Le mot français "athée" date du XVIe siècle, on en trouve une première mention chez François Rabelais, dans sa Lettre à Érasme de décembre 1532.

À partir des Lumières, qui s'inspirent de l'antiquité gréco-romaine, et jusqu’à aujourd'hui, plusieurs philosophes parvinrent à disserter avec liberté sur l'hypothèse de l'existence de Dieu ou des dieux, soit pour la remettre entièrement en cause, soit pour la reformuler. L'œuvre de Baruch Spinoza (notamment le Traité théologico-politique et l’Éthique) constitue l'une des critiques les plus remarquables du phénomène religieux.[1]. Spinoza sera à son époque même considéré comme un athée, non en raison de ses opinions (mal connues à l'époque), mais en raison de son manque d'appartenance à une communauté religieuse (excommunié par la communauté juive, il ne se convertit pas pour autant au christianisme). Kant, bien que lui-même croyant, porte un coup fatal à tous les dogmatismes religieux avec sa Critique de la Raison pure, si bien que Heinrich Heine verra dans son œuvre "le glaive qui tua en Allemagne le Dieu des déistes". Arthur Schopenhauer, dans le même ordre d'esprit, défend un athéisme teinté de mysticisme, analogue à celui que l'on peut trouver dans les philosophies orientales.

L'affaire Galilée est sans doute l'une des sources, si ce n'est la principale, de l'athéisme philosophique du XVIIe siècle et des siècles suivants, car elle remit en cause les fondements et la classification des connaissances posés par la scolastique au XIIIe siècle[2].

Dans le Drame de l'humanisme athée (1944, réédité en 1998), Henri de Lubac identifie quatre philosophes qui ont nié le plus radicalement l'existence de Dieu au cours du XIXe siècle :

  • Auguste Comte, rarement cité, avec sa philosophie et sa religion positivistes, dont la loi des trois états conduit à un monde sans religion, et même sans métaphysique ;
  • Ludwig Feuerbach, « L'homme créa Dieu à son image »[3], Dieu comme projection des désirs de l’homme ;
  • Karl Marx, avec sa théorie de la lutte des classes ;
  • Friedrich Nietzsche, avec ses concepts de surhomme et de volonté de puissance.

L'athéisme philosophique peut aller d'une critique radicale de la religion jusqu’à une attitude de recherche ou d'interrogation constructive sur l'existence de Dieu, ce qui fait partie de la légitime spéculation philosophique. Ce peut être aussi de la simple indifférence ou du nihilisme.

En Europe, l'athéisme philosophique est la première forme d'athéisme qui fut tolérée par les autorités catholiques et la première reconnue par les intellectuels comme un « athéisme positif ». Le Dictionnaire de l'Académie française (8e et 9e éditions) définit d'ailleurs seulement l'athéisme comme une « doctrine philosophique qui nie l'existence de Dieu ».

En Asie, il n'y a pas d'opposition nette entre athéisme et religion : l'athéisme a sa place tant dans l'hindouisme que le bouddhisme ou le taoïsme.

Fondements divers de l'athéisme

L'athéisme peut être matérialiste ou non matérialiste, il peut s'appuyer ou non sur une métaphysique :

  • le matérialisme est un monisme métaphysique de la matière, il est en principe athée parce qu'il considère l'esprit comme un épiphénomène de la matière (cependant, certains considèrent qu'il y a des matérialistes non athées, par exemple les Stoïciens ou Hobbes) ;
  • l'idéalisme transcendantal dont se réclame Schopenhauer est un monisme métaphysique de la Volonté (volontarisme), qui est athée mais non matérialiste ;
  • les philosophies d'origine asiatique (bouddhisme[4], taoïsme, hindouisme[5]) sont athées (ou tout du moins compatibles avec l'athéisme) mais non matérialistes, parce que pour elles toute réalité empirique est en dernier lieu illusoire (l'Absolu, s'il existe, est impersonnel et n'a rien à voir avec un concept de "dieu", qui n'en pourrait être qu'une hypostase) ;
  • il existe un spiritualisme athée (défendu par exemple par Pierre Lance)
  • le positivisme (par exemple comtien) rejette systématiquement toute métaphysique, ce qui le conduit naturellement à l'athéisme ;
  • de la même façon, le réalisme rejette généralement la métaphysique et penche vers l'athéisme (bien qu'il existe un réalisme religieux, le thomisme) ;
  • le réalisme randien affirme posséder sa propre métaphysique athée, l'objectivisme.
  • le scepticisme, tant dans sa version antique (Pyrrhon) que sa version moderne, conduit à l'athéisme

Point de vue libéral

Les libéraux défendent la liberté de culte, la laïcité et la séparation complète des églises et de l’État. Ils rejettent tant l'athéisme d'État (comme celui qui avait cours en URSS) que la théocratie ou le culte obligatoire (comme le culte de l’Être Suprême que Robespierre tenta d'imposer en 1794).

Certains libéraux, comme John Locke dans sa Lettre sur la tolérance, refusent de tolérer les athées, car selon lui « les promesses, les contrats, les serments et la bonne foi (...) ne sauraient engager un athée à tenir sa parole ». On remarquera que Locke refuse également de tolérer les catholiques, puisqu'en obéissant au pape ils se mettent selon lui sous les ordres d'un prince étranger.

A noter que les athées risquent la peine de mort dans 13 pays[6], tous musulmans (Mauritanie, Soudan, Somalie, Nigeria, Yémen, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Qatar, Iran, Pakistan, Afghanistan, Maldives et Malaisie). En Indonésie, l'interdiction de l'athéisme n'a été levée qu'en 2015.

Les athées subissent certaines discriminations également aux États-Unis[7]. La constitution de l'Arkansas leur interdit toujours (en son article 19) l'accès à la fonction publique et ne reconnaît pas leur témoignage en justice. Dans plusieurs autres États (Mississippi, Tennessee, Texas, Caroline du Nord et du Sud, Maryland, Pennsylvanie) ils sont inéligibles à des fonctions d’intérêt public et ne peuvent se présenter aux élections.

On peut considérer qu'il y a des "martyrs" de l'athéisme, par exemple Théodore de Cyrène (dit l'Athée), exécuté à Athènes vers 320 av. J.-C., l'athée Jacques Gruet décapité à Genève en 1547 avec l'approbation de Jean Calvin, le Chevalier de la Barre, exécuté en 1766 pour avoir refusé de soulever son chapeau au passage d'une procession religieuse, ou tous les apostats de l'islam devenus athées comme Turan Dursun (1934-1990), grande figure de l’athéisme turc.

Bibliographie

  • 1991, George H. Smith, Atheism, Ayn Rand and Other Heresies, Prometheus Books, ISBN 0-87975-577-6
  • 2006, André Comte-Sponville, L'Esprit de l'athéisme

Penseurs libéraux athées

Citations

  • Si Dieu est, l'homme est esclave ; or l'homme peut, doit être libre, donc Dieu n'existe pas. (Dieu et l'État, Mikhail Bakounine)
  • S'il y avait un Dieu, je n'aimerais pas être ce Dieu, la misère du monde me déchirerait le cœur. (Arthur Schopenhauer)
  • On peut définir en quelques mots la foi comme une croyance illogique dans la survenue de l'improbable. (H. L. Mencken)
  • Ce système qui consiste à attendre d’un être tout puissant le bonheur, c’est le système de l’idolâtrie, il est aussi vieux que la corruption humaine et le progrès du temps n’a fait que changer sa forme extérieure. (Johann Gottlieb Fichte)
  • La crainte de Dieu proprement dite est depuis longtemps ébranlée et la mode est à un « athéisme » plus ou moins conscient, reconnaissable extérieurement à un abandon général des exercices du culte. Mais on a reporté sur l'Homme tout ce qu'on a enlevé à Dieu, et la puissance de l'Humanité s'est accrue de tout ce que la piété a perdu en importance : l'Homme est le dieu d'aujourd'hui et la crainte de l'Homme a pris la place de l'ancienne crainte de Dieu. Mais comme l'Homme ne représente qu'un autre Être suprême, l'Être suprême n'a subi en somme qu'une simple métamorphose, et la crainte de l'Homme n'est qu'un aspect différent de la crainte de Dieu. Nos athées sont de pieuses gens. (Max Stirner)
  • Un scientifique qui croit en Dieu est un schizophrène. (Jacques Monod)
  • Je ne saurais voir dans l'athéisme un résultat, un événement : il est chez moi instinct naturel. Je suis trop curieux, trop sceptique, trop hautain pour accepter une réponse grossière. Dieu est une réponse grossière, une goujaterie à l'égard du penseur ; ce n'est même, au fond, qu'une grossière interdiction à notre endroit : Défense de penser... (Friedrich Nietzsche, Ecce homo)
  • Les religieux ont fabriqué des générations de décervelés à l'ignorance sacralisée, privés d'avenir, de progrès, d'humanisme, de dignité et de liberté. (Waleed Al-Husseini, Blasphémateur)
  • Il existe un mythe étrange selon lequel les athées n'auraient aucune raison de vivre. C'est tout le contraire : nous n'avons aucune raison de mourir, mais plein de raisons de vivre. (Ricky Gervais)
  • L’homme a créé des dieux ; l’inverse reste à prouver. (Serge Gainsbourg)
  • Être athée, ce n'est pas refuser le mystère ; c'est refuser de s'en débarrasser ou de le réduire à trop bon compte, par un acte de foi ou de soumission. Ce n'est pas tout expliquer ; c'est refuser d'expliquer tout par l'inexplicable. (André Comte-Sponville)
  • Je considère sans exception les grandes religions du monde comme fausses et néfastes. (Bertrand Russell, Pourquoi je ne suis pas chrétien)
  • Aucune donnée ne permet d'étayer une quelconque cosmogonie. Notre expérience, aussi imparfaite et aussi limitée soit-elle, autant en étendue qu'en durée, ne nous offre aucune théorie concernant l'ensemble des choses. Mais si nous avons besoin d'être fixés sur une quelconque hypothèse, sur quelle base, je vous prie, devrions-nous arrêter notre choix ? (David Hume)
  • Il est moralement nécessaire de nier l'existence de Dieu. (Marcel Conche, Orientation philosophique, 1974)
  • L'athéisme ne conduit pas nécessairement à la corruption des mœurs. (Pierre Bayle, Pensées diverses)
  • La nécessité de se soumettre à une foi quelconque, divine, politique ou sociale, constitue pour beaucoup d'âmes un très impérieux instinct. Elles ont besoin de croyances pour diriger machinalement leur vie et s'épargner tout effort de raisonnement. C’est à l’esclavage de la pensée, et non à la liberté, que la plupart des hommes aspirent. (Gustave Le Bon, Psychologie Politique)

Voir aussi

Notes et références

  1. Pour un exposé didactique sur la philosophie de Spinoza et son impact historique, voir Les Lumières radicales. La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité (1650-1750) (Éditions Amsterdam, Paris, 2005)
  2. Descartes et les principes de la philosophie, 1644
  3. Ludwig Feuerbach: Vorlesungen über das Wesen der Religion, XX. Vorlesung, Leipzig 1851. (Cours sur l'Essence de la religion, XXes cours)
  4. Voir Notions de dieu et de divinité dans le bouddhisme.
  5. Voir Atheism in Hinduism.
  6. Edition 2013 du rapport "Freedom of Thought" de l'International Humanist and Ethical Union.
  7. Légalement discriminés aux États-Unis, les athées se rebellent


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