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Volontarisme

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Le volontarisme désigne ordinairement la croyance (notamment en politique) que la volonté humaine est capable d'imposer le changement. En droit international public, la théorie du volontarisme est l'idée que les règles de droit ont pour origine l'expression de la volonté de l'État (personne juridique et morale).

Le volontarisme a cependant un sens bien précis dans la philosophie libérale : il désigne le respect de toute volonté individuelle non agressive.

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Volontarisme politique

Appliqué à la politique, le terme de volontarisme (voluntaryism, ou voluntarism) est dû au philosophe Auberon Herbert, qui publie The Voluntaryist Creed en 1908. Il y expose déjà le principe général du libertarisme, le principe de non-agression :

Nous affirmons donc que le volontarisme en tout est la vraie loi du progrès et du bonheur, et que la coercition, ou la force brute de la loi, ne devrait servir qu'à contenir la force brute, à protéger l'individu du meurtrier, du voleur et de l'escroc, à protéger sa personne et sa propriété contre les actes préjudiciables exercés à son encontre et au mépris de son consentement. A l'exception de cette finalité simple et universelle de protection, nous nions que la force brute de la loi puisse jamais former une base véritable ou morale pour les relations sociales. (The right and wrong of compulsion by the State - The Principles Of Voluntaryism And Free Life)

Dans le cadre de la philosophie libertarienne, le volontarisme désigne l'idée selon laquelle le consentement mutuel doit être au centre des relations entre les personnes. Seuls les accords volontaires peuvent déterminer le bien-fondé des choix de société. C'est une autre reformulation des idées libérales, qui rejoint l'anarcho-capitalisme, la panarchie, le propriétarisme ou le brutalisme, à l'opposé de l'interventionnisme avec lequel on pourrait le confondre. L'harmonie entre les volontés individuelles est un mouvement naturel favorisant la prospérité, cela vaut aussi pour les phénomènes de main invisible, ordre spontané, division du travail, échange, ou autres interactions pacifiques.

Cette conception influence également le droit : davantage qu'un "droit de propriété" indépendant des personnes, c'est la volonté individuelle et non agressive qui forme le droit et les obligations, le contrat étant une "loi" entre les cocontractants.

Toute forme de collectivisme qui nie le principe de l'accord volontaire entre individus, au nom d'une abstraite « volonté collective », ne peut justifier légitimement aucune forme d'oppression ou d'esclavage. En effet, rien ne justifie le sacrifice de la volonté et libertés individuelles au nom de séduisants et trompeurs concepts léninistes d'« unité collective des volontés », ou des prétentieux prétextes démocratiques basés sur une addition de votes. Dans le règne des partis politiques seuls les professionnels de la manipulation et de la coercition peuvent espérer anéantir le principe du consentement volontaire. Il ne peut y avoir, sauf fictivement et à des fins oppressives, d'unité de la volonté collective (voir le théorème d'Arrow) ; il y a seulement des associations d'individus visant des objectifs déterminés et conformes au principe de non-agression.

Le financement des services de protection sociale par l'intermédiaire de l'imposition forcée et répression fiscale est contraire aux principes du volontarisme.

Volontarisme philosophique

En métaphysique, le volontarisme désigne la doctrine selon laquelle la volonté est le fondement réel de l'être et des choses, le monde n'étant qu'idée, apparence ou représentation. Arthur Schopenhauer est le principal représentant de ce courant, que l'on peut rattacher également au stoïcisme et au bouddhisme. L'axiome de non-agression et l'inaliénabilité de la volonté humaine sont alors considérés comme des conséquences directes de ce point de vue. Le volontarisme est un subjectivisme qui conçoit la volonté individuelle comme un point de départ obligé de toute réflexion économique, politique, métaphysique ou éthique, sans pour autant affirmer un libre arbitre de cette volonté (aussi bien Spinoza que Schopenhauer ou Nietzsche refusent le libre arbitre). La conscience est l'autre face — inséparable — de la volonté : c'est la volonté en tant qu'elle connaît les objets qu'elle vise ("intentionnalité" dans le vocabulaire de la phénoménologie). L'action est une conséquence directe de la volonté, et l'économie peut se ramener à la praxéologie. L'apriorisme est justifié, car nous avons une connaissance directe de notre volonté (ce qui ne signifie pas qu'elle soit connue "en elle-même" de façon parfaite ni qu'elle soit toujours en adéquation avec la réalité). Le volontarisme est aussi un individualisme, car le concept d' « unité de la volonté » n'a pas de sens au niveau collectif (théorème d'Arrow).

Cette volonté n'est pas forcément un principe ontologique, mais elle se décline selon différentes facettes, qui vont de l'ὁρμή (impulsion spontanée) du stoïcisme (et du scepticisme) ou du conatus spinozien au vouloir-vivre de Schopenhauer, l'Unique de Max Stirner ou la volonté de puissance de Nietzsche, le désir ou la pulsion freudienne, l'élan vital bergsonien, etc. La vie sociale peut alors être réinterprétée comme confrontation ou interaction des volontés individuelles entre elles : le marché serait le lieu d'interaction pacifique des volontés tandis que l’État serait l'instrument d'une volonté coercitive arbitraire à la discrétion des puissants du moment ; la valeur serait une mesure du désir des volontés, et la croissance, la création de valeur, seraient illimitées, comme l'est le désir. Le contrat est la manifestation de l'accord entre plusieurs volontés individuelles, visant un but donné. La destruction créatrice traduirait seulement les fluctuations de la volonté dans sa recherche de satisfaction. Le droit naturel n'est rien d'autre que le respect dû aux manifestations d'une volonté individuelle non agressive.

Le volontarisme est donc moins une ontologie qu'une interprétation (au sens de Nietzsche), qui offre l'avantage de se passer des concepts fictifs liés à la démocratie que sont l'intérêt général ou le contrat social : c'est la volonté, individualisée en chacun et à l'œuvre en de multiples interactions sociales, qui fournit l'explication des phénomènes sociaux. Cette démarche rejoint l'apriorisme de l'Ecole autrichienne (axiome de l'action rationnelle : "toute action découle d'une intention"). Les manifestations de la volonté seront considérées selon le prisme de l'action (praxéologie), de l'intention (psychologie), de l'absence ou non d'agression (droit naturel) et des valeurs qu'elles expriment (éthique).

On peut recenser comme auteurs proches (ou précurseurs) de ce courant de pensée : les Stoïciens, Baruch Spinoza, Max Stirner, Arthur Schopenhauer, Friedrich Nietzsche, Ludwig Wittgenstein.

Le mouvement volontariste

C'est en 1982 que trois personnes lancent le mouvement volontariste aux États-Unis dans un appartement de Hollywood, en Californie[1]. Wendy McElroy, Carl Watner, George H. Smith ont entrepris cette idée lors d'un frais après-midi d'été comme il en existait encore il y a quarante ans. Le choix du nom de l'association remonte à l'histoire libertarienne britannique du XIXe siècle avec le terme popularisé par Auberon Herbert, pour désigner les opposants à l'enseignement obligatoire financé par l'État.

Tout comme le libertarianisme traditionnel, le volontarisme repose sur une philosophie politique du principe de non-agression. Mais, il y a une nette distinction. Le libertarianisme traditionnel accepte le mode électoral comme voie d'accès à la liberté. C'est la stratégie des personnes qui ont fondé le Parti Libertarien en 1971 et qui a commencé à devenir un Parti politique important dans le paysage américain dès 1980. Il est devenu rapidement le troisième plus grand parti aux États-Unis après le Parti démocrate et le Parti conservateur. Des scores assez probants furent remarqués dans la ville de New York et dans l'État de Californie. Les volontaristes notent le paradoxe de certains anarchistes, dont Murray Rothbard jusqu'au milieu des années 1980, qui affirmaient que voter, faire campagne pour des hommes et des femmes politiques et même occuper un mandat politique étaient les meilleurs moyens de parvenir à une société sans État. Du coup, les anti-étatistes se sont battus avec passion pour l'État, déplore Wendy McElroy[2] avec cynisme. À sa différence, le volontarisme estime que le système électoral est une forme d'agression. Ses membres rejettent la politique électorale, en théorie et en pratique, comme étant incompatible avec les objectifs libertariens. En effet, l'État doit sans cesse couvrir ses actions d'une aura de légitimité morale afin de maintenir son pouvoir, et ses méthodes politiques renforcent invariablement cette légitimité. Donc, ce mouvement préconise plutôt l'utilisation de stratégies non politiques tout en restant non agressif. Au début, les volontaristes, ou encore appelés les anarchistes apolitiques, furent discrédités car certains pensaient que l'idée de retirer l'État dans nos vies quotidiennes est irréalisable. En effet, le mot anarchie indique proprement une doctrine qui est contre l'État. Mais les volontaristes ne sont pas contre le gouvernement. En fait, ils sont fortement en faveur de l'autonomie gouvernementale et ils conviennent que la civilisation dépend d'une telle gouvernance.

Les volontaristes travaillent sur une pédagogie de la gouvernance, c'est à dire l'adoption et l'application de règles concernant la propriété et les règles de comportement que chaque personne doit avoir dans la société. L'idée d'État fait plutôt référence généralement à une gouvernance imposée, tandis que les associations librement fondées se réfèrent généralement aux accords entre individus qui adoptent des règles volontaires. Aussi, le programme de travail des volontaristes est clair car il nécessite une réfutation complète et intégrale de la présence de l'État dans la société. Un manifeste anti-étatique, comme le présentait le parti libertarien à ses débuts, ne peut pas servir de plaidoyer en faveur du volontarisme. Par conséquent, les volontaristes cherchent plutôt à délégitimer l'État au moyen de la pédagogie et de l'éducation des jeunes et moins jeunes. Les membres cherchent donc à présenter une vision positive de la manière dont la liberté émerge lors d'interactions pacifiques des membres d'une communauté. Les concepts de base comme la gestion stable de la monnaie adossée à l'or (hard money) ou le droit coutumier, sont des preuves que lorsque des personnes interagissant volontairement, sans la bureaucratie gouvernementale, alors l'État peut être abandonné. Leur travaux historiques regorgent d'exemples d'institutions bénévoles qui offraient des services qui sont aujourd'hui fournis par l'État. En rappel, la société humaine a toujours une gouvernance, d'où la dichotomie réelle qui n'est pas d'opposer le marché contre l'État, mais de proposer une gouvernance volontaire contre celle qui est imposée[3].

Citations

  • Le monde visible n’est que le miroir de la volonté. (Arthur Schopenhauer)
  • Je ne puis prescrire à la Volonté éternellement libre aucun devoir, aucune loi. (Arthur Schopenhauer)
  • L'essence la plus intime de l'être est la volonté de puissance. (Friedrich Nietzsche)
  • "Vouloir" délivre. (Friedrich Nietzsche, Ainsi parla Zarathoustra)
  • La force ne vient pas des capacités physiques, elle vient d'une indomptable volonté. (Gandhi)
  • Nous estimons que ce qu'un homme ne peut faire moralement, un million d'hommes ne peuvent le faire non plus, et qu'un gouvernement représentant plusieurs millions d'hommes ne peut le faire non plus. (Auberon Herbert)
  • Ne cède pas au mal mais affronte-le avec grand courage. (Tu ne cede malis sed contra audentior ito, devise de Virgile, choisie par Ludwig von Mises)
  • Chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être. (Baruch Spinoza)
  • On ne désire pas une chose parce qu'elle est bonne, c'est parce que nous la désirons que nous la trouvons bonne. (Baruch Spinoza)
  • La raison n’est rien que la raison, elle ne satisfait donc que les besoins rationnels de l’homme, alors que le vouloir est la traduction même de la vie tout entière, oui, je veux dire de toute la vie humaine, la raison y comprise, et les grattages de méninges. (Fiodor Dostoïevski, Les Carnets du sous-sol)
  • Devenus libres, il faut redevenir forts ; il faut considérer la volonté de l'homme comme constituant le moi, et comme toute-puissante sur la nature physique. Ses organes, ses sensations, cette nature physique sont ses premiers instruments. (...) Il doit être maître chez lui avant de l'être au dehors. (Benjamin Constant, De la perfectibilité de l'espèce humaine)
  • Là où il y a une volonté, il y a un chemin. (parfois attribué à Lénine, il s'agit en fait d'un proverbe anglais d'origine inconnue : Where there is a will, there is a way)
  • C’est ma volonté qui choisit, et le choix de ma volonté est le seul édit que je respecte. (Ayn Rand, Anthem)
  • Voir et chercher dans les choses des moyens actuels ou possibles pour réaliser sa volonté propre, tel est le principe de l’égoïsme ; concevoir au contraire que la volonté est le fonds commun d’où tout être jaillit, et que, diversifiée seulement par le jeu des apparences, elle est cependant identique en tous, c’est supprimer la barrière qui sépare les individus, détruire en leur germe les hostilités réciproques, constituer la fraternité universelle qui embrasse non-seulement tous les hommes, mais les animaux, les végétaux chez qui la vie sommeille, les êtres mêmes où la vie n’apparaît point. C’est introniser la pitié à la place de l’égoïsme, la pitié, qui est le retentissement sympathique de toute souffrance dans le cœur de l’homme, la pitié, que les moralistes proclament unanimement le principe de toutes les vertus, l’initiation à l’amour, qui peu à peu vous achemine au renoncement parfait et vous met en état de déjouer les tromperies du destin, d’échapper à l’éternelle illusion dont la nature vous enveloppe. (P. Challemel-Lacour, "Un bouddhiste contemporain en Allemagne - Arthur Schopenhauer", Revue des Deux Mondes, 1870)
  • Sais-tu pourquoi nous ne pouvons pas cela ? — Parce que nous pensons que nous ne le pouvons pas. — Mais non, c’est d’autre chose qu’il s’agit : nous aimons nos vices, nous en sommes les avocats et nous préférons les excuser plutôt que de les expulser. La nature a donné à l’homme suffisamment de force, si seulement nous en tirions parti, si nous rassemblions nos énergies et les mobilisions tout entières pour notre profit, ou du moins ne les retournions pas contre nous. Nous ne voulons pas, voilà la vraie raison ; nous ne pouvons pas n’est qu’un prétexte. (Sénèque)
  • De tout ce qu'il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n'est seulement une bonne volonté. L'intelligence, la finesse, le jugement, et les autres talents de l'esprit, de quelque nom qu'on les désigne, ou bien le courage, la décision, la persévérance, comme qualités du tempérament, sont sans doute choses bonnes et souhaitables à bien des égards ; mais ces dons de la nature peuvent aussi devenir extrêmement mauvais et funestes si la volonté qui doit en faire usage, et dont les dispositions propres s'appellent pour cela caractère, n'est pas bonne. (Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs)
  • La volonté de ce vouloir n'est pourtant pas comprise comme pouvoir de l'âme humaine, mais le mot vouloir désigne ici l'Etre de l'étant dans sa totalité. Tout étant, et l'étant dans sa totalité, a le pouvoir de son être dans la volonté et par la volonté. Cela sonne pour nous étrangement ; et cela restera étrange aussi longtemps que nous demeureront étrangères les pensées essentielles et simples de la Métaphysique occidentale, c'est-à-dire aussi longtemps que nous ne penserons pas ces pensées, mais que nous nous bornerons à en donner le compte rendu. (...) L'Etre de l'étant apparaît pour la Métaphysique moderne comme volonté. Mais en tant que l'homme, d'après son essence de bête pensante, est orienté sur le mode de la représentation vers l'étant dans son Etre, et ainsi vers l'Etre lui-même ; en tant qu'il est par conséquent déterminé à partir de l'Etre, l'être-homme doit également - selon ce rapport de l'Etre (c'est-à-dire maintenant de la volonté) à l'être de l'homme - apparaître avec force comme un vouloir. (Martin Heidegger, Qu'appelle-t-on penser ?, 1954)
  • La volonté est une grande magicienne qui, en outre, ajoute à ses charmes le paradoxe de se sentir et de prétendre libre. Nous éprouvons le sentiment de liberté, lors même que l'on peut prouver l'existence de causes précises qui devraient, de toute nécessité, entraîner telle ou telle conséquence, que nous avons précisément réalisée ; en dépit de quoi, le sentiment de liberté est pourtant vivace en nous ! Nous savons d'ailleurs qu'il n'existe rien qui n'ait sa cause, ce qui nous contraint à penser que la volonté, elle aussi, doit relever de quelques déterminantes ! Alors ? Si la volonté est marquée par cette liberté souveraine qui est son fait, c'est qu'elle est une parcelle de cette obscure force créatrice qui gît en nous, qui nous façonne, qui édifie notre être, qui régit notre corps, qui maintient ou détruit sa structure et qui crée des vues nouvelles. (Carl Jung)

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Wendy McElroy et George H. Smith étaient co-locataires.
  2. "Voluntaryism: Some personal reminiscences", texte de Wendy McElroy, non daté, publié sur le site de voluntaryist.com.
  3. Fred Foldvary, 1997, "Government and Governance. Toward more voluntarism and less coercion", The Freeman, January, Vol 47, n°1, pp33-37

Bibliographie

Voir aussi

Liens externes


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