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Droit pénal

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Définition

Le droit pénal est une branche du droit qui codifie la réaction de la société contre des comportements estimés « antisociaux » : des peines sanctionnent certains actes qui sont considérés comme des « infractions » ou des « crimes ». La liste des actes ainsi pénalisés comprend, entre autres, le vol et le meurtre, mais d’une société ou d’une culture à l’autre les incriminations et les peines sont très variables.

Le droit pénal, également connu sous le nom de droit criminel, est une branche du droit qui traite des infractions criminelles, des sanctions et des procédures pénales. Il établit les règles et les normes qui définissent les comportements criminels, les peines associées à ces comportements, ainsi que les procédures judiciaires utilisées pour enquêter sur les crimes, poursuivre les auteurs présumés et les juger.

Les principaux objectifs du droit pénal sont de maintenir l'ordre public, de protéger la société contre les comportements dangereux ou nuisibles, de punir les auteurs d'infractions et éventuellement de réhabiliter les contrevenants. Les infractions pénales sont généralement catégorisées en fonction de leur gravité, allant des infractions mineures aux crimes graves.

Les éléments clés du droit pénal incluent :

  • 1. Infractions pénales. Ce sont des actes interdits par la loi et passibles de sanctions pénales. Les infractions peuvent être classées en fonction de leur gravité, telles que les délits (infractions moins graves) et les crimes (infractions graves).
  • 2. Sanctions pénales. Ce sont les peines imposées aux personnes reconnues coupables d'une infraction. Les sanctions peuvent inclure des peines de prison, des amendes, des travaux d'intérêt général, la probation, voire la peine de mort dans certains systèmes juridiques.
  • 3. Procédures pénales. Le droit pénal établit les règles et les procédures qui régissent la conduite des enquêtes, des arrestations, des interrogatoires, des audiences et des procès pénaux. Il garantit également les droits fondamentaux des personnes accusées, tels que le droit à un avocat, le droit de demeurer silencieux et le droit à un procès équitable.
  • 4. Responsabilité pénale. Pour qu'une personne soit déclarée coupable d'une infraction pénale, il faut généralement prouver sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable. Cela implique souvent la démonstration de l'intention criminelle (mens rea) et de l'acte criminel lui-même (actus reus).

Le droit pénal diffère du droit civil, qui traite des litiges entre individus ou entités privées. Alors que le droit civil vise généralement à compenser les victimes et à résoudre des différends, le droit pénal vise à punir les comportements considérés comme contraires à l'ordre public.

Point de vue libéral

La plupart des libéraux estiment justifiée la punition de certains actes, outre la réparation (qui est de l’ordre du droit civil, puisque la responsabilité du coupable est engagée). Ainsi Grotius dans le De Jure belli ac pacis : « il est permis sans injustice de faire souffrir qui a fait du mal ». Les articles 8 et 9 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen (d'inspiration libérale) fournissent le cadre légal propre au droit pénal : proportionnalité des peines, présomption d'innocence.

Le fondement de la punition est la dissuasion : réparer le préjudice n’est pas suffisant, il faut de plus dissuader le coupable de commettre de nouveau un acte immoral (si la société se limitait à contraindre le voleur à restituer le produit de son vol, le métier de voleur deviendrait sans risque, et chacun aurait tout à gagner à devenir voleur).

  • «Le but des châtiments n'est autre que d'empêcher le coupable de nuire encore et de détourner ses concitoyens de tenter des crimes semblables.» (Cesare Beccaria)
  • « Tout ce qu'il est permis de faire en cette rencontre, c'est de lui infliger les peines que la raison tranquille et la pure conscience dictent et ordonnent naturellement, peines proportionnées à sa faute et qui ne tendent qu'a réparer le dommage qui a été causé et qu'à empêcher qu'il n'en arrive un semblable à l'avenir. En effet ce sont les deux seules raisons qui peuvent rendre légitime le mal qu'on fait à un autre, et que nous appelons punition. (...) en un mot, chacun peut infliger à une personne qui a enfreint ces lois, des peines qui soient capables de produire en lui du repentir et lui inspirer une crainte, qui l'empêchent d'agir une autre fois de la même manière, et qui même fasse voir aux autres un exemple qui les détourne d'une conduite pareille à celle qui les lui a attirées. En cette occasion, donc, et sur ce fondement, chacun a le droit de punir les coupables, et d'exécuter les lois de la nature. » (John Locke)

Dans l'état de nature de Locke les victimes peuvent exercer directement leur droit à la réparation, et le droit de punir pour empêcher peut être exercé par tous. Dans l'état civil la réparation reste un droit des victimes dont elles ne peuvent être privées contre leur gré mais dont l'exercice doit se faire par l'intermédiaire de l'État (qui à le devoir de le faire respecter) ; le droit d'empêcher, lui, est désormais du ressort exclusif de la puissance publique qui peut en dispenser le coupable par opportunité (droit de grâce) dans les limites de son devoir de conserver l'ordre. On rejoint ainsi la distinction classique entre doit civil et droit pénal.

D'autres fondements de la punition sont les suivants :

  • la vengeance : historiquement la peine est d’abord vengeance privée (encadrée par des règles telles que la loi du Talion, le Wergeld germanique, etc.), avant d'être intégrée dans le droit pénal ; les peines corporelles ont disparu (tout du moins en Occident) ;
  • le caractère expiatoire, qui permet au coupable d'être lavé de sa faute une fois la punition subie.

Ces fondements sont souvent contestés : ainsi, beaucoup doutent que la dissuasion ait l'effet escompté. La peine de mort ("ni utile ni nécessaire", d'après Cesare Beccaria) ne diminue pas le nombre d'assassins, au contraire, elle les rend sans doute plus impitoyables, car prêts à tout pour écarter la perspective du châtiment.

Point de vue libertarien

Le point de vue classique à l’égard du droit pénal pose plusieurs problèmes aux libertariens qui se réclament du droit naturel :

  • le droit pénal correspond à l’une des principales prérogatives de la puissance publique. L’État s’est réservé un monopole sur le droit pénal (prohibition de la vengeance privée, monopole de la violence). La principale source de droit pénal est le droit positif étatique, qui n’a aucune légitimité pour les libertariens, et qui est dans certains cas complètement liberticide[1].
  • le catalogue des infractions est arbitraire, voire irrationnel, de même pour les peines. Ce catalogue varie selon les époques et les pays. Par exemple, des actes comme le suicide, le blasphème, l'hérésie, la sorcellerie, l'homosexualité, l’adultère, la grève étaient incriminés par le passé et ne le sont plus aujourd'hui. Inversement, des incriminations nouvelles sont apparues (infractions en matière de sécurité routière, du droit du travail, omission de porter secours à autrui, abus de la faiblesse d'autrui, harcèlement sexuel, discrimination, négationnisme, etc.). Dans les pays islamiques, sont pénalisées "l'atteinte aux valeurs religieuses"[2], les relations sexuelles hors mariage[3], l'apostasie[4], etc. L’avortement est criminalisé (ou non) dans certaines conditions et de façon très variable d’un pays à l’autre. Pour les libertariens, la contrebande, l’évasion fiscale, le trafic de drogue, la prostitution, la diffamation, etc., ne constituent en aucune manière des crimes ou délits. Les libertariens voudraient fonder le droit pénal sur des critères rationnels et universels, et l’extraire de l’arbitraire étatique.
  • définir le droit pénal comme une réaction de la société n’a pas de sens pour les libertariens, qui se réclament de l’individualisme libéral. Seule la prise en compte des droits de la victime lésée a un sens. La dissuasion comme « droit de la société » est vue comme un faux droit (la société n’étant pas une victime), et la notion d’ordre public ou de ministère public n’a pas de sens. Cependant un théoricien tel que Nozick (dans Anarchy, State and Utopia) affirme que le droit de punir est le seul droit naturel qui soit "possédé collectivement" au travers de l'État minimal.

Plusieurs pistes ont été ouvertes par les libertariens, sans qu’un consensus ait pu encore être dégagé. La « loi du Talion » a inspiré la plupart des théoriciens. On peut se faire justice soi-même, mais par commodité et pour éviter des cycles de violence permanents il est admis que les individus confieront ces tâches à des agences de police privées et à des tribunaux privés. La dissuasion comme justification de la punition est contestée car c’est un principe utilitariste, alors que pour les libéraux non libertariens elle constitue le plus souvent la seule raison qui justifie qu'on punisse au-delà de la simple réparation.

Le critère du consentement est essentiel, alors que dans le droit positif il est subsidiaire. Ainsi, une affaire de cannibalisme consenti (telle que celle de Armin Meiwes en Allemagne) ne donnerait en principe pas lieu à des poursuites d'un point de vue libertarien.

Murray Rothbard, dans l’Éthique de la Liberté, consacre un chapitre à «  La proportionnalité des peines ». D’après le principe de la proportionnalité des peines, l’auteur de l’infraction perd ses droits dans la mesure même où il prive autrui des siens. Outre la réparation, quand elle est possible (restitution du produit d’un vol, remboursement de dégâts causés), le coupable encourt une peine maximale équivalente au préjudice causé (loi dite du « double talion », en réalité loi du Talion stricte si on laisse de côté la réparation), le plaignant ou ses ayant droits n’étant cependant pas tenus d’exiger la peine maximum. La peine de mort contre un meurtrier est possible, puisque ce dernier a perdu son droit à la vie. Seule la victime ou ses ayants droit décident de la « punition », et non un tribunal prétendant statuer « au nom de la société ». Le cas de meurtre d’une personne sans ayant droit peut être réglé de différentes façons (testament prévoyant ce cas, assurance contre le crime, etc).

Un des points superficiellement traités par Rothbard est celui de l’intentionnalité. Rothbard, exigeant un critère objectif, ne tient pas compte de l’intention qui préside à l’acte, élément subjectif qu’il est parfois impossible de connaître, et qui pour lui est davantage du ressort de l’éthique que du droit. Il semble donc que de son point de vue un homicide involontaire doive être traité de la même façon qu’un homicide volontaire, puisque le résultat objectif est le même : la mort d’un être humain.

Christian Michel conteste l’idée même de punition ainsi que l’idée rothbardienne de déchéance des droits du coupable. Il s’en tient à la stricte réparation du préjudice, comme seule solution pour rétablir le statu quo ante et pour limiter le « niveau global de violence dans le monde » :

Le respect du droit de propriété et le principe de restitution constituent ce minimum que nous pouvons légitimement exiger des autres. Le châtiment appartient à une autre sphère métaphysique. Aucune personne humaine n’a le droit de punir.

Dans ce cadre, la punition peut subsister, mais comme sanction librement acceptée au sein d’une communauté (religieuse), et venant s’ajouter à l’indispensable réparation du préjudice. Le « droit pénal » est complètement évacué au profit du seul droit civil. Les mécanismes d’assurance peuvent permettre d’assurer une protection policière et judiciaire aux individus (ce qui règle entre autres le cas toujours embarrassant pour les libertariens du meurtre d’une personne sans ayant droit).

Bertrand Lemennicier adopte un point de vue très proche :

« La compétition éliminera la distinction entre droit pénal et civil. C'est le changement le plus profond que l'on puisse attendre d'une privatisation de la justice comme de sa mise en compétition. On réparera les dommages sans faire de distinction entre l'acte volontaire ou involontaire. Car désormais c'est la victime qui demande réparation, ce n'est plus l'État ou la société, des entités fictives. »

Selon Bertrand Lemennicier, le monopole étatique de la justice, présenté par les étatistes comme un "bien public", engendre, comme tout monopole, des dysfonctionnements, des injustices, une lenteur inacceptable, une centralisation bureaucratique, un service de mauvaise qualité, de la corruption, des privilèges injustifiés (magistrats qui n'ont pas de comptes à rendre et bénéficient d'une irresponsabilité institutionnelle, politiciens au-dessus des lois). Comme dans d'autres domaines, le marché peut pourvoir au besoin de justice par l'arbitrage privé.

Pour les libertariens utilitaristes comme David Friedman, différentes polices privées et différents tribunaux privés coexisteraient, avec des législations privées différentes, ce qui donnerait une offre très variable en matière pénale (l'ouvrage Vers une société sans État expose entre autres ce qui se passerait en ce qui concerne la peine de mort).

Citations

  • Il entre dans le sentiment de la justice non pas seulement un élément rationnel, mais aussi un élément animal, la soif de représailles ; et sa soif tire son intensité aussi bien que sa justification morale du genre d'utilité extraordinairement important et émouvant auquel elle correspond. (John Stuart Mill, L'utilitarisme, chap. V)
  • Si nous nous reportons maintenant à ces milliers d’années qui précèdent l’histoire de l’homme, nous prétendrons hardiment que c’est précisément le châtiment qui a le plus puissamment retardé le développement du sentiment de culpabilité, — du moins chez les victimes des autorités répressives. Et ne négligeons pas de nous rendre compte que c’est l’aspect des procédures judiciaires et exécutives, qui empêche le coupable de condamner en soi son méfait et la nature de son action : car il voit commettre au service de la justice, commettre en bonne conscience, puis approuver la même espèce d’actions : savoir l’espionnage, la duperie, la corruption, les pièges tendus, tout l’art plein de ruses et d’artifices du policier et de l’accusateur, puis encore ces actions essentiellement criminelles qui n’ont même pas pour excuse la passion : le rapt, la violence, l’outrage, l’incarcération, la torture, le meurtre, tels qu’ils sont marqués dans les différentes sortes de châtiments, — tout cela n’est donc pas condamné par le juge et réprouvé en soi, mais seulement dans certaines circonstances et sous certaines conditions. (Friedrich Nietzsche, Généalogie de la morale)
  • Châtiment : c'est en effet ainsi que la vengeance se nomme elle-même. Sous un titre mensonger elle se donne l'illusion d'une bonne conscience. (Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra)
  • Mais la vengeance ne se nomme jamais elle-même de son propre nom, et moins que jamais lorsque précisément elle se venge. La vengeance s'appelle « châtiment ». Elle donne ainsi à sa nature, faite d'hostilité, l'apparence du droit. Elle couvre sa nature haineuse en affectant de sanctionner. (Martin Heidegger, Qu'appelle-t-on penser ?, 1954)

Notes et références

  1. Par exemple, le droit positif européen condamne les jeux sado-masochistes même s'il y a consentement des "victimes" : "En matière de coups et blessures, le consentement de la victime n'efface pas le caractère délictueux de l'acte" (jugement de la Cour européenne des Droits de l'Homme)
  2. Par exemple, l'article 216 du code pénal turc.
  3. Par exemple au Maroc la loi interdit les relations sexuelles hors mariage et prévoit des peines d'un mois à un an de prison.
  4. En Mauritanie la loi prévoit la mise à mort des apostats (article 306 du Code pénal).

Voir aussi

Liens externes

B0.jpg Discussions sur le forum
Faut-il Punir Les Criminels ?, texte de Christian Michel (for)
Article 122-1 du code pénal : L'irresponsabilité pénale dans l'actualité (for)
Punition, réparation, dissuasion (for)
Non-assistance à personne en danger (for)


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