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Individualisme

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L'individualisme est la théorie politique ou philosophique qui affirme la prééminence de l'individu sur la société.

Historiquement, le terme est apparu en France au début du XIXe siècle. On en trouve une seule mention dans l'œuvre de Benjamin Constant[1], qui, pour ce qui le concerne, préfère parler dans le même sens d'« indépendance individuelle ».

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Définition

L'individualisme est une conception politique, sociale et morale qui tend à privilégier les droits, les intérêts et la valeur de l'individu par rapport à ceux du groupe et de la communauté. Son principe est que l'individu est la seule entité sur laquelle peut se mesurer la valeur morale d'une action.

Ceci implique que les jugements de valeur portés sur des actions sont fondés sur la nature de l'homme. L'individualisme est donc une éthique rationaliste qui ne se fonde pas sur les religions en tant que sources morales. Par ailleurs, dans toute réflexion, et notamment politique, l'individualisme rejette la substitution de l'individu par le groupe, procédé souvent employé injustement pour promouvoir les sacrifices individuels au profit d'autrui. Par exemple, la notion d'intérêt général d'une société est trompeuse et invalide, car elle n'est pas définissable à partir de concepts réels.

L'individualisme vise à ériger en norme suprême l'individu, quel qu'il soit : l'individu forme une réalité autonome, particulière et distincte de toute communauté politique. L'individualisme tend à reconnaître la prééminence tant axiologique que chronologique de l'individu sur la société ainsi que sur l'État. Toute organisation sociale relevant, en effet, clairement de l'artifice, une nation, par exemple, ne peut imposer un empire excessif sur la vie des individus qui la composent. La nation, dans une optique individualiste, est assimilable à une simple série d'individus associés en vue de vivre plus heureusement. L'individualisme est un humanisme dans l'exacte mesure où cela revient, à la fois, à affirmer sans ambages et à défendre la primauté de l'individu sur la multitude.

Dans le domaine de la philosophie politique, le représentant de l'individualisme est le libertarianisme, qui ne tolère pas l'initiation de la violence, sauf dans le but de se protéger de l'agression. La propriété privée, issue du travail mêlé à des ressources matérielles, est l'autre aspect important de la pensée libertarienne et correspond au besoin humain naturel d'agir sur son environnement pour le rendre favorable au maintien de sa vie et à la réalisation de son bonheur.

Dans La Vertu d’Égoïsme, la philosophe et romancière américaine Ayn Rand propose et formalise l'égoïsme en tant qu'éthique. Il s'agit d'un courant de pensée individualiste. Parmi les valeurs défendues par Ayn Rand, la justice, la responsabilité et l'indépendance, matérielle et intellectuelle, sont caractéristiques de l'individualisme.

Erreurs courantes

L'individualisme libéral ne nie pas la nature sociale de l'homme, comme le prétend parfois le collectivisme. Il affirme cependant que :

  • l'homme "précède" toute entité sociale, quelle qu'elle soit (famille, nation...) ; les phénomènes sociaux n'existent que par les individus qui y participent, et les entités sociales n'ont d'existence qu'en raison de la nature sociale de l'homme ;
  • l'homme seul, en tant qu'agent moral qui opère des choix, est une fin et non un moyen ; toute institution sociale doit être jugée non pas pour son intérêt en soi ou selon sa finalité, mais sur l'effet qu'elle a sur chaque individu.

Le libéralisme ne fait pas primer l'individu sur la "société", puisque cette société est précisément constituée d'individus ; il s'oppose simplement à une forme d'organisation coercitive de cette société, qui ne respecte pas les droits individuels.

L'homme est par nature un animal social. La spécificité de sa socialisation, c'est de permettre l'émergence de son individualité. C'est parce qu'il vit en société que l'homme est un individu. Le processus d'individuation par lequel la personne acquiert son indépendance, sa différenciation, son autonomie et son développement personnel, s'élabore dans la relation à autrui.

La société n'est que l'ensemble des relations que l'être humain entretient avec ses semblables. La forme de cette société, donc de ces liens entre individus, est ce qui intéresse le libéral, car certains de ces liens, liens de coopération volontaire, respectent l'individu et ses droits, d'autres non (liens de sujétion et de coercition).

L'accusation d'atomisation de la société que certains portent à l'égard de l'individualisme libéral est infondée, puisque le libéral est favorable à toute forme d'association volontaire (qu'il s'agisse d'association, de syndicat, de mutuelle, d'entreprise, de club, etc.). Les collectivistes ne comprennent pas qu'il puisse y avoir une différence entre association volontaire et association coercitive (en revanche ils comprennent très bien les avantages qu'ils peuvent retirer de ce dernier type d'"association").

Citations

  • « L'individualiste absolu est l'homme moral par excellence. » (Ayn Rand)
  • « Le monde avance grâce à des individus qui poursuivent leur propre intérêt. Les grandes réalisations de la civilisation ne sont pas sorties des administrations étatiques. » (Milton Friedman)
  • « L'individualiste conclut qu'il faut laisser, à l'intérieur de limites déterminées, l'individu libre de se conformer à ses propres valeurs plutôt qu'à celles d'autrui, que dans ce domaine les fins de l'individu doivent être toutes-puissantes et échapper à la dictature d'autrui. Reconnaître l'individu comme juge en dernier ressort de ses propres fins, croire que dans la mesure du possible ses propres opinions doivent gouverner ses actes, telle est l'essence de l'individualisme. » (Friedrich von Hayek, La Route de la servitude[2])
  • « L'individualiste affirme : "Je ne vivrai pas la vie d'un autre, ni ne laisserai un autre vivre ma vie. Je ne dominerai personne, ni ne serai dominé. Je ne serai pas un maître, ni un esclave. Je ne me sacrifierai pas pour les autres, ni ne sacrifierai les autres pour moi." » (Ayn Rand)
  • « L'individualisme n'est pas un repli égocentrique sur soi, pas plus qu'il n'est sacrifice des autres à mon intérêt personnel. En satisfaisant mon intérêt, j'œuvre souvent dans l'intérêt des autres. Inversement, l'individualiste qui ne tiendrait pas compte de la liberté et des intérêts des autres risquerait fort de ne pas survivre très longtemps. » (Gisèle Souchon, Les grands courants de l'individualisme)
  • « L'individualisme, bien entendu, n'est pas l'égoïsme, mais la pitié et la sympathie de l'homme pour l'homme et que je mets au défi qu'on nous propose une autre fin que celle-là. (...) L'individualisme ainsi entendu, c'est la glorification, non du moi, mais de l'individu en général. Il a pour ressort non l'égoïsme, mais la sympathie pour tout ce qui est homme. N'y a-t-il pas là de quoi faire communier toutes les bonnes volontés ? (...) Non seulement l'individualisme n'est pas l'anarchie, mais c'est désormais le seul système de croyances qui puisse assurer l'unité morale du pays. » (Émile Durkheim, L'Individualisme et les intellectuels[4])
  • « Je vois dans la tradition étatique et sociale un obstacle à l'individuation, mais si l'on souhaite des hommes ordinaires et égaux, c'est parce que les faibles redoutent l'individu fort et préfèrent un affaiblissement général à un développement dirigé vers l'individuel. » (Friedrich Nietzsche)
  • « L'individu est quelque chose d'entièrement nouveau et créateur de nouveauté, quelque chose d'absolu auquel toutes ses actions appartiennent en propre. Il n'emprunte qu'à lui-même les valeurs qui règlent ses actions, car lui aussi doit interpréter de façon toute individuelle les mots d'ordre reçus. Même s'il n'invente pas la formule ; il en a au moins une interprétation personnelle : en tant qu'interprète il est encore créateur. » (Friedrich Nietzsche, La Volonté de Puissance, § 767)
  • « L'individualisme n'est pas la morale. Il est seulement la plus forte méthode morale que nous connaissons, la plus imprenable citadelle de la vertu et du bonheur. » (Han Ryner, Le Petit manuel individualiste[5])
  • « L’individualisme : ce mot désigne pour eux (les gens de l’État) le cauchemar suprême, le soupçon qu’il subsiste quelque part un fragment de l’esprit humain qui échapperait à la sphère politique, au collectif, au communautaire, au domaine public : le leur ». (Jean-François Revel, Le Regain démocratique, 1992)
  • « Si tu te fais ver de terre, ne te surprend pas si on t'écrase avec le pied. » (Emmanuel Kant)
  • « L'individualisme est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s'être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même » (Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique II[6])
  • « Quand on veut vivre parmi les hommes, il faut laisser chacun exister et l'accepter avec l'individualité, quelle qu'elle soit, qui lui a été départie. » (Arthur Schopenhauer, Aphorismes sur la sagesse dans la vie)
  • « Le moteur du progrès a dû être dans quelque révolte de l’individu, dans quelque libre penseur qui fut sans doute brûlé. Or la société est toujours puissante et toujours aveugle. Elle produit toujours la guerre, l’esclavage, la superstition, par son mécanisme propre. Et c’est toujours dans l’individu que l’humanité se retrouve, toujours dans la société que la barbarie se retrouve. » (Alain)
  • « L’Individualisme est la doctrine politique d’après laquelle l’Individu est la fin et l’État le moyen. L’Individualisme remplace l’ancienne formule : « l’individu pour l’État » par celle-ci : L’État pour l’individu. L’Individualisme n’admet pas qu’on puisse imposer une contrainte à un individu qui ne fait de mal à per­sonne. » (Yves Guyot, La démocratie individualiste)
  • « L’historicisation de la notion d’individu est une idée qui semble étrange dès qu’on prend la peine de s’y arrêter, bien qu’elle soit fort répandue. L’être humain n’a-t-il pas le souci de soi et des siens dans toute société ? Le grand sociologue français Durkheim n’éprouve aucun doute sur ce point : « L’individualisme ne commence nulle part », écrit-il : il est de tout temps. Ce qui signifie simplement que les hommes ont de tout temps jugé les institutions (au sens large du terme) à un trébuchet : leur contribution au bien-être des individus. » (Raymond Boudon, Pourquoi les intellectuels n'aiment pas le libéralisme ?)
  • « Une nation n'est bien constituée que lorsque tout y est dirigé dans l'intérêt de l'individu. Il importe peu que l’État soit puissant, qu'il ait beaucoup d'attributions, de privilèges, de richesses, de faste ; il importe beaucoup que les individus puissent progresser dans tous les sens. » (Jacques-Henri Serment)

Notes et références

  1. "Le système de M. Dunoyer est ce que ses critiques appellent l'individualisme; c'est-à-dire, qu'il établit pour premier principe que les individus sont appelés à développer leurs facultés dans toute l'étendue dont elles sont susceptibles; que ces facultés ne doivent être limitées qu'autant que le nécessite le maintien de la tranquillité, de la sûreté publique, et que nul n'est obligé, dans ce qui concerne ses opinions, ses croyances, ses doctrines, à se soumettre à une autorité intellectuelle en dehors de lui." ("L’industrie et la morale considérées dans leur rapport avec la liberté", Revue encyclopédique, 1er février 1826)
  2. Friedrich Hayek, La Route de la servitude, édition Quadrige, 2005, p.49
  3. Ludwig von Mises, L'Action humaine, 2e partie, chap.8, 2e section : Une critique de la conception holistique et métaphysique de la société, [lire en ligne]
  4. Émile Durkheim, L'Individualisme et les intellectuels, 1898, in La Science sociale et l’action, PUF, 1987, p.268
  5. Han Ryner, Le Petit manuel individualiste, chap.7, [lire en ligne]
  6. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, GF, 1993, p.125

Voir aussi

Bibliographie

  • 1955, Léo Moulin, "On the Evolution of the Meaning of the Word ‘Individualism'", International Social Science Bulletin, Vol 6, pp51–60
  • 1973, S. Lukes, "Individualism", Oxford, Blackwell
  • 1978, Alan MacFarlane, "The Origins of English Individualism: The Family, Property, and Social Transition", Basil Blackwell, Oxford
  • 1983, Louis Dumont, Essais sur l'individualisme. Une perspective anthropologique sur l'idéologie moderne, Le Seuil
  • 1999,
    • Colin Bird, "The Myth of Liberal Individualism", Cambridge: Cambridge University Press
    • Gisèle Souchon, Les Grands courants de l'individualisme, Armand Colin, ISBN 2200018142
  • 2008, K. Pribram, "La genesi della filosofia sociale individualistica", In: E. Grillo, dir., "L’individualismo nelle scienze sociali", Rubbettino: Soveria Mannelli

Articles connexes

Liens externes

En français

En anglais


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