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Idéologie

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L'idéologie est une conception, représentation ou manière idéelle de concevoir le monde exprimée sous une forme constitutive de croyances individuelles ou collectives. Elle suppose une connaissance, ou un systèmes d’idées, servant à la fois comme instrument et vérité, orientée vers un but précis. L'idéologie produit et véhicule un discours dirigé vers le plus grand nombre afin de produire un certain effet ou réaction. L'idéologie peut être discernée comme un système avec son langage et formes de communication propres qui participent à un conditionnement des comportements et idées, elle engendre une forme de conscience directrice poussant à agir dans un but déterminé.

Idéologie en Corée du Nord

Concept initial

Le mot « idéologie », initialement forgé par Pierre Jean Georges Cabanis, est apparu en août 1798 dans Mémoire sur la faculté de penser du philosophe Antoine-Louis Destutt de Tracy. Sous sa plume, ce concept est la traduction littérale de science des idées que l'auteur essaie alors d'élaborer. Napoléon s'est ensuite moqué de Destutt et des autres Idéologues en orientant le terme dans un sens péjoratif, laissant entendre qu'il s'agissait d'intellectuels peu au fait de la politique concrète.

Dans son Idéologie allemande (1845), Karl Marx conservera le sens dépréciatif et le popularisera. Mais il parlera d'idéologie pour désigner ce qu'il considère comme une illusion idéaliste, consistant à croire - d'après lui, à tort - que les idées sont indépendantes de la réalité matérielle. D'où il tirera comme conséquence logique que tant que les individus ne sont pas indifférenciés (cf. société close), aucune pensée n'est universalisable mais marquée irrémédiablement, y compris à l'insu des individus, du sceau de l'intérêt particulier. Ainsi par exemple, dire que le capitalisme n'est pas un jeu à somme nulle, ce qu'affirment et défendent les libéraux, relève, pour un marxiste, ou, au mieux, d'une illusion bourgeoise, ou, au pire, d'une volonté délibérée de manipuler les « classes opprimées ».

L'idée de vision-du-monde (la "Weltanschauung" allemande) reprend ces deux aspects de rêverie non-scientifique et de point de vue particulier et peut aller jusqu'à l'idée récente - mais qui n'est que le dernier avatar du culturalisme - de « choc des civilisations », où chaque culture et chaque langage, parce qu'appréhendant la réalité de manières différentes et incompatibles sont partiellement intraduisibles. Quand il parlait de « fin des idéologies »[1], Raymond Aron insistait sur le caractère totalitaire des mouvements politiques qui imposaient une lecture globale du monde, à la différence d'un mode de vie en société libéral, c'est-à-dire non-prescriptif (en ce sens le libéralisme est anti-idéologique, Essais sur les libertés, chap.II).

Définition courante

Une idéologie est un ensemble plus ou moins cohérent d'idées, de croyances et de doctrines philosophiques, religieuses, politiques, économiques, sociales, propre à une époque, une société, une classe.

Un tel système d'idées sert à décrire, expliquer, interpréter ou justifier une situation sociale. S'inspirant de valeurs, il propose une orientation précise à l'action.

Au même titre que le collectivisme ou l'anarchisme, le libéralisme pourrait être présenté comme une idéologie, dans le sens où, pour ce qui le concerne, il entend changer la société, la rendre plus libre et plus juste. Certains préfèrent parler de façon plus vague de courants de pensée, ou de façon plus précise, se référant au « noyau idéologique », de philosophie du droit.

D'autres diront que le libéralisme, prônant le laissez-faire et/ou l'ordre spontané, se caractérise par l'absence d'idéologie. En effet, alors que l'idéologie se présente comme un dogme applicable à tous pour faire avancer la société dans un même sens, le libéralisme encourage au contraire les opinions divergentes et les choix personnels différents.

Alors que les idéologies constructivistes étatistes cherchent à changer l'Homme, le libéralisme cherche au contraire à le respecter. Un des arguments fallacieux de ces idéologies consiste d'ailleurs à prétendre qu'une philosophie reposant sur la non-agression comme le libéralisme est elle aussi arbitraire, et qu'il suffirait de changer d'idéologie pour faire aussitôt le bonheur des gens. Jean-François Revel dénonçait cette façon de penser :

[Les socialistes] débusquent partout cette systématisation abstraite et moralisatrice qui les habite et les soutient. Ils croient que toutes les doctrines qui les critiquent copient la leur en se bornant à l’inverser et qu’elles promettent, comme la leur, la perfection absolue, mais simplement par des voies différentes. (...) Le libéralisme n’est pas le socialisme à l’envers, n’est pas un totalitarisme idéologique régi par des lois intellectuelles identiques à celles qu’il critique.

En général, les collectivistes et les constructivistes ne comprennent pas que le libéralisme est fondé sur la liberté et la propriété naturelle, et non sur des règles arbitraires qui favoriseraient les uns aux dépens des autres (ce qui est en fait la caractéristique propre à l'étatisme).

Pour les libertariens, la classe dominante use de l'idéologie pour affermir son pouvoir, moyen plus efficace et plus insidieux que la seule force résultant de la loi du plus fort. Les intellectuels étant presque tous employés de l’État, leurs intérêts se confondent naturellement avec ceux des gouvernants et l'idéologie qu'ils véhiculent est toujours favorable à l'étatisme. Cette tendance s'est renforcée à partir du XIXe siècle avec le poids toujours plus grand de l’État dans l'éducation et dans les universités, et les directives qu'il donne dans l'enseignement de certaines matières (économie, philosophie...) :

d'un côté, la philosophie est un instrument au service du pouvoir, de l'autre, un moyen de s'enrichir [...] À qui fera-t-on croire que la vérité sortira de tout cela comme un sous-produit ? Les gouvernements mettent la philosophie au service de leurs intérêts d’État ; quant aux intellectuels, ils en font commerce. (Arthur Schopenhauer)

Omniprésence de l'idéologie dans le socialisme et le communisme

Alain Besançon, reprenant les analyses de Zinoviev[2], explique que même si "elle n'a aucun contenu, aucune signification, aucune consistance, aucun rapport avec la réalité", elle a pour fonction d'organiser la société dans son ensemble. L'idéologie en URSS, selon Zinoviev, assumait quatre fonctions :

  1. permettre aux citoyens de prendre connaissance de la doctrine officielle ;
  2. interdire tout ce qui n'est pas d'accord avec elle ;
  3. fournir une interprétation de tous les événements qui ont lieu dans le monde ;
  4. obliger les citoyens à participer, à jouer un rôle, à le jouer sérieusement et même passionnément.

Besançon conclut :

Dans une telle perspective, il n'y a pas de société communiste. Il n'y a que des apparences, des décors, des faux-semblants, des mannequins, des prothèses d'une société qui fait semblant d'exister sous une forme afin de continuer d'exister sous une autre. Tout est suspendu à la magie de l'idéologie et du pouvoir qu'elle sécrète en permanence. Une rupture dans l'idéologie-pouvoir, et la réalité fait un rapide retour, la société réelle crève l'écran de la pseudo-société qui la recouvre et la question du pouvoir est rapidement posée .

On parle parfois de "rente idéologique" pour désigner un bénéfice ou un privilège qu'on tire du terrorisme intellectuel, de la culpabilisation, de l'égalitarisme, de l'assujettissement d'autrui par le biais de l'expression d'une idéologie acceptée sans esprit critique.

Citations

  • « Mourir pour une idée est noble, indubitablement. Mais il serait bien plus noble de mourir pour des idées qui soient vraies ! » (H. L. Mencken)
  • « Une idée qui n’est pas dangereuse ne mérite pas d’être appelée une idée. » (Oscar Wilde)
  • « A la longue, le sabre est toujours battu par l'esprit. » (Napoléon Bonaparte, cité par Las Cases dans le Mémorial de Sainte-Hélène)
  • « Les "idéologies", c'est-à-dire des ensembles de principes, sont devenues généralement aussi antipathiques aux peuples qu'elles l'ont toujours été aux aspirants dictateurs, notamment à Napoléon Ier et à Karl Marx, les deux hommes qui ont donné à ce mot son sens péjoratif moderne. Si je ne me trompe, cette attitude à la mode, de mépris pour l' "idéologie" et pour tous les principes généraux et mots en "isme", est caractéristique des socialistes déçus; ayant été forcés d'abandonner leur propre idéologie à cause de ses contradictions internes, ils en ont conclu que toutes les idéologies doivent être erronées et que pour être rationnel il faut s'en passer. » (Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté, 1973)[3]
  • « Qu’est-ce qu’une idéologie ? C’est une construction a priori, élaborée en amont et au mépris des faits et des droits, c’est le contraire à la fois de la science et de la philosophie, de la religion et de la morale. » (Jean-François Revel, La Grande parade)
  • « L'idéologie, c'est ce qui pense à votre place. » (Jean-François Revel, La Grande parade)
  • « L'idéologie n’étant pas tirée des faits, elle ne se sent jamais réfutée par eux ». (Jean-François Revel[4])
  • « La formule : "L'idéologie est l'idée de mon adversaire" serait une des moins mauvaises définitions de l'idéologie. » (Raymond Aron, Recherches philosophiques[5])
  • « L'idéologie retourne la vérité comme un gant. » (Alain Besançon)
  • « Les libéraux n'aiment pas l'idéologie : elle leur a toujours paru désigner l'aveuglement dogmatique de l'adversaire. Aucun mot pourtant ne désigne mieux ce que peut être le libéralisme dans tous ses aspects intellectuels, économiques, sociaux, moraux et, en dernier lieu, politiques. Refuser l'idéologie me paraît être une attitude aussi artificielle que préconiser l'apolitisme : pour bien des libéraux, l'idéologie comme la politique, ce sont encore les autres. » (Guy Sorman)
  • « En dernière analyse, le cours de l’histoire est déterminé par des idées, qu’elles soient justes ou fausses, et par les hommes dont elles inspirent les actes. » (Hans-Hermann Hoppe)
  • « Les sectes qui offrent des systèmes pour résoudre la souffrance économique, sociale et religieuse sont les pires, car alors c'est le système qui devient important, non l'homme. Que ce système soit religieux ou social, de droite ou de gauche, c'est lui avec sa philosophie et ses idées qui devient important, non l'homme. Et pour ces idées, ces idéologies, on est tout prêt à sacrifier l'humanité entière. (...) Ce sont les systèmes qui sont devenus importants, et de ce fait, l'homme - vous et moi - a perdu toute valeur, et ceux qui ont le contrôle des systèmes (religieux ou économiques, de droite ou de gauche) assument l'autorité, le pouvoir, et par conséquent vous sacrifient, vous l'individu. » (Jiddu Krishnamurti)
  • « Si peu d’hommes savent penser, tous néanmoins tiennent à avoir des opinions. » (Berkeley)[6]
  • « C'est toujours nous, les intellectuels, qui, par lâcheté, vanité et orgueil, avons fait ou faisons les pires choses. Nous qui avons un devoir particulier à l'égard de ceux qui n'ont pas pu étudier, nous sommes les traîtres de l'esprit, comme l'a dit le grand penseur français Julien Benda. C'est nous qui avons inventé et diffusé le nationalisme, comme l'a montré Benda, et nous suivons les modes idiotes. Nous voulons nous faire remarquer et parlons un langage incompréhensible mais très impressionnant, un langage docte, artificiel, que nous tenons de nos maîtres hégéliens. » (Karl Popper, La Leçon de ce siècle[7])
  • « Il n’est rien au monde d’aussi puissant qu’une idée dont l’heure est venue.» (Victor Hugo)
  • « Une idéologie présente les croyances et les valeurs de la classe dominante comme étant universelles. Par exemple, l’idéologie dominante aujourd’hui, celle des « droits de l’homme », présente la démocratie parlementaire comme le seul régime politique admissible (de même, nos ancêtres croyaient le régime monarchique indépassable). Comme les individus pensent en faisant appel aux concepts, au vocabulaire et aux références généralement en usage, le fonctionnement réel de la société leur est incompré­hensible ; ils ne peuvent pas se représenter une société sans État, et ils ne se doutent pas des intérêts économiques que cachent les régimes politiques.» (Christian Michel)
  • « Aucune pensée n’est sacrée, car nulle pensée n’est une « dévotion » ; aucun sentiment n’est sacré (il n’y a point de sentiment sacré de l’amitié, de saint amour maternel, etc.), aucune foi n’est sacrée. Pensées, sentiments, croyances sont révocables et sont ma propriété, propriété précaire que Moi-même je détruis comme c’est Moi qui la crée.» (Max Stirner, L’unique et sa propriété)
  • « Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges.» (Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain)
  • « Un pur trouve toujours un plus pur qui l'épure. » (Ernest Picard)
  • « L'idéologie fait partie intégrante du caractère de l'homme civilisé. Vouloir bannir entièrement ces sentiments, cette idéologie, et tout ce qui s'y rapporte, c'est donner en plein dans l'erreur des gens qui s'imaginent que l'homme peut se passer entièrement de religion et la remplacer par de simples notions scientifiques. » (Vilfredo Pareto, Les Systèmes socialistes)
  • « J'ai affronté leur idéologie. Mais en marchant contre eux, c'était ma propre tête que je portais sous le bras. » (Alexandre Soljenitsyne)
  • « L’imagination et la force intérieure des scélérats de Shakespeare s’arrêtaient à une dizaine de cadavres parce qu’ils n’avaient pas d’idéologie. L’idéologie, c’est ce qui vient justement légitimer la scélératesse. C’est la théorie sociale qui aide le scélérat à blanchir ses actes à ses propres yeux et à ceux d’autrui. » (Alexandre Soljenitsyne, L’Archipel du goulag)
  • « Quelque chose en nous a été détruit par le spectacle des années que nous venons de passer. Et ce quelque chose est cette éternelle confiance de l'homme, qui lui a toujours fait croire qu'on pouvait tirer d'un autre homme des réactions humaines en lui parlant le langage de l'humanité. Nous avons vu mentir, avilir, tuer, déporter, torturer, et à chaque fois il n'était pas possible de persuader ceux qui le faisaient de ne pas le faire, parce qu'ils étaient sûrs d'eux et parce qu'on ne persuade pas une abstraction, c'est-à-dire le représentant d'une idéologie. » (Albert Camus, Le Siècle de la Peur-Actuelles I)
  • « Une idéologie est généralement le noble masque qui cache le désir irrépressible d'un groupe d'acquérir le pouvoir et les ressources d'autres groupes sociaux. C'est un mème : un ensemble d'idées impatientes de s'accroître en absorbant la substance des voisins d'un super-organisme. » (Howard Bloom, Le Principe de Lucifer)
  • « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. » (Charles Péguy)

Notes et références

  1. « En observant la consolidation de la démocratie libérale en Europe occidentale, on aboutit à ce que j'appellerais volontiers le conformisme actuel de l' optimisme occidental, dont la formule fin des idéologies est l'expression, aujourd'hui presque consacrée. La formule n'a jamais signifié qu'une société industrielle, à un certain niveau de prospérité, ignorait le conflit des idées ou le choc des tempéraments. Il y a toujours eu et il y aura toujours des opportunistes et des rebelles, des modérés et des violents, des conservateurs qui craignent le changement et des réformateurs qu'indigne l'imperfection du réel. Ce que suggérait la formule, c'était le scepticisme à l'égard des systèmes globaux d'interprétation du monde historique au nom desquels un parti se croyait investi d'une mission et voué à la destruction de l' ordre existant et à l'édification d'un ordre radicalement autre. Ni le marxisme-léninisme, ni le fascisme, ni le libéralisme n'éveillent plus la foi qui soulève les montagnes. » (Essai sur les libertés, p.73)
  2. Acrobat-7 acidtux software.png [pdf]Alain Besançon : La normalité du communisme selon Zinoviev
  3. Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté, chap.3, édition 2007, PUF, p.163
  4. "La colère et la pitié", article paru dans Le Point n°1577, 6 décembre 2002, p.38
  5. Raymond Aron, Recherches philosophiques, VI, 64
  6. Few men think, yet all will have opinions
  7. Karl Popper, La leçon de ce siècle, Editions Anatolia, Collection bibliothèques 10/18, 1993, p. 139

Pour aller plus loin

Bibliographie

  • 1960, D. Bell, "The End of Ideology", London and New York, Macmillan

Articles connexes

Liens externes

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