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Subjectivité de la valeur

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La subjectivité de la valeur est une conception évaluative en économie qui postule que tout bien, « pour avoir de la valeur, doit être utile et rare »[1]. Elle reconnait également qu'un objet peut répondre aux besoins d'un individu et non d'un autre[2].

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Historique

Si Aristote et Saint Augustin (354-430) avaient déjà pensé que chaque individu possède sa propre échelle de valeur pour apprécier les choses, c'est au Moyen Age que des scolastiques comme Henri de Gand (1217-93), Richard de Middleton (1249-1306), le franciscain Pierre de Jean Olivi, Jean de Buridan, Albert le Grand et son élève Thomas d'Aquin[3] ont battu en brèche la théorie de la valeur établie sur le coût de production défendue notamment par John Duns Scot, et qui servait de prétexte aux marchands pour gonfler leurs prix.[4]

Il reviendra aux membres de l'École de Salamanque, jouissant d'un contexte historique propice à la variation des prix, à la suite de l'arrivée massive d'or venu d'Amérique, de généraliser cette approche. Celle-ci sera maintenue en vie en France par Condillac ou Turgot et au Royaume-Uni par Samuel Bailey[5] et sera redécouverte à la fin du XIXe siècle par Carl Menger et à sa suite, ceux que l'on classe parmi par l'École autrichienne (Mises, Hayek, etc.).

Principes

Si la théorie de la valeur-travail, exprimant l'idée que la valeur (le prix) d'une marchandise ou d'un service dépend du travail nécessaire à l'effectuer, semble intuitive, elle est beaucoup trop simpliste pour expliquer certains faits. Pourquoi le prix d'une œuvre d'art, par exemple, ne correspond-il pas du tout au nombre d'heures prestées par l'artiste pour la créer ? Comment expliquer qu'une voiture vendue neuve chez un concessionnaire vaudra bien moins si elle est vendue, dans le même état, par un particulier via des petites annonces ? Comment expliquer que la même bouteille d'eau aura une valeur bien plus importante dans un désert que dans une ville ?

Le principe de subjectivité de la valeur explique parfaitement ces variations. Le prix d'une marchandise ou d'un service dépend en fait de l'acheteur : à quel point a-t-il besoin du produit (subjectivisme personnel), combien est-il prêt à payer pour se l'offrir, quelles sont les conditions de la vente (rareté, environnement, etc.) ? La valeur découle donc de l'utilité ou de l'ophélimité, définie comme la capacité à satisfaire un désir, quel que soit ce désir.

Découle également de ce principe la notion d'utilité marginale décroissante, c'est-à-dire que l'utilité qu'un individu trouve à un produit ou un service diminue au fil du temps. Si l'on a soif, on sera prêt à payer cher un verre d'eau. Celui-ci une fois bu, l'utilité qu'on trouve à s'offrir un deuxième verre est moindre (car on a moins soif), et le prix que l'individu serait prêt à payer pour l'obtenir diminue d'autant.

Une théorie objective de la valeur (comme la valeur-travail) est incapable d'expliquer qu'on n'accorde pas la même valeur au premier et au deuxième verre d'eau qu'on peut boire en plein désert, quand bien même celui qui a extrait l'eau a eu la même peine à puiser le premier verre que le second. De même, la théorie de la valeur objective est incapable d'expliquer pourquoi la valeur d'un aliment sera différente pour quelqu'un qui adore en manger et quelqu'un qui le déteste, quand bien même cela ne change rien à la quantité de travail apportée. Et également cette théorie est incapable d'expliquer (en sus de la manière dont on peut fixer une valeur objective à un produit) pourquoi un gramme d'or extrait de manière très pénible, et un gramme d'or extrait de manière très facile (ou relativement plus facile) ont en fait la même valeur à l'échange, alors que l'extraction n'a pas mobilisé la même quantité de travail.

Ludwig von Mises distingue la valeur subjective, qui n'est pas « chiffrable » mais résulte d'un processus de comparaison subjectif, et la valeur d'échange objective, qui a cours sur le marché : cette valeur est exprimée en termes de monnaie.

La valeur objective est une notion dynamique, elle résulte de l'accord entre un vendeur et un acheteur à un instant donné et dans des circonstances précises (la valeur se découvre dans l'échange).

Citations

  • « La plupart des choses ne sont pas estimées à un prix égal selon qu'on les possède ou qu'on souhaite les acquérir. » (Aristote, Éthique à Nicomaque)
  • « Cette supériorité de la valeur estimative, attribuée par l'acquéreur à la chose acquise sur la chose cédée, est essentielle à l'échange, car elle en est l'unique motif. Chacun resterait comme il est s'il ne trouvait un intérêt, un profit personnel, à échanger; si, relativement à lui-même, il n'estimait ce qu'il reçoit plus que ce qu'il donne. » (Turgot, Valeurs et monnaies[6])
  • « Un objet manufacturé n’a pas une valeur parce qu’il a coûté de la peine. Il en a parce qu’il est utile. C’est cette utilité que l’on paie quand il a fallu qu’on la créât. Là où elle ne se trouve pas, il n’y a point eu de valeur produite, quelque peine qu’on ait jugé à propos de se donner… Tous les auteurs qui ont voulu former des systèmes économiques sans les fonder sur la valeur échangeable des choses, se sont jetés dans des divagations. De là l’importance à fixer nos idées relativement à la valeur… Ces principes élémentaires ne reposent point sur des discussions métaphysiques, mais sur des faits. » (Jean-Baptiste Say, Cours complet d'économie politique pratique[7])
  • « La valeur est toujours le résultat d'un processus d'évaluation. Le processus d'évaluation consiste à comparer l'importance de deux ensembles de biens du point de vue de l'individu qui effectue l'évaluation. L'individu qui évalue et les ensembles de biens évalués, c'est-à-dire le sujet et les objets de l'évaluation, doivent entrer comme des éléments indivisibles dans tout processus d'évaluation. » (Ludwig von Mises)
  • « S'il est impossible de mesurer la valeur d'usage subjective, il s'ensuit qu'il est impossible de lui assigner une "quantité". Nous pouvons dire que la valeur de ce bien est plus grande que celle de tel autre ; mais il n'est pas possible d'affirmer que ce bien vaut tant. (...) La valeur subjective n'est pas mesurée mais hiérarchisée. » (Ludwig von Mises)
  • « C'est la notion de "richesse naturelle", la vague idée matérialiste d'une "valeur inhérente" aux objets qui est fallacieuse, et de ce fait fausse le jugement. En réalité, la valeur n'apparaît qu'à partir du moment où une conscience humaine a reconnu qu'un objet pouvait servir son projet particulier. La valeur est une création de l'esprit humain. Elle procède d'un acte de la pensée, et tout être humain quelle que soit la date de son arrivée, peut et doit créer ainsi la valeur. » (François Guillaumat)
  • « Le fondement du prix propre ou intrinsèque, considéré en lui-même, c'est l'aptitude qu'ont les choses ou les actions à servir, soit médiatement, soit immédiatement, aux besoins, aux commodités, ou aux plaisirs de la vie. D'où vient que, dans le langage ordinaire, tout ce qui n'est d'aucun usage est dit de nul prix. » (Samuel von Pufendorf)
  • « On n’est pas payé pour ce qu’on vaut mais pour ce qu’on rapporte. » (Coluche)
  • « Veux-tu jouir de ta propre valeur ? Prête aussi une valeur au monde. » (Goethe)

Notes et références

  1. John Moser, The Origins of the Austrian School of Economics, Humane Studies Review, printemps 1997
  2. Carl Menger, Principes d'économie politique, Chapitre 3
  3. Murray Rothbard]], "New Light on the Prehistory of the Austrian School" (1976), §.12
  4. Murray Rothbard, "New Light on the Prehistory of the Austrian School" (1976), §.4
  5. Alors que la théorie de la valeur-travail était dominante après Adam Smith, David Ricardo puis Karl Marx
  6. Anne Robert Jacques Turgot, Valeurs et monnaies, in Oeuvres complètes de Turgot, 1808, vol 1, p. 279
  7. Jean-Baptiste Say, Cours complet d'économie politique pratique, Edition Guillaumin 1840, p.212

Articles connexes

Bibliographie

  • 1893, S. M. Macvane, The Austrian Theory of Value, Annals of the American Academy of Political and Social Science 4:348-77
  • 1994, Douglas McKnight, "The value theory of the Austrian school", Appraisal Journal, July, Vol 62, n°3, pp465-470
  • 2008, John Heskett, "Creating economic value by design", International Journal of Design, 3(1), pp71-84
  • 2010, Jan Vis, "Ondernemend waarderen: Waarderend ondernemen. De subjectiviteit van het begrip economische waarde" (Valorisation de l'entreprise : L'entreprise valorisée. La subjectivité du concept de la valeur économique), Apeldoorn: Maklu (en néerlandais)

Liens externes


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