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Sacrifice

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Le sacrifice (étymologiquement « fait de rendre sacré », du latin sacrificium, de sacer facere) désigne une offrande (nourriture, objets, vies humaines ou animales), à une ou plusieurs divinités, en suivant les prescriptions d'une religion.

Les religions ont une longue tradition de sacrifices humains (Iphigénie, Abraham...). Un meurtre peut parfois être accompli comme un sacrifice, tel l'assassinat de Gandhi par un fanatique hindou en 1948.

Taxes et sacrifice humain

Sophisme sacrificiel

« Il n’y a pas de pardon sans effusion de sang ». (Hébreux, IX, 22)

Avant de comprendre le sophisme sacrificiel il est important de prendre comme point de départ la notion de sacrifice propitiatoire. La propitiation est l'acte de rendre propice, est un sacrifice propitiatoire tout rituel qui vise les faveurs ou la clémence de la divinité. En tant qu'acte symbolique, le sacrifice a comme fonction un échange : le désir d'appropriation d'une ressource, d'un pouvoir, la paix ou un état de grâce, en échange de la vie d'un bouc émissaire à punir.

Le même mécanisme victimaire se retrouve exposé dans le sophisme sacrificiel. Le sophisme sacrificiel rétabli le dogme de la victime émissaire idéale. Sa finalité est d'interdire ou discréditer toute critique faite à l'égard de certains avantages ou droits sociaux comme le droit de vote, le « modèle social », la démocratie ou la « justice sociale », sous prétexte que des personnes se seraient sacrifiées pour les obtenir : « des gens sont morts pour cela ». Ainsi, le fait de vouloir conserver les « conquêtes sociales » ne proviendrait pas, en première analyse, de leur bien-fondé ou de leur effet bénéfique, mais proviendrait principalement de l'acte sacrificiel fait par certaines victimes volontaires ou martyres qui se seraient dévouées pour la cause. Une cause faite de peines et souffrances où des gens seraient prêts à mourir pour elle. Entre sacré et violence, le fanatisme passionnel ou religieux serait pour certains davantage respectable que la laïcité, car "personne n'est prêt à mourir pour la laïcité".

Le sophisme sacrificiel s'inscrit dans le registre passionnel et émotif où une forme d'héroïsme est mise en avant, la valorisation de l’auto-sacrifice est au-dessus de tout autre argument justificatif. Autrement, si par exemple une personne soutient l'idée que « la paix démocratique a été acquise au prix de beaucoup de pertes humaines », cette idée semble emporter l'adhésion d'une majorité de personnes. Pourtant, nous pouvons aussi facilement admettre que la démocratie ne garantit pas l'absence de conflits ou de guerres, tout aussi évidente est l'idée que les totalitarismes ne garantissent pas un état de paix durable.

De même, les prétendus "acquis sociaux" seraient justifiés parce que "des gens se sont battus pour cela", alors que la démagogie politique et le théorème de l'électeur médian suffisent à les expliquer. Ainsi, la "sécurité sociale" à la française ne résulte pas du "sacrifice" de quelques grandes âmes : instaurée de façon autoritaire en octobre 1945 sous l’influence du Parti communiste et des syndicats, elle a remplacé les assurances sociales privées qui existaient avant-guerre et que le régime de Vichy avait commencé à détruire sous des prétextes collectivistes.

C'est la justification de tout fanatisme, du terrorisme, du suicide performatif, de la violence sur une base d'idéologie, etc. On justifie une cause non pas par sa valeur intrinsèque, mais par les moyens qui ont permis (ou auraient prétendument permis) de la faire triompher :

Mourir pour une idée est noble, indubitablement. Mais il serait bien plus noble de mourir pour des idées qui soient vraies ! (H. L. Mencken)
Que des martyrs prouvent quelque chose quant à la vérité d'une cause, cela est si peu vrai que je veux montrer qu'aucun martyr n'eut jamais le moindre rapport avec la vérité. Dans la façon qu'a un martyr de jeter sa certitude à la face de l'univers s'exprime un si bas degré d'honnêteté intellectuelle, une telle fermeture d'esprit devant la question de la vérité, que cela ne vaut jamais la peine qu'on le réfute. (Friedrich Nietzsche)

On note aussi que les idéologies totalitaires (fascisme, nazisme, communisme) ont toujours insisté sur la nécessité, pour l'individu, de se sacrifier pour le bien général :

Dans ce qu’on appelle l’homme, le fascisme considère la nation et la patrie, les individus et les générations se trouvant unis, dans une même tradition et dans une même mission, par une loi morale qui supprime l’instinct de la vie maintenu dans le cercle étroit du plaisir, pour instaurer dans le devoir une vie supérieure, libérée des limites du temps et de l’espace : une vie où l’individu, par l’abnégation de lui-même, par le sacrifice de ses intérêts particuliers, par la mort même, réalise cette existence toute spirituelle qui fait sa valeur d’homme. (Benito Mussolini, La Doctrine du fascisme, 1938)
On ne peut pas à la fois parler de l'intérêt général et avoir peur de sacrifier quelqu'un. (James Taggart dans La Grève, roman d'Ayn Rand)

Recherche de boucs émissaires

Le socialisme et l'étatisme consacrent une grande partie de leurs efforts à la recherche de boucs émissaires, de façon à détourner l'attention sur leurs propres méfaits :

Selon la thèse girardienne bien connue (René Girard, La violence et le sacré, 1972), la désignation et la condamnation d'une victime serait un moyen, en changeant le "tous contre tous" violent en un "tous contre un", de rassembler la communauté tout en niant sa propre responsabilité. On constate qu'il s'agit là d'une caractéristique constante des régimes collectivistes, depuis le nazisme (victimisation des juifs, mise en cause du "capitalisme apatride") jusqu'au communisme (victimisation des koulaks, des déviants, des dissidents, etc.).

Des "avancées" juridiques telles que le principe de précaution peuvent être également considérées comme une recherche de boucs émissaires :

L'attribution d'une culpabilité devient alors un artifice, un simulacre de justice qui consiste à désigner en définitive le morceau de la chaîne qui fera le meilleur coupable, selon les objectifs économiques ou politiques poursuivis. Suivant les circonstances, on cherchera en priorité quel est celui qui est le mieux à même de payer (la politique de "deep pocket" des tribunaux américains), ou tout simplement la tête à couper la plus médiatique, celle qui fera le plus d'effet, et permettra d'orienter l'opinion publique "dans la bonne direction". Et autant que possible chacun cherchera à faire en sorte que la victime désignée — le bouc émissaire de René Girard ? — appartienne à l'autre camp. On retrouve l'état d'esprit des chasses aux sorcières d’autrefois. (Henri Lepage)

Sacrifice et altruisme

Pour Ayn Rand, l'étatisme et la "solidarité" imposée font de l'être humain un « animal sacrificiel » :

Une doctrine qui vous propose, comme idéal, le rôle d’animal sacrificiel demandant à être égorgé sur l’autel de l’altruisme, vous présente la mort comme modèle. Par la grâce de la réalité et de la nature de la vie, l’homme – tout homme – est une fin en lui-même, il existe pour lui-même, et la poursuite de son propre bonheur constitue son plus haut but moral. (La Grève)

Max Stirner opposait déjà de la même façon sacrifice et intérêt personnel. Le sacrifice est imposé par les idéologies altruistes :

Les sacrifices humains n'ont perdu à la longue que leurs formes barbares, ils n'ont pas disparu ; à chaque instant, des criminels sont offerts en holocauste à la Justice, et nous, « pauvres pécheurs », nous nous immolons nous-mêmes sur l'autel de l’ « essence humaine », de l’ « Homme », de l' « Humanité », des idoles ou des dieux, quel que soit le nom qu'on leur donne. (L'Unique et sa propriété)

Citations

  • Pour qu’un groupe humain perçoive sa propre violence collective comme sacrée, il faut qu’il l’exerce unanimement contre une victime dont l’innocence n’apparaît plus, du fait même de cette unanimité. (René Girard, La Route antique des hommes pervers)
  • La fraternité, en définitive, consiste à faire un sacrifice pour autrui, à travailler pour autrui. Quand elle est libre, spontanée, volontaire, je la conçois, et j'y applaudis. J'admire d'autant plus le sacrifice qu'il est plus entier. Mais quand on pose au sein d'une société ce principe, que la Fraternité sera imposée par la loi, c'est-à-dire, en bon français, que la répartition des fruits du travail sera faite législativement, sans égard pour les droits du travail lui-même ; qui peut dire dans quelle mesure ce principe agira, de quelle forme un caprice du législateur peut le revêtir, dans quelles institutions un décret peut du soir au lendemain l'incarner ? Or, je demande si, à ces conditions, une société peut exister ? (Frédéric Bastiat, Sophismes économiques, Justice et fraternité)
  • L'homme cherche à justifier son cannibalisme symbolique, sa tendance à faire de l'autre la victime offerte à sa propre image. En politique, on justifie ce sacrifice de l'individu par le sacro-saint « bien public ». (Thomas Szasz)
  • Pourquoi dans notre culture faut-il toujours se sacrifier pour les autres et pourquoi considère-t-on que c’est bien ? Pourquoi sommes-nous toujours plus exigeants envers nous-mêmes, plus critiques, plus sévères, qu’envers les autres ? C’est toujours pour la seule et même raison que nous n’avons pas encore appris à nous aimer nous-mêmes. (Ajahn Brahm, Sagesse du moine)
  • La sentence : "tu dois renoncer à toi-même et te sacrifier", pour ne pas aller à l'encontre de sa propre morale, devrait n'être décrétée que par une nature qui de ce fait renoncerait elle-même à son propre avantage et qui peut-être provoquerait par le sacrifice exigé des individus son propre anéantissement. Mais sitôt que le prochain (ou la Société) recommande l’altruisme dans un but utilitaire, ce sera justement la sentence opposée : "Tu dois chercher ton avantage, même aux dépens de tous les autres" qui se trouvera mise en pratique, et l'on prêchera tout d'une haleine un : "Tu dois" et un : "Tu ne dois point!". (Nietzsche, Le gai savoir)
  • On ne peut pas à la fois parler de l'intérêt général et avoir peur de sacrifier quelqu'un. (Ayn Rand, James Taggart, La Grève)
  • Vous considérez le sacrifice comme le signe distinctif de l'action morale ? Réfléchissez donc s'il n'y a pas un côté de sacrifice dans toute action accomplie de façon réfléchie, qu'elle soit la pire ou la meilleure. (Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain, II-34)
  • Lorsque l'on parle du droit d'un Homme d'exister pour son propre bien, pour son propre intérêt rationnel, la plupart des gens supposent automatiquement que cela signifie son droit de sacrifier les autres. Une telle supposition avoue leur propre croyance que nuire, asservir, voler ou assassiner est dans l'intérêt personnel des Hommes, mais qu'ils doivent y renoncer d'une manière altruiste. L'idée que l'intérêt personnel de l'Homme ne peut être servi que par des relations non sacrificielles avec les autres n'est jamais venue à l'esprit de ces apôtres humanitaires de l'anti-égoïsme, qui proclament leur désir d'accomplir la fraternité entre tous les Hommes. (Ayn Rand, 1961)
  • Le credo du sacrifice de soi découle d’une morale destinée aux êtres dénués de morale, une morale qui étale sa faillite au grand jour, qui admet que les hommes ne peuvent rien en tirer de personnel, ni vertu ni valeur, et que leur âme n’est qu’un bourbier qu’ils doivent apprendre à sacrifier. De son propre aveu cette morale ne peut pas aider les hommes à être bons. Elle ne peut que les soumettre à un châtiment permanent. (Ayn Rand, La Grève)
  • Le martyr, c'est le seul moyen de devenir célèbre quand on a pas de talent. (Pierre Desproges)(humour)
  • Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente. (Georges Brassens)(humour)
  • Celui qui ne vit pas pour servir, sa vie ne sert à rien. ("Quien no vive para servir, no sirve para vivir") (pape François, 2015)


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