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Loi du plus faible

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Loi du plus faible, ou la reconnaissance de la domination du faible, au lieu de l'absence de domination

La loi du plus faible désigne la reconnaissance systématique du faible comme victime d'un fort, forcément coupable, sans égards envers les faits : si je suis pauvre c'est la faute des riches, si j'habite un pays du Tiers-Monde, je suis un opprimé victime de la colonisation, si je suis une femme, je suis forcément victime du machisme des hommes, etc.

La loi du plus fort ou son renversement, la loi du plus faible, ont exactement le même fondement moral : le collectivisme, la soumission des intérêts particuliers aux intérêts d'un groupe, l'avènement des faux droits.

La loi du plus faible s'exprime par exemple avec le « politiquement correct », voire le mouvement woke qui va aller encore plus loin en parlant de « privilège blanc » par exemple, mettant toujours les individus dans une case dominant ou dominé selon leur couleur de peau

La loi du plus faible ou la domination des faibles

Partant du principe que le faible est systématiquement victime du fort, les tenants de la loi du plus faibles en viennent à réclamer des privilèges spéciaux pour les soi-disant « plus faibles », victimes du « racisme », de la société, du capitalisme, du colonialisme, etc. La pratique politique ou sociale réduit alors la liberté d'expression autoritairement (par la loi) ou subrepticement (par l'auto-censure) : certaines religions ne peuvent plus être critiquées, certaines populations ou certaines coutumes ne peuvent plus être moquées, uniquement parce qu'il s'agit de minorités. Un « effet cliquet » permet de passer d'accommodements raisonnables, destinés à satisfaire une minorité au nom de la « paix sociale », à des exigences toujours croissantes, permettant ainsi à la minorité d'imposer sa propre loi, un droit particulier issu de ses vues religieuses, sociales ou ethniques.

On pourrait, adoptant le point de vue de Nietzsche (qui affirmait : « Il faut protéger le fort du faible »), caractériser cette victimisation acceptée par une majorité comme l'expression d'une volonté de puissance négative, d'une haine de soi-même, d'un ressentiment qui peut aussi aboutir à la violence (le terrorisme en est le meilleur exemple). Nietzsche développe longuement l'idée selon laquelle les faibles se sont alliés contre les forts pour juguler leur influence ; ils utilisent pour ce faire les idéologies religieuses ou politiques, voire un terrorisme intellectuel à base de « moraline ».

Nassim Nicholas Taleb parle du « règne de la minorité » : une minorité intransigeante est capable d'imposer sa loi à une majorité indifférente. Cela explique certains phénomènes d'exclusion ou d'intolérance[1]. Pour des raisons de coût, il est également rationnel pour une entreprise de se plier aux règles d'une minorité intolérante, dans la mesure où la majorité n'en est pas trop affectée (exemple de la nourriture halal ou casher, ou des aliments non OGM). La conséquence en est qu'il est erroné de déduire les préférences collectives à partir des préférences individuelles. En matière de religion, il faut pour Taleb éviter une « tolérance illimitée », car « à la fin, c’est la minorité intolérante qui gagne toujours. » (la victoire d'un christianisme intransigeant sur le paganisme tolérant, puis d'un islam tiré par les franges les plus fanatiques de sa communauté, le démontrent). Il y a une asymétrie entre le respect des règles, des lois, d'une morale, et leur non-respect : le fanatique les respecte toujours, alors que l'indifférent ne les enfreint pas toujours. La minorité intransigeante peut alors aisément imposer ses propres normes.

La puissance sociale des minorités est confirmée par un paradoxe signalé par Mancur Olson (Logique de l'action collective) : plus un groupe d'intérêt est petit, plus il est efficace.

Chez Hegel la perspective est différente, car la dialectique du Maître et de l'Esclave (La Phénoménologie de l'Esprit) permet au plus faible de renverser le rapport de domination et de rétablir une égalité de droit, car le Maître, inactif, reste entièrement dépendant de l'Esclave. L'Esclave est en outre prêt à risquer sa vie pour obtenir sa libération. En ce cas, le « plus faible » ne recherche pas des privilèges ou des exceptions en sa faveur au prétexte qu'il est (et entend demeurer) le « plus faible », il affirme au contraire avec force son égalité avec les autres membres de la société. Une domination injuste (comme celle de l'esclavagiste) est en même temps une dépendance, ce qui rend possible une inversion du rapport de forces, vers une isonomie.

Loi du plus faible et droit du plus faible

Cette loi du plus faible ne doit pas être confondue avec le « droit du plus faible », qui est le respect des minorités dans leurs droits légitimes (c'est dans ce sens qu'Alain Madelin a écrit Le Droit du plus faible). Dans un cas, on ne cherche qu'à dominer en renversant les rôles, dans l'autre on répond à l'exigence d'isonomie, en traitant de la même manière chaque individu.

En mettant l'individu au cœur, le libéralisme prend littéralement la défense du droit du plus faible, comme l'écrit Alain Madelin : « La démocratie libérale, c'est le droit du plus faible, le droit de la minorité, et celui de la plus petite des minorités : la personne humaine. ».

Et Madelin d'ajouter, dans l'ouvrage Psychanalyse de l’antilibéralisme[2] : « L’histoire nous apprend que la pensée libérale, contrairement à sa caricature, est apparue avec l’idée de protéger les faibles contre les puissants, avec l’affirmation que la personne possède, en tant que telle, des droits opposables à tout pouvoir. Ainsi, la pensée libérale entend protéger la plus petite des minorités, la personne humaine, contre les arbitraires possibles du pouvoir, fût-il un pouvoir démocratique. ».

Le terme de droit du plus faible n'est dans tous les cas pas un terme juridique : Droit du plus fort ou droit du plus faible, dans le sens où un droit puisse découler uniquement du fait qu'on est le plus fort ou le plus faible, ne sont pas des notions juridiquement acceptables, le libéralisme ne définissant pas le droit en termes de rapports de force (ce qui ne signifie pas que le droit ne puisse pas être appliqué par la force).

Citations

  • « Certes, le droit du plus fort est exécrable. Mais en quoi le droit du plus faible lui serait-il supérieur ? Dans l’un ou l’autre cas, il ne s’agit aucunement de droits. Ce ne sont que des abus. Les uns abusent de leur force et les autres de leur faiblesse, les uns comme les autres comptant sur notre lâcheté. » (Pierre Lance)
  • « Selon une idéologie que l’écrivain Joseph Sobran qualifie de "victimologie officielle", certains groupes d’individus sont désignés comme Victimes d’État, on pourrait dire "Victimes en carte". Ces groupes, toujours plus nombreux, sont censés être, ou avoir été, les victimes d’autres groupes appelés Oppresseurs officiels. Le devoir de l’État est alors de déverser richesses, emplois, postes et privilèges innombrables sur la tête des Victimes aux dépens, bien entendu, des prétendus Oppresseurs. C’est une forme particulièrement grotesque de réparation ou de compensation puisque les "Oppresseurs" n’ont personnellement fait aucun tort à quiconque et que les "Victimes" n’ont jamais souffert de leur fait. Privilèges et pénalités sont distribués sous le seul prétexte que de groupes similaires pourraient avoir été des victimes ou des oppresseurs dans le passé – un passé parfois fort lointain. Par-dessus le marché, on n’a jamais fait mention d’une date à laquelle cesseraient ces "réparations", apparemment destinées à se perpétuer à jamais, ou du moins jusqu’à ce que la communauté des Victimes soit déclarée en tous points "égale" à celle des Oppresseurs. Comme c’est la "nouvelle classe dirigeante" qui devrait faire cette déclaration, alors qu’elle est installée dans un système de redistributions massives, tout en prélevant au passage de coquets pourcentages en "frais de dossier", on peut être sûr que le bulletin de victoire finale ne sera jamais publié. A ce jour, l’ensemble des Victimes officielles inclut (je tiens à rappeler qu’étant moi-même Juif je suis une Victime Officielle, et donc officiellement autorisé à dire ces choses) : les Noirs, les Juifs, les Asiatiques, les femmes, les jeunes, les vieillards, les "sans-abri", les homosexuels et – dernière catégorie – les "handicapés". Ce qui permet d’identifier les Oppresseurs comme étant des Blancs mâles, d’âge moyen, hétérosexuels, chrétiens, non handicapés et ayant un logement. » (Murray Rothbard, postface à l’édition française de L'Éthique de la liberté)
  • « Celui qui souffre d'un complexe d'infériorité crie à la discrimination, le paranoïaque se lamente d'être persécuté. Si je ne suis pas bien, c'est la faute de ceux qui m'entourent. Les thèses de chacune de ces deux sociétés sont diamétralement opposées : en U.R.S.S., l'homme a systématiquement tort, l'État toujours raison. Ici, l'homme est persuadé qu'il a le droit d'être toujours heureux. S'il tombe malade, c'est que les bien-portants lui doivent des comptes, si l'on est pauvre, ce sont les riches qui en sont coupables. Égocentrisme purement infantile, refus tout aussi infantile d'accepter la moindre limitation. » (Vladimir Boukovski, Cette lancinante douleur de la liberté, Laffont, 1981)
  • « Tout se passe comme si nos sociétés avaient oublié le sens même de victime et d’agresseur pour ne plus fournir qu’au second un droit exorbitant de se défendre de toutes les façons possibles, et au premier, le droit de subir, aussi silencieusement que possible. » (Henry Trèsétroy, « Le Droit de se Défendre », in Libres ! 100 idées, 100 auteurs)
  • « Un jour que j’avais mal aux dents, la réalité des choses m’est apparue dans toute sa cruauté. J’ai réalisé que l’être humain est une victime. Et puisque j’étais un humain, j’étais moi aussi une victime. Pas seulement la victime d’une simple rage de dents, non, mais d’un principe universel, dont la rage de dents n’est qu’une manifestation particulièrement douloureuse. J’étais une victime de la vie ! Car la vie est injuste. Elle vous en met plein les dents. » (Oskar Freysinger, Antifa, 2011)
  • « Le nihilisme comme symptôme de ce que les ratés n'ont plus de consolation : de ce qu'ils détruisent pour être détruits, de ce que, détachés de la morale, ils n'ont plus de raison de « se sacrifier » de ce qu'ils se placent sur le terrain du principe contraire et veulent aussi de leur côté la puissance, en obligeant les puissants à être leurs bourreaux. » (Friedrich Nietzsche, Fragments posthumes)
  • « La dissuasion du faible au fort ne peut que reposer sur la démonstration par le faible qu’il est prêt à aller jusqu’au bout, qu’il est prêt à tout sacrifier au nom d’un principe supérieur. La seule dissuasion du faible au fort c’est, il faut oser le dire, le terrorisme. Il suffit d’avoir le courage, la clairvoyance de se reporter aux heures glorieuses de la Résistance dans les années 40. » (Bruno Bertez, 13 juillet 2015)
  • « Sentiments des inférieurs. Ce sont des sentiments de sujétion, d'affection, de respect, de crainte. Éprouver ces sentiments est une condition indispensable à la constitution des sociétés animales, à la domestication des animaux, à la constitution des sociétés humaines. En réalité, on les observe souvent aussi chez ceux qui se disent anarchistes, et parmi lesquels il y a des hommes qui sont, mais ne s'appellent pas des chefs. Il ne manque pas d'anarchistes pour accepter avec une foi superstitieuse l'autorité de médecins et d'hygiénistes, souvent quelque peu charlatans. » (Vilfredo Pareto, Traité de Sociologie Générale)
  • « Une nouvelle « victimologie » a été proclamée et mise en avant. Les femmes, en particulier les mères célibataires, les Noirs, les Browns, les Latinos, les homosexuels, les lesbiennes, les bisexuels et les transsexuels ont obtenu le statut de « victimes » et ont obtenu des privilèges juridiques par des décrets de non discrimination ou de discrimination positive. De même, tout récemment, de tels privilèges ont été aussi étendus aux immigrés étrangers, qu’ils soient légaux ou illégaux, pourvu qu’ils appartiennent à une des catégories juste évoquées ou qu’ils soient adeptes de religions non chrétiennes tel que l’islam, par exemple. Le résultat ? Non seulement le problème précédent du « mauvais voisin » n’a pas été évité ou résolu, mais il a été systématiquement encouragé et intensifié. L’homogénéité culturelle a été détruite et la liberté d’association, la ségrégation physique volontaire et la séparation des différents peuples, communautés, cultures et traditions ont été remplacées par un système omniprésent d’intégration sociale forcée. » (Hans-Hermann Hoppe[3], 2017)

Notes et références

  1. Acrobat-7 acidtux software.png [pdf](en)The Most Intolerant Wins: The Dominance of the Stubborn Minority
  2. Psychanalyse de l'antilibéralisme, chapitre « La démocratie redevient libérale »
  3. Hans-Hermann Hoppe, discours Property and Freedom Society 2017

Bibliographie

  • 2006, Pascal Bruckner, La Tyrannie de la pénitence : Essai sur le masochisme en Occident, Grasset, 2006

Voir aussi

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