Vous pouvez contribuer simplement à Wikibéral. Pour cela, demandez un compte à adminwiki@liberaux.org. N'hésitez pas !


Loi des avantages comparatifs

De Wikiberal
Aller à la navigation Aller à la recherche

La loi des avantages comparatifs est une loi économique selon laquelle, dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s’il se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible comparativement à ses partenaires, accroîtra sa richesse nationale.

Autrement formulé, l’obtention d’un gain à l’ouverture au commerce extérieur est toujours assurée, indépendamment de la compétitivité nationale.

Principe

La loi des avantages comparatifs a été formalisée par David Ricardo en 1817 dans son traité Des principes de l'économie politique et de l'impôt (à noter que le véritable inventeur de cette loi serait James Mill, père de John Stuart Mill et mentor de David Ricardo). Son objet est de montrer que deux pays ont presque toujours intérêt à échanger leurs productions, y compris lorsque l'un d'entre eux ne jouit d'aucun avantage absolu, c'est-à-dire qu'il est moins productif pour toutes les productions. Elle s'applique néanmoins à tous les acteurs économiques, c'est-à-dire avant tout des individus, et pas seulement des nations comme dans l'énoncé de Ricardo.

Ricardo prend l'exemple du Portugal et de l'Angleterre. Chacune produit du vin et du drap, mais le Portugal est plus productif pour ces deux produits. Il montre que l'Angleterre et le Portugal sont tous deux gagnants si chacun se spécialise dans la production d'un produit et qu'ils subviennent à la variété de leurs besoins par l'échange.

En effet, le Portugal est relativement plus productif pour le vin que pour le drap, alors que l'Angleterre est relativement plus productive pour le drap que pour le vin. En d'autres termes, soient A, B, C et D les coûts des production des denrées en Angleterre et au Portugal, assignés dans le tableau suivant :

Portugal Angleterre
Drap B D
Vin A C

On a (A / B) < (C / D). Le coût du vin relatif au coût du drap au Portugal est moins élevé qu'en Angleterre, cela est équivalent à dire que la quantité de ressources nécessaires à la production du drap produit plus de vin au Portugal qu'en Angleterre.

On cherche maintenant un taux de conversion T, défini par Vin = T × Drap, où le signe = symbolise l'échange, et où Vin et Drap sont des quantités en unités arbitraires. On constate qu'au Portugal, on a la relation Vin = A / B × Drap, alors qu'en Angleterre Vin = C / D × Drap. Pour que l'échange soit avantageux aux deux nations, il suffit d'avoir (A / B) < T < (C / D) puisqu'alors il coûte moins cher — en quantité de drap — au Portugal d'acheter le vin que de le produire et réciproquement en Angleterre. Or, notre hypothèse implique que l'on peut trouver T. Le Portugal et l'Angleterre gagnent donc à se spécialiser chacun pour la production où ils détiennent un avantage relatif si ils font l'échange à un taux de change T.

Un autre exemple classique est celui d'un grand médecin qui par ailleurs maîtriserait parfaitement toutes les tâches de secrétariat médical. Il aurait intérêt cependant à embaucher une secrétaire, de façon à avoir plus de temps pour exercer son métier, plus rémunérateur que les tâches de secrétariat.

Les avantages comparatifs et le libre-échange

Une conclusion de la loi des avantages comparatifs est que le principe de la division du travail, qui est un des piliers du capitalisme, apporte un gain à tous les individus. Le libre-échange ne condamne donc pas les moins productifs à être exclus de l'économie. Même si un pays était le « meilleur en tout », il ne capterait pas tous les commerces, car il aurait intérêt à se spécialiser sur les créneaux les plus profitables pour lui, ce qui permettrait à la concurrence de s'exercer dans de nombreux autres domaines :

De même qu'il n'est pas justifié de devenir protectionniste sous prétexte que d'autres pays le sont, il n'est pas nécessaire d'attendre que ces autres pays adoptent des politiques de libéralisation commerciale pour faire de même. A tout moment, tout pays peut libéraliser son commerce extérieur et en percevoir les gains correspondants. (Pascal Salin, Le libre-échange, PUF, 2002)

L'intérêt économique de chacun est la coopération via l'échange, même pour des individus dont la productivité est très basse ou très élevée.

Les critiques usuelles

Ces critiques ne remettent pas en question la loi des avantages comparatifs. Elles en montrent les limites naturelles, le libre-échange n'ayant jamais eu la prétention d'apporter le paradis sur Terre ni de bâtir le meilleur des mondes.

  • le gain à l’échange n’est pas un gain net : la spécialisation implique des coûts qui peuvent être socialement pénibles, l'ouverture se traduisant par des processus de destruction créatrice ;
  • certaines spécialisations butent sur des rendements décroissants et des coûts d’exploitation croissants (mais une phase de rendements croissants ne dure pas non plus éternellement) ;
  • le libre-échange ne garantit pas la croissance à long terme du niveau de vie du pays, le commerce international ne bénéficie pas uniformément à tous les protagonistes (c'est cependant « la plus raisonnable des solutions imparfaites ») ;
  • la loi des avantages comparatifs supposerait (selon certains) l’hypothèse irréaliste de concurrence parfaite (en réalité, elle est vérifiée aussi en concurrence monopolistique ou oligopolistique).

Maurice Allais[1] formule un certain nombre d'objections à ce qu'il appelle « le libre-échange généralisé à l'échelle mondiale ». Il affirme notamment qu' « il peut être tout à fait contre-indiqué de laisser s'établir les spécialisations qui seraient entraînées par une politique généralisée de libre-échange »[2]. Selon lui, le libre-échange aurait par exemple pour effet de faire disparaître l'agriculture de la Communauté européenne en raison des avantages comparatifs de caractère permanent détenus actuellement par certains pays. Outre le fait que ce « caractère permanent » des avantages est éminemment discutable, le spectre de la « disparition de l'agriculture » n'est qu'un épouvantail qui sert de prétexte au protectionnisme, car « l'agriculture » n'est pas un bloc homogène : il y a des secteurs agricoles qui bénéficient d'avantages comparatifs, et d'autres non. Pour Maurice Allais (qui re­vendique sa double pensée « libérale et socialiste »[3]), l'interventionnisme étatique est donc nécessaire : du fait que pour lui la propriété privée n'est pas un droit, mais seulement quelque chose d'utile parce que cela favorise le développement d’une économie « efficiente », il n'y a pas de mal à faire payer à une partie de la population (le contribuable français ou européen, le consommateur confronté à des produits plus coûteux) les avantages indus qu'on octroie à une autre partie (les agriculteurs subventionnés). À titre d'exemple, le protectionnisme agricole en Suisse aboutit à des prix des produits alimentaires de 30 % à 50 % plus élevés que dans le reste de l'Europe[4]. Le contre-exemple est fourni par la Nouvelle-Zélande qui a libéralisé son agriculture (suppression des aides directes) et a augmenté par là même la prospérité de ses agriculteurs.

Le théorème HOS

Le théorème d'Heckscher-Ohlin-Samuelson (HOS), établi en 1941 par Paul Samuelson et Wolfgang Stolper, est une autre formalisation de la loi des avantages comparatifs, sous certaines hypothèses simplificatrices assez restrictives (celles du « modèle HOS »). Il établit que chaque pays exporte les biens qui utilisent intensivement le facteur de production abondant dans le pays (capital, main d'œuvre, terre…). L'échange procure un gain pour tous les pays, de plus il tend à égaliser les rémunérations des facteurs de production dans tous les pays participant à l’échange.

Citations

  • «  Un pays qui, par sa supériorité dans les machines et l’habileté de ses ouvriers, fabrique avec une plus grande économie de main-d’œuvre que ses voisins, peut, avec les produits de son industrie, faire venir du dehors le blé nécessaire à sa consommation, lors même que son sol serait plus fertile, et que le blé y viendrait avec moins de travail que dans le pays d’où il tirerait son approvisionnement. Supposons deux ouvriers sachant l’un et l’autre faire des souliers et des chapeaux : l’un d'eux peut exceller dans les deux métiers ; mais en faisant des chapeaux il ne l’emporte sur son rival que d’un cinquième, ou de 20 pour cent, tandis qu’en travaillant à des souliers, il a sur lui un avantage d’un tiers, ou de 33 pour cent. Ne serait-il pas de l’intérêt de tous les deux que l’ouvrier le plus habile se livrât exclusivement à l’état de cordonnier, et le moins adroit à celui de chapelier ? »
        — David Ricardo, Principes de l'économie politique et de l'impôt

  • «  La loi d'association [de Ricardo] nous fait comprendre les tendances qui ont amené une intensification graduelle de la coopération humaine. Nous concevons quelle incitation a conduit les gens à ne pas se considérer simplement comme des rivaux dans l'appropriation des disponibilités limitées en moyens de subsistance, fournis par la nature. Nous constatons ce qui les a poussés, et les pousse en permanence à se joindre pour collaborer. Chaque pas en avant dans la voie d'un système plus élaboré de division du travail sert les intérêts de tous les participants. Pour comprendre pourquoi l'homme n'est pas resté solitaire, à la recherche de nourriture et d'abri, comme les animaux, pour lui seul ou au mieux pour sa compagne et ses petits incapables d'en faire autant, nous n'avons pas besoin de recourir à une intervention miraculeuse de la Divinité, ni à l'hypostase vide de sens d'une pulsion innée vers l'association. Nous ne sommes pas forcés non plus de supposer que les individus isolés ou les hordes primitives se sont un jour engagés par contrat à établir des liens sociaux. Le facteur qui a fait naître la société et qui pousse chaque jour à l'intensification progressive de la société, c'est l'agir humain animé par l'intuition de la productivité supérieure du travail effectué en division des tâches. »
        — Ludwig von Mises, L'Action humaine[5]

  • «  Aucune nation n'a jamais été ruinée par le commerce, même celles qui en apparence semblent les plus désavantagées. (No nation was ever ruined by trade, even seemingly the most disadvantageous.) »
        — Benjamin Franklin et George Whaley, Principles of Trade, 1774

  • «  Comme le montre l’analyse économique avec constance depuis plus de deux siècles, l’ouverture aux échanges a pour un pays le même impact que le progrès technique. Le pays se spécialise dans ce dans quoi il est le plus efficace, ce qui élève la productivité, c’est ce qu’on appelle les avantages comparatifs ; l’ouverture, par ailleurs, en élevant la concurrence, en donnant accès aux technologies importées, en confrontant les entreprises nationales au marché mondial, joue le rôle d’accélérateur de croissance. »
        — Alexandre Delaigue, 24/02/2013

  • «  La théorie de la spécialisation internationale – ou théorie de l'avantage comparatif – résultant de la pure logique, elle ne peut pas être contestée et elle constitue l'un des éléments les plus solides et les plus incontournables de toute la théorie économique. Elle devrait donc inspirer toutes les décisions de politique économique. La généralisation du protectionnisme à travers le monde et à travers le temps prouve bien qu'il n'en est rien. Deux raisons seulement peuvent expliquer qu'il en soit ainsi : l'ignorance ou l'intérêt. »
        — Pascal Salin, Libéralisme, 2000

  • «  Cette découverte de l'intérêt à échanger est due à David Ricardo avec sa loi des avantages comparatifs. Elle implique que ce n'est pas sur le marché libre des échanges volontaires, en dépit des préjugés qui courent sur sa nature, que le « fort » dévore ou écrase le « faible » ; bien au contraire, c'est justement sur le marché libre que les « faibles » obtiennent des avantages de productivité parce que les « forts » trouvent tout intérêt à échanger avec eux. »
        — Murray Rothbard, L'éthique de la liberté, « Théorie de la liberté »

Bibliographie

Voir aussi

Liens externes

Notes et références

  1. Combats pour l'Europe 1992-1994, éditions Clément Juglar, Paris, 1994.
  2. Allais affirmait le contraire en 1960 (L’Europe Unie, route de la prospérité) : « Il est inutile d’aligner les niveaux de productivité et de salaires réels pour que la concurrence internationale devienne correcte. […] Le libre-échange entre des pays à salaires réels et productivité différentes ne crée en rien des conditions de concurrence artificielle. Chaque pays voit son niveau de vie augmenté grâce à la spécialisation internationale résultant du libre échange ».
  3. "Le point de vue que j'exprime est celui d'un théoricien à la fois libéral et socialiste. Les deux notions sont indissociables dans mon esprit, car leur opposition m'apparaît fausse, artificielle. L'idéal socialiste consiste à s'intéresser à l'équité de la redistribution des richesses, tandis que les libéraux véritables se préoccupent de l'efficacité de la production de cette même richesse. (Maurice Allais, Lettre aux Français, Ma­rianne, décembre 2009).
  4. Le Temps, 7 mai 2011, Ce libre-échange qui fait peur à la Suisse. Extrait WikiLeaks d'un câble diplomatique du 14 janvier 2010 entre l'Ambassade des USA à Berne et le Secrétariat d'Etat à Washington : "Switzerland's agricultural lobby is well-organized and effective. […] At present, the Swiss government estimates that Swiss consumers pay about 50 percent more than those in the EU for food products.
  5. Ludwig von Mises, L'Action humaine, chapitre 8, [lire en ligne]


Adam Smith.jpg Accédez d'un seul coup d’œil au portail économie.