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Souveraineté

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Léon Duguit, Souveraineté et liberté

La souveraineté est l'exercice du pouvoir d'un souverain.

Conception traditionnelle

Dans sa conception traditionnelle, la souveraineté est une notion juridique et politique désignant le caractère indépendant d'un État qui n'est soumis à aucune autorité extérieure autre que celles qu'il a librement acceptées. La Summa Potestas est, en d'autres termes, l'autorité suprême reconnue à l'État sur tout le territoire qu'il administre.

Magistrat et propagandiste aux ordres de Richelieu, Cardin Le Bret la définira comme suit : « La souveraineté consiste à réduire le tout sous un même être; elle n'est pas plus divisible que le point en géométrie. »

Développée par de nombreux théoriciens politiques partisans de l'absolutisme, en particulier Jean Bodin et Thomas Hobbes (et encore au XXe siècle par Carl Schmitt), la souveraineté fut d'abord considérée comme l'apanage du monarque, avant que la Révolution française, à la suite des théories de Jean-Jacques Rousseau, ne prétende transférer son exercice aux citoyens (plus précisément à la nation, selon Emmanuel Sieyès). C'est en ce sens que l'on parle de « souveraineté populaire ». Cette idée rousseauiste a été combattue très tôt par les libéraux :

« L'erreur de ceux qui, de bonne foi dans leur amour de la liberté, ont accordé à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes, vient de la manière dont se sont formées leurs idées en politique. Ils ont vu dans l'histoire un petit nombre d'hommes, ou même un seul, en possession d'un pouvoir immense, qui faisait beaucoup de mal; mais leur courroux s'est dirigé contre les possesseurs du pouvoir, et non contre le pouvoir même. Au lieu de le détruire, ils n'ont songé qu'à le déplacer »
    — Benjamin Constant, Principes de politique

Le corollaire de la souveraineté est le droit à l'autodétermination, c'est-à-dire le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La souveraineté nationale désigne, dans cette logique, l'indépendance territoriale d'un pays et de ses habitants à l'égard de puissances étrangères.

Conception libérale

Les libéraux refusent que le principe de puissance suprême soit accordée à l'organisation étatique. En effet, ils estiment que ce serait cautionner le pouvoir arbitraire et favoriser la promulgation de lois contraires à la justice, dans la mesure où le Prince (qu'il soit élu démocratiquement ou non) pourrait régenter son territoire sans en rendre compte à des principes supérieurs. A cet égard, Hayek définissait la souveraineté comme une « superstition constructiviste » accordant au pouvoir - fût-il démocratique - un champ d'action illimité. C'est pourquoi, dans l'acception libérale, la seule souveraineté véritable est reconnue au Droit, qui n'est autre que l'aune à laquelle chaque action doit être évaluée. Cette notion centrale est à rapprocher de l'expression Rule of Law, le « gouvernement des lois, non des hommes ».

Cependant, par provocation envers les tenants de la « souveraineté populaire » et, partant, étatique, certains libertariens préfèrent utiliser le concept de souveraineté pour l'appliquer à l'individu, affirmant ainsi la liberté individuelle : chacun n'est soumis à aucune autorité extérieure autre que celles qu'il a librement acceptées, dans le respect du droit de chacun. Appliqué à un groupement d'individus, on aboutit au droit de sécession. En ce sens, les libertariens parlent de « souveraineté de l'individu » (titre d'un essai de Pierre Lemieux, par exemple).

Bibliographie

Citations

  • Lorsqu'on établit que la souveraineté du peuple est illimitée, on crée et on jette au hasard dans la société humaine un degré de pouvoir trop grand par lui-même, et qui est un mal - en quelques mains qu'on le place. (Benjamin Constant)
  • La souveraineté n’existe que d’une manière limitée et relative. Au point où commencent l’indépendance et l’existence individuelle, s’arrête la juridiction de cette souveraineté. Si la société franchit cette ligne, elle se rend aussi coupable que le despote qui n’a pour titre que le glaive exterminateur ; la société ne peut excéder sa compétence sans être usurpatrice, la majorité, sans être factieuse. (Benjamin Constant)
  • Si libérales qu'elles aient été, les deux Déclarations [de 1789 et 1793 ] [...] ont admis une souveraineté, celle de tout le monde. C'était créer un despotisme, c'était remplacer un despotisme, relatif, par un autre, radical. Les Français, monarchistes jusqu'aux moelles, ont immédiatement transposé. Ils ont pris la Révolution pour une transposition. Toute la souveraineté qui était dans le roi et un peu plus et beaucoup plus, ils l'ont attribué à tout le monde. [...] Le monarchisme royal est devenu un monarchisme populaire. La Révolution s'est trouvée réduite à un changement de despotisme. On peut se demander quelquefois si c'était la peine de la faire. (Émile Faguet)
  • Aux yeux d'une saine philosophie politique, il n'y a pas de souveraineté, c'est-à-dire de droit naturel et inaliénable à un pouvoir suprême transcendant ou séparé, dans la société politique. Ni le prince, ni le roi, ni l'empereur n'étaient réellement souverains, bien qu'ils portassent le glaive et les attributs de la souveraineté. L'État non plus n'est pas souverain; ni même le peuple. Seul Dieu est souverain. (Jacques Maritain)
  • |Je déclare être un individu souverain à qui personne n'a le droit moral d'imposer quoi que ce soit sans son consentement, à part l'obligation générale de respecter la souveraineté égale des autres individus. Je déclare donc que, à l'instar de M. Henry David Thoreau, "je ne veux être considéré membre d'aucune société à laquelle je n'ai pas adhéré" (La Désobéissance civile, 1849). Cette déclaration s'adresse à tout individu, maître-esclavagiste, groupe, mafia ou État qui prétendrait m'imposer des charges auxquelles je n'ai pas consenti soit dans mon intérêt, soit comme contribution libre et volontaire au bien commun.[...] (Pierre Lemieux, Déclaration de souveraineté individuelle)
  • Si la force qui fait obéir un pays est au forum, au sérail, dans la cavalerie des mamelouks, pourquoi dire que la souveraineté est dans l’assemblée du peuple, dans la personne du grand turc, dans la milice des mamelouks. La souveraineté, qu’a-t-elle à faire là-dedans ? Je n’y vois que la force d’un côté, l’obéissance de l’autre. (Jean-Baptiste Say, Politique pratique)
  • La théorie métaphysique de l'État proclame — ce qui peut se comparer, à cet égard, à la vanité et à la présomption des monarques absolus — que chaque État est souverain, c'est-à-dire qu'il constitue l'ultime et la plus haute cour d'appel. Pour le libéral, le monde ne s'arrête cependant pas aux frontières de l'État : à ses yeux, l'importance que peuvent revêtir les frontières nationales n'est qu'accidentelle et subalterne. Sa pensée politique englobe l'humanité toute entière. Le point de départ de toute sa philosophie politique réside dans sa conviction que la division du travail est internationale et non uniquement nationale. Il comprend dès le début qu'il n'est pas suffisant d'assurer la paix dans chaque pays et qu'il est bien plus important que toutes les nations vivent en paix les unes avec les autres. Le libéral réclame par conséquent que l'organisation politique de la société soit étendue jusqu'à ce qu'elle atteigne son point culminant dans un État mondial qui unisse toutes les nations sur une base d'égalité. Pour cette raison, il considère la loi nationale de chaque pays comme seconde par rapport à la loi internationale et réclame des autorités administratives et des tribunaux supranationaux, afin d'assurer la paix entre les nations de la même façon que les organes juridiques et exécutifs de chaque pays se chargent de maintenir la paix sur leur territoire. (Ludwig von Mises, Le Libéralisme, 1927)

Liens externes

Articles connexes


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