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Constitution

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La Constitution d'un État est sa loi fondamentale. Elle est située au sommet de son système juridique et toutes les lois, les décrets et les arrêtés doivent être conformes à ses principes. Elle peut prendre la forme d'un texte unique, d'un ensemble de lois constitutionnelles ; elle peut être écrite ou coutumière.

Le premier texte constitutionnel fut la Magna Carta de 1215, édictée en Angleterre. Les révolutions américaine et française sont à l'origine des premières constitutions écrites, à la fin du XVIIIe siècle.

Point de vue libéral

La finalité d'une constitution est de limiter la souveraineté de l'État. L'État, titulaire du monopole de la violence, doit respecter un certain nombre de principes : il devient ainsi un État de droit. Il n'a pas le droit à l'arbitraire et doit respecter les droits individuels (droits naturels pour les jusnaturalistes).

Le paradoxe est que, malgré la théorie de la séparation des pouvoirs, on s'en remet en dernier lieu à la bienveillance de l'État (ou plutôt de ses dirigeants) pour respecter ces règles d'autolimitation. Or la pratique montre que cette confiance est mal placée, et que c'est bien souvent la loi du plus fort qui prévaut (au nom, s'il le faut, de la "raison d'État", qui élude toute autre justification). Ainsi, l'histoire de la France depuis 1789 est une suite de coups d'État, de constitutions ébauchées, instaurées, puis abolies, sans aucune autre logique que l'arbitraire du potentat du moment (directoire, consul, empereur, roi, assemblée, etc.). Benjamin Constant remarquait déjà :

« Toutes les constitutions qui ont été données à la France garantissaient également la liberté individuelle, et, sous l’empire de ces constitutions, la liberté individuelle a été violée sans cesse. C’est qu’une simple déclaration ne suffit pas. »
    — Benjamin Constant, OEuvres, Paris: Pléiade, 1957, p.1232)

Point de vue libertarien

Pour les libertariens, une constitution n'a aucune valeur. Elle ne saurait engager que ceux qui y adhèrent volontairement.

Comme l'exprime Lysander Spooner à propos de la Constitution américaine :

« Jamais on n'a demandé aux gens de signer ce document. Et la seule raison pour laquelle on ne leur a jamais demandé de le signer, c'est qu’on savait bien qu'ils ne l'auraient jamais fait ; qu'ils n 'étaient pas aussi fous ni aussi mauvais qu'il fallait l'être pour accepter de le signer ; que (du moins tel qu'il a été interprété dans la pratique) ce n'est pas ce qu'un homme intelligent et honnête souhaite pour lui-même ; ni non plus ce qu’il a le droit d'imposer à autrui. Du point de vue moral, la Constitution est tout aussi dépourvue de toute obligation que les pactes que concluent entre eux les bandits, voleurs et pirates, mais sans jamais les signer.
« Les partisans visibles de la Constitution, comme les partisans visibles de la plupart des autres gouvernements, se rangent dans trois catégories, à savoir : 1. Les scélérats, classe nombreuse et active ; le gouvernement est pour eux un instrument qu'ils utiliseront pour s'agrandir ou s'enrichir ; 2. Les dupes -- vaste catégorie, sans nul doute, dont chaque membre, parce qu'on lui attribue une voix sur des millions pour décider ce qu'il peut faire de sa personne et de ses biens, et parce qu'on l'autorise à avoir, pour voler, asservir et assassiner autrui, cette même voix que d'autres ont pour le voler, l'asservir et l'assassiner, est assez sot pour imaginer qu'il est "un homme libre", un "souverain" ; assez sot pour imaginer que ce gouvernement est "un gouvernement libre", "un gouvernement de l'égalité des droits", "le meilleur gouvernement qu'il y ait sur terre", et autres absurdités de ce genre ; 3. Une catégorie qui a quelque intelligence des vices du gouvernement, mais qui ou bien ne sait comment s'en débarrasser, ou bien ne choisit pas de sacrifier ses intérêts privés au point de se dévouer sérieusement et gravement à la tâche de promouvoir un changement. » (The Constitution of No Authority, 1870)

Les libertariens dénoncent l'illusion constitutionnaliste, qui consiste à croire qu'une constitution peut protéger les droits individuels, alors qu'elle ne peut au mieux que les énoncer, et qu'en aucun cas elle ne garantit que les hommes de l'État vont la respecter (l'histoire de France montre qu'une constitution chasse l'autre au gré des gouvernements successifs).

La pratique montre d'ailleurs qu'aucune constitution n'empêche les gouvernants d'appliquer leurs idées liberticides, par un coup d'État permanent, fût-ce au besoin, ruse suprême, en prenant la constitution comme prétexte (théorie des « blocs de constitutionnalité », des « principes fondamentaux reconnus par les Lois de la république », etc.), moyen d'étendre sans limite l'intervention et les pouvoirs de l'État.

Une constitution peut même être constamment violée en toute impunité par le pouvoir. Ainsi, la constitution de l'URSS de 1977 affirmait la liberté d'expression (article 50) alors que les dissidents étaient sévèrement punis ; elle affirmait l'égalité des citoyens (article 34) alors qu'une nomenklatura politique bénéficiait de privilèges très étendus ; elle affirmait la liberté de conscience alors qu'elle persécutait la religion et imposait un athéisme d’État.

Cependant, un libertarien tel que Ron Paul invoque la Constitution des États-Unis, pour signaler qu'elle est constamment violée par les politiciens :

Nous avons oublié que la Constitution fut écrite pour restreindre le gouvernement. Aujourd'hui tout est à l'envers : le gouvernement utilise la Constitution pour nous restreindre. On marche sur la tête !

Un libertarien réactionnaire comme Mencius Moldbug rappelle qu'une constitution, historiquement, n'est pas prescriptive, mais seulement descriptive : comme son nom l'indique, elle décrit l'organisation du gouvernement. Moldbug se réfère au principe de droit international uti possidetis qui prévalait avant le XXe siècle, qui implique que tout gouvernement est légitime et souverain, et existe de facto. L’État doit être considéré comme une entreprise comme une autre, sa constitution étant en quelque sorte ses "statuts d'entreprise". Sur cette base, on peut comparer entre eux les États, pour juger de la plus ou moins grande prospérité et des libertés qu'ils permettent. Une telle comparaison n'est pas en faveur des grandes démocraties, mais plutôt des petits États-cités à gouvernement limité.

Incohérence interne

D'un point de vue rationnel et purement logique, on peut souligner qu'une constitution devrait satisfaire au principe du rasoir d’Occam et être très courte, traitant de l'essentiel. Ce n'est jamais le cas. Le logicien Kurt Gödel s'étonnait, après l'avoir examinée de près (en vue d'une demande de naturalisation), que la Constitution des États-Unis contienne des articles contradictoires et permette même l'instauration d'une dictature.

Les exemples ne manquent pas dans les constitutions contemporaines. Ainsi, la "Constitution fédérale de la Confédération suisse" (avril 1999) proclame l'égalité entre l'homme et la femme en son article 8, puis affirme l'obligation du service militaire pour les hommes uniquement en son article 59 (l'âge ordinaire de la retraite est également différent en Suisse pour les hommes et pour les femmes, et du point de vue des assurances sociales les hommes et les femmes ont des droits légèrement différents). Elle affirme l'indépendance du pays et la souveraineté des cantons alors que le droit de l'Union européenne s'y applique de plus en plus. Elle affirme la laïcité (ou tout du moins une neutralité confessionnelle) alors qu'elle débute par les mots : « Au nom de Dieu Tout-Puissant ». Elle affirme que « l'utilisation des routes publiques est exempte de taxe » (art. 82) alors que l’utilisation des routes nationales (autoroutes et semi-autoroutes) est payante (vignette). Elle est en perpétuelle évolution au gré de chaque initiative populaire (initiée généralement par les partis politiques) qui la modifie. Elle reste fréquemment dans le vague, ouvrant la porte à un grand nombre d'interprétations. Elle est en contradiction avec d'autres textes de lois[1]. Elle prétend être la loi suprême alors qu'elle-même précise que la loi fédérale et le droit international prévalent sur elle (articles 5 et 190, favorables au Parlement et à la CEDH : selon le juriste Hans-Ueli Vogt, la Suisse est le seul pays au monde qui place le droit international au-dessus de sa propre constitution).

La principale incohérence de toutes les constitutions porte sur la propriété : elles prétendent généralement défendre la propriété tout en affirmant le droit pour l’État de prélever des impôts sans aucune limitation et d'attenter à la propriété privée au nom du prétendu « bien commun ».

En pratique, une constitution est un mélange d'articles :

  • qui indiquent comment sont constitués l’État et le gouvernement (c'est le sens originel du terme "constitution") ;
  • qui énoncent des principes généraux de droit, depuis des règles évidentes de droit naturel jusqu'à un ensemble de "vœux pieux" (en matière sociale ou sociétale) ;
  • qui ajoutent un grand nombre d'exceptions à ces principes, toujours au bénéfice de l’État (expropriation, service militaire, pleins pouvoirs, etc.). Les règles de droit naturel finissent par être de plus en plus violées, tandis que les "vœux pieux" sociaux énoncés aboutissent à un constructivisme étatique croissant. Plusieurs constitutions affirment un droit à la santé, à la protection sociale, au logement, à l'éducation, etc.

Quand une constitution affirme une liberté individuelle, un "vrai droit" (droit de propriété, droit d'association, liberté d'expression...), elle la restreint toujours en ajoutant que cette liberté s'exerce « dans le cadre de la loi ». Une loi future pourra toujours restreindre cette liberté au bon gré du pouvoir en place.

Textes constitutionnels

Citations

  • « Une Constitution est par elle-même un acte de défiance, puisqu'elle prescrit des limites à l'autorité, et qu'il serait inutile de lui prescrire des limites si vous la supposiez douée d'une infaillible sagesse et d'une éternelle modération. » (Benjamin Constant[2])
  • « L’habitude de violer la constitution pour faire le bien autorise ensuite à la violer pour déguiser le mal. » (Nicolas Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live)
  • « Les Constitutions sont faites pour être violées. C’est un jouet inutile. Là où c’est efficace on n’en a pas besoin. » (Anthony de Jasay)
  • « La maîtrise ultime de l’État sur la Constitution est masquée, parce qu’il y est inscrit qu’un gardien spécial de la Constitution en surveillera l’observance. Or, ce gardien doit nécessairement faire partie soit de l’État, soit de la société civile. Il ne peut se trouver dans un troisième lieu, en dehors ou « au-dessus » des deux autres. S’il fait partie de la société civile, alors il est soumis à l’État, et peut en dernier ressort être contraint de ne pas dénoncer une violation de la Constitution. » (Anthony de Jasay)
  • « La Constitution n'est pas un document vivant, c'est un document mort. Trois fois mort ! » (Antonin Scalia, juge à la Cour Suprême des Etats-Unis[3])

Notes et références

  1. Par exemple l'article 17 de la Constitution, qui affirme la liberté des médias, est contredit par l'article 261 du Code pénal, qui punit le fait "d'offenser ou bafouer" les convictions religieuses d'autrui, ce qui est une atteinte contre "la liberté de croyance et des cultes".
  2. Discours du 5 janvier 1800 devant le Tribunat
  3. Scalia: The Constitution is 'dead', Politico

Bibliographie

Voir aussi

Liens externes


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