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Catherine II

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Catherine II
Personnage historique

Dates 1729-1792
Catherine II.jpg
Tendance Tsariste
Nationalité Russie Russie
Articles internes Autres articles sur Catherine II

Citation « Nous ne faisons rien mieux que librement, hors de toute contrainte. »
Interwikis sur Catherine II

Catherine II de Russie dite La Grande Catherine, née le 21 avril 1729 à Stettin en Poméranie et morte le 6 novembre 1792 à Saint-Pétersbourg, est une princesse allemande devenue impératrice de Russie et une des figures du despotisme éclairé.

La jeunesse

C’était une petite princesse allemande d’une petite principauté qui avait connue une enfance peu heureuse : ses parents auraient souhaité un garçon comme aîné. Elle aura à cœur de vouloir égaler les hommes. Elle épouse en 1744 Pierre de Hostein-Gottorp, neveu et successeur désigné de l'impératrice Elisabeth, fille de Pierre le Grand. Âgée de 15 ans, Sophie adopte la foi orthodoxe devenant Ekaterina Alexeievna. Elle embrasse aussitôt les intérêts et la culture du pays à la différence de son mari. Elle apprend très vite le russe. Elle gagne ainsi très vite le cœur des Russes. Pierre méprise la Russie et les Russes et se comporte en prince étranger.

Devenu Pierre III en décembre 1761, il ignore sa femme, joue à la poupée ou consacre son temps à des exercices militaires. Son modèle est Frédéric II. Aussi, neuf ans s’écoulent sans naissance d’un héritier. Il est baptisé Paul. Mais des doutes entourent sa naissance. Non content d’être insultant et violent, le tsar projette de s’en séparer pour épouser sa favorite, Elisabeth Vorontsov. Il veut aussi renier son fils Paul dont il met en doute la légitimité.

Catherine a trouvé consolation auprès d’autres hommes dont Stanislas-Auguste Poniatowski et surtout en 1760 Grigori Grigoriovitch Orlov : par le clan Orlov, elle va trouver les soutiens dont elle a besoin dans l’armée.

Le pouvoir

Les régiments de la Garde vont être l’instrument du coup d’état du 28 juin 1762 : avec l’appui du clergé qui s’est rallié à sa cause, elle force Pierre III à abdiquer. Il meurt peu après dans des circonstances obscures.

Le pouvoir de Catherine était contesté au nom d’Ivan VI, qui avait été déposé par Elisabeth et enfermé dans la forteresse de Schlüsselbourg. Le tsar déchu est tué lors d'une tentative pour le délivrer (5 juillet 1764). D'Alembert écrit à Voltaire à cette occasion : « Ma bonne amie de Russie vient de faire imprimer un grand manifeste sur l’aventure du prince Ivan qui était, en effet, comme elle le dit, une espèce de bête féroce. Il vaut mieux, dit le proverbe, tuer le diable que le diable nous tue (...). Cependant, il est un peu fâcheux d’être obligé de se défaire de tant de gens (...). Je conviens avec vous que la philosophie ne doit pas trop se vanter de pareils élèves. Mais que voulez-vous, il faut aimer les amis avec leurs défauts... » Voltaire l'avait absout : « Je sais qu’on lui reproche quelques bagatelles au sujet de son mari ; mais ce sont des affaires de famille dont je ne me mêle point. »

Les débuts du despotisme éclairé

Disciple des Lumières, elle se trouve confrontée à la question paysanne. Le 8 août 1762, elle promulgue un oukaze qui interdit aux propriétaires de mines et d’usines d’acheter des serfs. Une autre mesure : les serfs fuyards ne seront pas restitués à leurs maîtres mais pris en charge par l’État contre indemnité aux propriétaires puis installés sur de nouvelles terres.

Catherine arrivée au pouvoir n’avait aucune expérience politique. Homme d’expérience, le comte Nikita Panine a essayé de lui imposer ses vues. Il était le précepteur de l’héritier Paul. Son souhait était de limiter le pouvoir impérial. Il sera son conseiller le plus proche, son confident. Mais Catherine conserve la réalité du pouvoir.

L’église orthodoxe était riche mais on lui reproche le bas niveau intellectuel et moral du clergé et l’échec de toute tentative d’éducation des enfants. Le manifeste du 26 février 1764 sécularise les biens d’église et organise la vie matérielle de l’église selon des normes fixées par l’État. De 572, les monastères tombent à 161. Les prêtres deviennent des fonctionnaires rétribués par l’État et près d’un million de leurs paysans sont rendus à la liberté. Ainsi Catherine, s’en porter le titre, se veut le chef de l’Église.

Le Nakaz (1767)

C’est la Grande Instruction. Une Assemblée ou Commission législative commence à délibérer à l’été 1767 comptant 564 députés dont 536 élus représentants les citadins, les paysans d’État, les Cosaques et les minorités nationales. Dans les mois précédents, Catherine visite des villes le long de la Volga. Elle a rédigé une instruction, le Nakaz pour l’assemblée. Le but assigné est de moderniser le droit russe.

Elle se place sous le patronage de Montesquieu et de l’Esprit des lois mais aussi de Beccaria et de Quesnay, l’auteur du droit naturel. Disciple de Voltaire, elle déplore le servage mais souveraine d’un pays où il est la forme de propriété dominante, elle constate son utilité et la difficulté à la réformer. Elle confirme l’abolition de la peine de mort et condamne la torture : aussi le Nakaz sera interdit dans certains pays européens comme la France.

Elle affirme aussi la nécessité d’une attitude tolérante à l’égard des religions et défend la liberté d'expression. Mais la réalité politique de la Russie est un peu différente bien sûr. Le Nakaz n’était pas un programme mais l’exposé des idéaux qu’une société doit s’efforcer de mettre en pratique.

Les débats au sein de l’Assemblée ouvrent la voie à de grandes espérances mais aussi aux revendications et à des amertumes. La Grande Assemblée va siéger de l’été 1767 jusqu’en janvier 1769 d’abord à Moscou puis à Saint-Pétersbourg (février 1768). Au sein de la noblesse, les nobles d’origine s’indignaient d’être amalgamés aux nobles de service et la noblesse russe s’oppose à la noblesse balte et ses privilèges particuliers. Mais le débat porte surtout sur la paysannerie et le servage. Le servage va être la pierre d’achoppement des travaux de l’Assemblée.

La première guerre russo-turque va servir de prétexte pour arrêter les travaux de la Commission législative. La Grande Commission lui a cependant permis de rencontrer la Russie réelle. De sa lecture des philosophes, elle a conclu que le pouvoir doit transformer progressivement les situations politiques et sociales existantes.

Le système du Nord

Panine met en place le système du Nord : Il s’agit de s’entendre avec l’Angleterre et avec la Prusse pour faire pièce à l’accord franco-autrichien, cette alliance des Bourbons et des Habsbourg visant à freiner l’expansion de la puissance russe en Europe.

La Pologne est le « royaume de l’anarchie ». La mort d’Auguste III le 5 octobre 1763 ouvre la question de la succession. La Russie va soutenir un noble polonais, Stanislas-Auguste Poniatowski, ancien amant de Catherine. Le 13 février 1768, un traité signé entre Pologne et Russie stipule qu’aucun changement constitutionnel ne pourrait avoir lieu sans l’accord russe. Un premier partage de la Pologne est signé le 25 juillet 1772 entre la Russie, la Prusse et l'Autriche.

Une première guerre russo-turque (1768-1774) entraîne l'occupation de la Crimée (1771) : La Russie obtient la liberté de navigation et de commerce en Mer Noire et l’accès aux Détroits.

Profitant de la guerre contre la Porte, un aventurier, Emelian Pougachev, Cosaque du Don, se fait passer pour Pierre III et provoque un soulèvement en 1773-1774.

Une femme des Lumières

L'éducation d'Alexandre

Détestant son fils Paul, qui ressemble trop à Pierre III, elle place tous ses espoirs dans son petit-fils qu'elle a prénommé, signe de ses ambitions, Alexandre. Elle a été fortement marquée par la lecture des Essais de Montaigne qui inspirent ses conceptions en matière d’éducation : habituer le corps au froid, au vent, au soleil.

A douze ans, il est confié au Français d’origine suisse La Harpe pour une éducation placée sous le signe du libéralisme et de l’attention aux réalités de son pays. Il doit devenir un homme des Lumières. Elle a voulu un héritier à son image.

La tsarine et les philosophes

La lecture est sa grande passion. Elle a toujours un livre à portée de main, dans sa poche quand elle sort. L’histoire la fascine : Plutarque, Tacite. Elle s’est nourrie du Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle puis de l’Esprit des Lois de Montesquieu. L’étape suivante la conduit à Voltaire. Elle invite d’Alembert pour qu’il assure l’éducation de son fils Paul mais ce dernier refuse.

Elle a du mal à faire venir les philosophes à Saint-Pétersbourg. A commencer par Voltaire : leur relation sera purement épistolaire de 1763 à la mort du philosophe (1778). Voltaire célèbre la « Sémiramis du Nord » ou « la Reine de Saba » titres qu’il avait déjà accordés à l’impératrice Elisabeth. Comme elle fait un don à la veuve de Calas, il en déduit : « Vous voyez bien qu’elle n’a pas fait tuer son mari, et que nous autres, philosophes, nous ne souffrirons jamais qu’on la calomnie ! » Il lui dédie en 1765 la Philosophie de l’Histoire.

Frédéric-Melchior Grimm occupe une place particulière dans son réseau : ils ont échangé 430 lettres. C’est Grimm qui achète pour le compte de la souveraine ouvrages et objets d’art. Il va en Russie en 1773 et en 1776 et reçoit une rente annuelle de 2000 roubles « ainsi que le rang et le titre de colonel ». C’est l’agent d’influence de Catherine en France.

Informée des soucis financiers de Diderot, elle lui rachète sa bibliothèque, lui en laisse la jouissance et lui verse une pension comme bibliothécaire. Diderot vient à la cour en 1773-1774 restant cinq mois avec des entretiens réguliers, tous les trois jours. Il devait répondre aux questions de l’impératrice sur les sujets les plus variés. Il plaide pour l’établissement d’un régime représentatif et le transfert de la capitale à Moscou.

Protectrice des lettres russes

Sa passion pour la culture française ne l’a pas empêchée de s’intéresser aux lettres russes. Le grand poète de son règne, Gabriel Derjavine, l’a surnommée la Grande Catherine. Autre écrivain célèbre, Denis Fonvizine, le « Molière russe » qui a également écrit de nombreux articles dans des revues pour dénoncer avec force le servage.

Sous l’influence libérale de l’impératrice, la presse a pris son essor en Russie à partir de 1758. Un oukaze de 1783 permet la création d’imprimeries. Les écrivains reçoivent des subventions pour faire éditer leurs œuvres.

Une femme de lettres

L’impératrice écrit elle-même : le Nakaz, ses Mémoires. Attiré par le théâtre, elle s’essaye aux comédies de meurs et aux comédies satiriques, dirigées notamment contre la franc-maçonnerie. Elle se lance aussi dans un théâtre d’inspiration shakespearienne et dans l’opéra-comique. Elle a donc composé des livrets d’opéras mettant en scène des sujets russes et faisant appel à des compositeurs russes (Fomine) et étrangers (Martin y Soler). De même ces pièces shakespeariennes empruntent leur sujet à l’histoire russe : Oleg à la manière de Shakespeare connaît un grand succès.

Elle traduit et adapte Sheridan et Calderon. Elle écrivait en russe mais préparait et annotait ses œuvres en français. Elle était très fière de sa traduction du Bélisaire de Marmontel : en fait une traduction collective en 1767.

Défense de la Foi et tolérance religieuse

Elle s’était convertie à l’orthodoxie le 28 juillet 1744. Elle va montrer une piété, un attachement constant à sa nouvelle foi. Elle refuse les propos antireligieux ou les proclamations d’athéisme de ses amis philosophes. Mais femme des lumières, elle se veut tolérante.

Elle met fin aux discriminations dont souffraient les musulmans en permettant la construction de mosquées et en accordant la liberté religieuse à tous les musulmans en 1773. En 1782, le mufti d’Orenbourg, haut fonctionnaire par sa nomination et sa rétribution, a autorité en matière religieuse et civile sur les tatars et Bachkirs qui relèvent du droit islamique.

D’abord hostile à l’installation des Juifs en Russie, Catherine se voit confronté à l’importante communauté apportée par le premier partage de la Pologne. Le pouvoir russe préserve l’encadrement de la communauté juive par les rabbins et les kehalim. Avec la réforme des villes de 1785, seules les classes définissent le statut des habitants : bourgeois et marchands, même juifs, sont habilités à participer à l’administration locale.

Les catholiques sont libres à condition de se montrer discrets. Les partages de la Pologne vont faire entrer une très importante communauté catholique dans l’empire. Les jésuites sont accueillis après avoir été chassés de France en 1764 et ils ouvrent des collèges pour les enfants de la noblesse. Elle refuse la bulle pontificale qui dissout la Compagnie de Jésus. Et elle contraint le pape à accepter l’archevêque de Moghilev, diocèse qui a autorité sur tous les catholiques de Russie (1783).

Elle se montre favorable aux Vieux Croyants qui ne sont plus accusés d’hérésie.

Elle a donc mis fin à tous les statuts discriminatoires. Elle refuse tout prosélytisme et place tous ses sujets sur un pied d’égalité civique. Si elle organise administrativement les religions, elle n’intervient pas dans les dogmes et les rituels.

Fonder un État de droit

Dans les années 1774-1775, Catherine élabore un plan d’organisation légale de la Russie : en faire un État fondé sur le droit avec l’institution des gouvernements en 1775. Le nombre des gouvernements double entre 1776 et 1790 et leurs institutions sont soumises pour partie à élection. Les effectifs des fonctionnaires augmentent mais le système étatique fonctionne mieux et une autonomie régionale commence à exister.

Elle souhaite une organisation sociale claire avec une division en ordres ou états : la noblesse, les marchands (guildes), les citadins et les paysans libres (ceux de la Couronne et les émancipés). 21 avril 1785 : charte des villes et charte de la noblesse. Créer une vie urbaine développée et une bourgeoisie de type occidental, moteur du progrès économique. C’est l’âge d’or de la noblesse qui voit ses privilèges garantis par le pouvoir comme l’hérédité et la liberté de service.

Comme Pierre le Grand , Catherine a voulu moderniser et européaniser la Russie mais elle achoppe comme lui sur le problème du servage : elle est convaincue à la fois de la nécessité de le remettre en cause et de l’impossibilité de le faire, la noblesse ayant obtenu un statut privilégié.

Éduquer un homme nouveau ?

Sa décision de sa faire inoculer la variole en 1768 à l’occasion d’une épidémie relève de son projet pédagogique. Elle souhaite faire vacciner ses sujets. Et elle donne l’exemple faisant aussi inoculer son fils Paul.

Catherine qui a lu Montaigne, Rousseau, Locke, les encyclopédistes, pense comme eux qu’il est possible et nécessaire de transformer l’homme par l’éducation. Sa politique s’appuie un projet de Betski (ou Betskoï) : « Plan général pour l’instruction de la jeunesse des deux sexes » de 1764. Elle crée des maisons d’éducation, hospices-écoles destinés aux orphelins ou enfants abandonnés, établissements pris en charge par l’État : à Moscou en 1764 et Pétersbourg en 1770 puis dans d’autres villes. Betski voulait faire des enfants illégitimes un des fondements de la nouvelle bourgeoisie. Catherine est également préoccupée de l’éducation des filles. Elle soutient la création de l’Institut Smolny, réservée aux filles de la noblesse puis encourage un établissement de même type pour les adolescentes non nobles.

Mécène, elle fonde à titre particulier une école dans la capitale rattachée à la cathédrale St-Isaac, bientôt imitée par d’autres nobles et des marchands puis le mouvement gagne les autres villes. La « fièvre éducative » des élites favorise ainsi la multiplication des écoles.

Elle subit aussi l’influence de l’empereur Joseph II et fait venir les pédagogues de l’empire des Habsbourg : Johann Felbiger, supérieur de l’abbaye de Sagan et le tchèque Jankovitch. Une commission met au point un « plan pour la création d’écoles publiques dans l’Empire » en 1782.

A défaut de former l’homme idéal, la politique impériale cherche à former en grand nombre des hommes instruits qui soient des citoyens utiles à l’État. Il s’agit aussi de disposer d’un système éducatif uniforme propre à contribuer à l’unité de la Russie. Toutes les écoles doivent utiliser les mêmes manuels. Le russe est imposé comme langue de base aux dépens du français. En 1786, les écoles privées sont fermées au profit des écoles publiques.

Libéralisme économique

Le manifeste de 1762

Catherine cherche à peupler les nouveaux territoires acquis et donc à faire venir des colons étrangers : le manifeste du 4 décembre 1762 ouvre les portes à tous (sauf les Juifs). Ils obtenaient des privilèges : prêts sans intérêt pour acheter des terres ; exemption d’impôt pendant 30 ans ; dispense de service militaire ; droit de conserver sa religion et ses coutumes. Plus de 30 000 Allemands vont s’installer le long de la Volga (1763-1764). Ce sont des paysans libres dans un univers où domine le servage.

Une pensée libérale

Elle écrit dans les Considérations sur les Manufactures complétées de Remarques (1767) : « Nous ne faisons rien mieux que librement, hors de toute contrainte » (Remarque 19) « chacun sait de lui-même ce qu’il a à faire » (Remarque 31). Et à propos du collège des Manufactures : « Moins le collège s’immiscera dans les affaires de l’industrie, mieux ce sera ». Elle supprime d’ailleurs le collège en 1779. Mais aussi : « Il ne faut jamais accepter l’idée que la richesse puisse être également répartie entre les différents milieux comme le pain au réfectoire des moines. »

Célébrant la fin de la guerre, le manifeste du 17 mars 1775 a pour thèmes centraux la liberté d’entreprendre et l’allègement du contrôle de l’État sur la vie économique. « Il n’est rien de plus dangereux que de vouloir établir un règlement pour tout ». Une maxime revient régulièrement : « Ne pas interdire, ne pas contraindre ».

Le développement économique se fonde sur la liberté d’entreprendre pour tous : nobles, marchands et même paysans. Elle reconnaît de manière plus étendue le droit de propriété : ainsi la Charte de la noblesse (1785). Les propriétaires se voient reconnaître le droit de propriété sur les richesses du sous-sol. Elle fonde en 1786 la Banque de prêts de l’État pour aider la noblesse à développer ses entreprises.

Elle abroge les douanes intérieures et institue de nouveaux tarifs douaniers pour favoriser la liberté du commerce. La Russie devient un gros exportateur de céréales après la conquête de la Russie méridionale. Néanmoins des droits élevés frappent tout ce qui peut concurrencer la production nationale.

Les limites du libéralisme

Il s’agit cependant de favoriser l’État. Elle souhaite établir un seul système administratif dans tout l’Empire et mettre fin aux privilèges locaux. Elle essaie de moraliser l’administration et de faire disparaître la pratique des pots-de-vin en assurant des traitements réguliers aux fonctionnaires. Elle crée une véritable bureaucratie mais la corruption demeure.

En 1768, elle recourt à l’impression de papier-monnaie, c’est-à-dire à la planche à billets et aux emprunts. Le budget de l’État va être déséquilibré par les dépenses internes et les guerres.

Le renversement des alliances

La neutralité armée

En 1776, George III réclame des hommes et des vaisseaux pour l’aider à vaincre la rébellion américaine. Elle va répondre par la neutralité armée par le rescrit du 27 février 1780 : liberté du commerce pour les neutres et cargaison des navires neutres inviolable sauf s’il s’agit de contrebande de guerre. C’était une façon de s’opposer à l’impérialisme anglais sur les mers. Le « système du Nord » de Panine est ainsi abandonné. L’orientation est désormais pro-autrichienne.

Accord avec l'Autriche

Dans la guerre de succession de Bavière, « guerre des pommes de terre » (Prussiens) ou « guerre des prunes » (Autrichiens) (1778), la Russie propose sa médiation qui aboutit à la paix de Teschen le 13 mai 1779. Cette médiation réconcilie Saint-Pétersbourg et Versailles. En mars 1780, Joseph II va rencontrer Catherine en Russie mais il voyage incognito (comte de Falkenstein). Catherine souhaite une alliance : « Ce serait utile dans l’hypothèse d’une guerre avec la Turquie. »

Les villages Potemkine

La Crimée est annexée en 1783. Un grand voyage de propagande de l'impératrice en 1787 la conduit de la capitale en Crimée : à Ekaterinoslav puis à Kherson où le cortège passe sous un arc de triomphe qui porte l’inscription : « Ceci est la route de Byzance ». De Sébastopol, la flotte russe pouvait désormais atteindre Constantinople en 30 heures. On a accusé le favori de la tsarine, Potemkine, d’avoir impressionné Catherine en lui montrant des villes inexistantes, des monuments factices, des foules pimpantes composées en réalité de serfs, des façades de carton-pâtes. Un décor de théâtre, les "villages Potemkine".

Joseph II, présent incognito, devait faire remarquer à Ségur : « Tout semble facile lorsqu’on gâche des vies humaines. Nous autres, en France et en Allemagne, ne pourrions nous permettre ce qu’ils ont fait ici sans obstacles : le seigneur commande, les hordes d’esclaves obéissent. »

La seconde guerre russo-turque

Juillet 1787 : ultimatum ottoman exigeant l’évacuation immédiate de la Crimée. Le sultan Abdul Hamid veut reconquérir l’espace perdu depuis 1768 et compte sur l’aide des puissances européennes. Prusse et Angleterre signent un traité d’alliance. Et l’Angleterre pousse la Porte à la guerre. Bientôt une Triple alliance anti-russe se forme avec les Pays-Bas. Les Français pratiquent un double jeu.

Les Autrichiens finissent par entrer en guerre en 1788 mais échouent devant Belgrade. Gustave III envahit la Finlande le 2 juillet 1788 et ses troupes menacent Saint-Pétersbourg. Finalement, Suédois et russes signent la paix à Werälä le 14 août 1790 sur la base du statu quo ante territorial.

Abdul Hamid meurt le 27 mars 1789. Sélim III, qui a 18 ans, est d’humeur belliqueuse. Il proclame la guerre sainte, refusant toute négociation. Mais les Autrichiens s’emparent de Belgrade en octobre 1789. La révolution française écarte le pays de la vie internationale. Ce qui laisse les mains libres au roi de Prusse : une alliance prusso-turque est signée le 20 janvier 1790.

Londres menace d’expédier une flotte en Méditerranée pour protéger l’empire ottoman. Pitt est inquiet de la montée en puissance d’une Russie, redoutable concurrent sur la route de la Méditerranée et celle des Indes. L’opinion anglaise et le Parlement obligent Pitt à reculer : personne ne comprend son obstination à défendre « une horde barbare » contre un pays européen.

Koutouzov, franchit le Danube au printemps 1791. L’amiral Ouchakov, le plus grand marin de l’histoire russe, détruit la flotte turque à Kaliarki le 31 juillet. La paix est signée le 29 décembre 1791 à Jassy.

La disparition de la Pologne

Le 22 avril (3 mai) 1791 un coup d’État transforme la monarchie polonaise. La constitution traditionnelle garantie par la Russie disparaît. Catherine voit dans le coup d’État la démonstration des connivences entre la Seim (Diète) et l’Assemblée nationale de France. Et l’attentat contre Gustave III qui meurt des suites de ses blessures sont un autre signe pour Catherine des progrès de la Révolution française.

Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre à l’Autriche. Les Prussiens en profitent pour entrer en Pologne. Russes et Prussiens se mettent d’accord sur le second partage. La Russie s’empare de territoires peuplés de Russes ou de Lituaniens. Sous le contrôle des troupes russes, la Diète doit ratifier en juillet 1793 le partage et abolir la constitution du 3 mai 1791.

La mort de Louis XVI en janvier 1793 électrise les opposants polonais à la Russie et à la Prusse soucieux de lutter contre les tyrans. Les espoirs convergent sur Tadeusz Kosciuszko. Il s’est battu en Amérique aux côtés des Français. Il prend la tête de l’insurrection à Cracovie le 24 mars 1794. Le 10 octobre, à Maciejowice, entre Varsovie et Lublin, les Russes écrasent les Polonais. Kosciuszko était pour Catherine l’incarnation du jacobinisme et de l’hostilité à la Russie. Elle négocie donc avec l’Autriche et la Prusse le dernier traité de partage du 13 octobre 1795.

Catherine et la Révolution française

Marquée par la culture française, Catherine ne pouvait rester indifférente à la Révolution française. Elle écrit à Grimm : « Qu’est ce que ce roi des Français ? Et pourquoi la France, huit fois centenaire, a-t-elle disparu, laissant la place aux Français ? » Elle pose la question : « Est-ce qu’un cordonnier peut diriger les affaires de l’État ? »

Les réunions de francs-maçons sont interdites et les loges démantelées ou presque.

Le Voyage de Pétersbourg à Moscou de Radichtchev, directeur de la douane de Saint-Pétersbourg, est annoté par Catherine : « L’auteur veut soulever les paysans contre les propriétaires, les troupes contre leurs chefs, conduire les rois à l’échafaud » « c’est le premier envoyé en Russie de la Révolution française ». Radichtechev est arrêté, jugé et condamné à mort. En 1791 Catherine commue la sentence en peine incompressible de 10 ans de déportation en Sibérie.

Elle écrit à Grimm : « Je soutiens qu’il ne faut s’emparer que de deux ou trois bicoques en France, et que tout le reste tombera (…). Vingt mille Cosaques seraient bien trop nombreux pour faire un tapis vert de Strasbourg à Paris. Deux mille Cosaques et six mille Croates y suffiraient. » Mais dans la croisade antirévolutionnaire, Catherine en restera aux intentions pieuses. Si la coalition se décompose en 1794, sauvant la Révolution, c’est que Catherine et ses deux complices, Léopold II et Frédéric-Guillaume II, ont les yeux fixés sur la Pologne. L’inaction de Catherine a contribué à sauver cette révolution qu’elle haïssait si fort.


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