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Ordo-libéralisme

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Constituant l’un des rameaux du néo-libéralisme qui se développe, après la Première Guerre mondiale, dans la plupart des pays occidentaux, l’ordolibéralisme, « idéologie » du modèle allemand ou économie sociale de marché, est d’abord, comme son nom l’indique, un libéralisme, prônant la liberté économique, faisant confiance aux initiatives individuelles et aux mécanismes du marché et s’opposant donc à toutes les formes de socialisme et de dirigisme. C’est aussi un libéralisme du XXe siècle, se démarquant volontairement et systématiquement du paléo-libéralisme du XVIIIe et du XIXe siècles, c’est à dire du « laissez-faire » et des conséquences économiques, sociales et politiques négatives d’une liberté sans règles ni limites. Ses principaux théoriciens sont Walter Eucken, Franz Böhm, Hans Großmann-Doerth et leurs collègues de l’École de Fribourg-en-Brisgau, ainsi que Wilhelm Röpke et Alexander Rüstow.

Le mot “ordo” est une notion empruntée à Saint Augustin qui symbolisera leur démarche et donnera le nom à la revue annuelle fondée en 1948 par Walter Eucken et Franz Böhm, Jahrbuch für die Ordnung von Wirtschaft und Gesellschaft (Revue annuelle pour l’ordre économique et social).

L'ordo-libéralisme, une pensée humaniste

« Ordo » exprime d’abord une prise de position philosophique fondée sur les valeurs fondamentales de l’homme, qui implique le rejet tout à la fois du matérialisme hédoniste et de l'utilitarisme attribués aux libéraux classiques, et du matérialisme évolutionniste des théoriciens marxistes. Adhérant à la tradition chrétienne ainsi qu’à la philosophie idéaliste allemande, l'ordo-libéralisme a foi dans l’homme comme moteur de l’histoire et estime possible et nécessaire d’organiser l’économie en fonction d’un modèle consciemment choisi et scientifiquement défini.

Dans cet esprit, il considère qu’il ne s’agit pas seulement de libérer l’économie et d’accroître la richesse et le bien-être individuel et collectif, mais avant tout de créer un ordre économique et social valable. « L’économie de marché, écrivait Röpke, est une condition nécessaire mais non suffisante d’une société libre, juste et ordonnée », qui était à ses yeux le véritable objectif. Et Rüstow était encore plus explicite quant à la primauté des valeurs sur les intérêts :

«  Il y a infiniment de choses qui sont plus importantes que l’économie : la famille, la commune, l’État, le spirituel, l’éthique, l’esthétique, le culturel, bref l’humain. L’économie n’en est que le fondement matériel. Son objectif est de servir ces valeurs supérieures. »

Un interventionnisme conjoncturel

Le mot “ordo” exprime ensuite un projet de société. Si le système économique doit être digne de l’homme, c’est-à-dire conforme à ses exigences morales de liberté, d’égalité et de stabilité et être efficace dans la satisfaction de ses besoins matériels, seul le régime de concurrence répond à cette double exigence. Cependant, il ne se réalise pas de lui-même. Il ne se développe qu’à l’intérieur d’un cadre forgé et maintenu par l’État, au sein d’un ordre construit par la loi.

La pierre angulaire de cet ordre est la constitution économique (Wirtschaftsverfassung), incluse dans la constitution politique et affirmant que la réalisation de la concurrence est le critère essentiel de toute mesure de politique économique. Après son approbation par le peuple dans le cadre de l’adoption de la constitution politique, la constitution économique est complétée par les principes constituants (die konstituierenden Prinzipien) élaborés par les spécialistes de l’économie et non plus par le peuple. Ces principes sont les suivants :

  • l’existence d’une monnaie stable (premier des principes constituants) ;
  • le libre accès au marché ;
  • la propriété privée, conçue moins comme un droit que comme une exigence du système ;
  • la liberté des contrats et son corollaire, la pleine responsabilité civile et commerciale des entreprises ;
  • la stabilité de la politique économique, nécessaire au développement des investissements et à la prévision économique.

Il ne suffit pas d’intégrer la constitution économique à la constitution politique pour que le réel se confonde avec l’idéal. L’objet de la politique économique est de rapprocher le premier du second, par des interventions conformes à la logique de l’économie de marché (Marktkonform). Les ordo-libéraux définissent, avec précision, les conditions de l’action des pouvoirs publics en établissant une distinction entre le cadre et le processus. Le cadre est tout ce qui entoure la vie économique, comme la démographie, l’enseignement, le droit, l’environnement, etc. Dans ces domaines, l’État peut et doit intervenir très largement. Son action sera qualifiée d’ordonnatrice (Ordnungspolitik). Le processus est l’activité économique elle-même. Le marché y détermine la formation des prix. Faussant les conditions de la concurrence, les interventions de l’État dans le processus sont particulièrement dangereuses. Restant donc nécessairement limitées, elles se bornent à éliminer les obstacles qui s’opposent au fonctionnement normal du marché. À l’égard du processus, la politique économique ne sera que régulatrice (Prozesspolitik).

Penseurs rattachés à l'ordo-libéralisme

Parmi les auteurs proches de ce courant de pensée, on peut également mentionner John Jewkes ou Jacques Rueff.

Citations

  • Tout bien considéré, il est indéniable qu’ici, dans notre cercle, deux points de vue différents sont représentés. Les uns ne trouvent rien d’essentiel à critiquer ou à changer au libéralisme traditionnel, tel qu’il fut et tel qu’il est, abstraction faite, naturellement, des adaptations et des développements courants qui vont de soi. À leur avis, la responsabilité de tout le malheur incombe exclusivement au côté opposé, à ceux qui par stupidité ou par méchanceté, ou par un mélange des deux, ne peuvent ou ne veulent pas apercevoir et observer les vérités salutaires du libéralisme. Nous autres, nous cherchons la responsabilité du déclin du libéralisme dans le libéralisme lui-même ; et, par conséquent, nous cherchons l’issue dans un renouvellement fondamental du libéralisme. (déclaration d'Alexander Rüstow au Colloque Lippmann)
  • « Wilhelm Röpke exprime un libéralisme de « la juste mesure » et de « la conservation des traditions » pour reprendre Patricia Commun. Si l’on veut « réhumaniser » la pensée économique, Wilhelm Röpke est une bonne piste de réflexion. » (Emmanuel Garessus, 12 décembre 2016)

Bibliographie

  • 1964, François Bilger, "La pensée économique libérale en Allemagne", Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence
  • 1993, H. Rieter, M. Schmolz, "The ideas of German ordoliberalism 1938-45 : pointing the way to a new economic order", The European Journal of the History of Economic Thought, Vol. 1, N° 1, pp87-114
  • 1996, Razeen Sally, "Ordoliberalism and the Social Market: Classical Political Economy from Germany", New Political Economy, Vol 1, n°2, pp1–18
  • 1998,
    • C. Noppeney, Zwischen Chicago-Schule und Ordoliberalismus – Wirtschaftsethische Spuren in der Ökonomie Frank Knights. Berne, Verlag Paul Haupt
    • Plehwe D. et Walpen B., Eine Art von internationaler fünfter Kolonne des Liberalismus, In: R. Stötzel, dir., Ungleichheit als Projekt, Globalisierung & Standort & Neoliberalismus, Marburg, Forum Wissenschaft, N° 43
    • Andreas Böhmler, "El ideal cultural del liberalismo", Unión Editorial, Madrid
  • 2003, Patricia Commun et al., L’ordolibéralisme allemand. Aux sources de l’économie sociale de marché, Cergy-Pontoise, Travaux et documents du CIRAC
  • 2004, R. Ptak, Vom Ordoliberalismus zur Sozialen Marktwirtschaft : Stationen des Neoliberalismus in Deutschland, Opladen, Leske + Budrich
  • 2019, Stefan Kolev, "Ordoliberalism", In: Alain Marciano, Giovanni Battista Ramello, dir., "Encyclopedia of Law and Economics", New York: Springer, pp1532-1537

Liens externes


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