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Marxisme

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Le marxisme est une idéologie pensée et élaborée par Karl Marx, Friedrich Engels et ses continuateurs au XIXe siècle. Se basant sur une explication et critique de la société et mode de production capitaliste. Le marxisme, se prétendant être un nouveau paradigme sur une base scientifique et matérialiste, est un élément essentiel à la réalisation du communisme, c'est à dire, abolir la société capitaliste opérant une transition révolutionnaire de la société de classes à une société sans classes.

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Terminologie

Les termes liés au marxisme sont nombreux et polysémiques ; au premier chef, le marxisme est le courant philosophique et politique se réclamant des idées de Karl Marx et Friedrich Engels. L'adjectif marxien, s'applique parfois uniquement à la pensée des deux auteurs quand on veut la distinguer de celles des héritiers, et à Marx seul quand on veut dissocier son apport respectif de celui de Engels (on parle aussi, alors, d'engelsianisme). On dira donc, par exemple, la pensée marxienne quand il s'agit du gendre de Paul Lafargue, et la pensée marxiste quand il s'agit des idées et élaborations pratiques des individus ou groupes tirant leur méthode, leurs concepts et leur grille d'analyse, des écrits du/des premier(s). Il faut noter que Marx lui-même a plusieurs fois dit, dans les dernières années de sa vie: « Moi, je ne suis pas marxiste ».

Un marxologue est un chercheur qui étudie la pensée de Marx exclusivement, et non pas de Engels et des marxistes. Évidemment, un marxologue, Raymond Aron en est un exemple, n'est pas nécessairement marxiste; et réciproquement.

Marxisant est utilisé dans cet article comme un quasi-synonyme de « gauchisme », celui-ci étant lui-même entendu au sens que lui donne Droz [1997], c'est-à-dire une nébuleuse contestataire et/ou révolutionnaire, et non au sens de Lénine, qui désignait en 1920 le « bolchévisme de "gauche" », diagnostiqué comme étant une « maladie infantile du communisme ». Marxisant désigne donc une pensée dont l’héritage ne réside pas dans le seul courant marxiste, tout en en reprenant certaines analyses. Ces adjectifs sont très utiles, quoique flous et problématiques en ce qu’ils permettent de nombreux amalgames, pour qualifier certains aspects de pensées telles que celles de Michel Foucault ou de Jacques Derrida, qui, afin de prévenir toute possibilité de critique, se sont refusés à clairement catégoriser leur pensée respective.

Enfin, le marxisme mis en pratique sous la forme d'un régime politique s'appelle le communisme, bien que l'on trouve dans les premiers écrits de Marx, le terme de socialisme.

La théorie du marxisme

Un certain style marxiste

La pensée marxienne: une boite à outils pour pensée flexible

D’un point de vue théorique, la version marxienne du concept de lutte des classes (et sa version diachronique : le matérialisme historique), associé à l’idée que la base ou infrastructure économique détermine la conscience, fait de l’Histoire la poursuite sous différentes formes d’un conflit incessant entre l’idéologie de la classe dominante et une conscience affranchie. Ceci oblige donc le marxisme à reprendre toujours en situation sa critique, celle-ci ne trouvant fin, selon les uns, que par l’avènement de la révolution prolétaire mondiale et donc la fin de l’Histoire, les maoïstes voyant au contraire la nécessité d’une déconstruction/révolution permanente pour échapper au dogmatisme.
D’un point de vue pratique, aucun texte ne donnant de programme d’action politique précis, les révolutionnaires russes durent, comme le fit Lénine, combler les lacunes laissées béantes et définir une praxis politique concrète de la prise de pouvoir et de son exercice.

Ainsi, si les ouvrages marxiens ont laissé un fond conceptuel stable quoique ambigu du fait du « tournant économique », Marx est pour certains marxistes (révisionnistes, marxisme occidental) ce que Linus Torvalds est à Linux, c'est-à-dire qu'il a donné le noyau du code source, que chaque marxiste est appelé à retravailler pour son compte, à l’aune de sa situation ; pour d'autres au contraire, Marx sera considéré comme le fin mot de la pensée, dont il ne reste qu'à développer les idées. Si bien que les libertés prises avec la pensée marxienne auront comme effet de miroir les multiples retour à Marx.

Cinq grands pôles du marxisme se sont dégagés au XXème siècle :

  • le marxisme soviétique : considérant, avec le propre Marx, que ses écrits de jeunesse ne devaient être laissés qu’à la seule « critique rongeuse des rats », beaucoup de penseurs, le plus souvent russes, développèrent le sillon matérialiste et économique, pour proposer des théories monistes (jusqu'à Bogdanov et son empiriomonisme), parfois behavioristes (Pavlov), et assumant parfois pleinement le réductionnisme qu'est l'économisme.
  • le marxisme "occidental" : en rupture avec le marxisme russe, du temps de Lénine (cf. Marxisme et philosophie de Karl Korsch) ou de Staline (cf. Le Matérialisme dialectique de Henri Lefebvre), ou suivant les courants révisionnistes de la social-démocratie, les auteurs de l'Ouest insisteront sur l'aspect philosophique de Marx, l'alliant avec d'autres auteurs d'horizons divers, devenant le paradigme dominant des universités, dont les traces sont encore très tenaces.
  • le maoïsme : version chinoise du marxisme-léninisme, peu original du point de vue théorique, il aura surtout été le phare de substitution des marxistes après la découverte de l'horreur staliniste.
  • le marxisme tiers-mondiste : relisant la lutte des classes à l'échelle des nations et la critique de l'idéologie à l'aune de l'occidento-centrisme, il développe une critique de l'impéralisme occidental colonialiste.
  • le marxisme-analytique : tentative très éphémère et marginale de replanter le marxisme sur les bases de la philosophie analytique.

Néanmoins, le dialogue permanent entre les trois premières versions du marxisme, leur opposition structurale ou leur héritage mutuel, fait en sorte qu'une étude par grands principes du marxisme (plus en amont) et non par courants, sera préférable.

Révolution permanente ou fuite en avant : une pensée dialectique

D’un point de vue politique, le marxisme, comme toute politique volontariste, ayant pour but de modifier la réalité (cf. Thèses sur Feuerbach, XI: «  Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer. »), est directement opposé au laissez-faire libéral, dont il est historiquement la première réaction moderne (fascisme et national-socialisme la suivant).

Or, à la différence d'un individu agissant sur un marché à l'aune de ses connaissances et de son intérêt, le pouvoir politique, engageant, par ses mesures, la communauté qu'il dirige toute entière dans une finalité collective, est obligé de connaître l'ensemble des facteurs interconnectés, d'un nombre aussi élevé de domaines qu'il s'est octroyé de tâches et de prédire s'il veut rationaliser ce qui n'était qu'« anarchie de la production », c'est-à-dire planifier.

Le marxisme totalitariste (marxisme-léninisme, stalinisme, maoïsme, castrisme) se voit donc avec un cahier des charges par essence irréalisable, et ne peut provoquer que des déséquilibres, tant sur le plan « superstructurel » (injustices, ségrégations et privilèges à rebours pour contrebalancer ceux connus par les groupes exploités ou opprimés), que sur les plans économique et social (impôt et redistribution, déresponsabilisation, etc.), chaque nouvel état de la société devant à son tour être « corrigé », ad vitam aeternam. Comme il ne reconnaît pas que les mesures politiques ne sont pas des solutions mais le problème en lui-même, il faut sans cesse redécouvrir des raisons à la résistance têtue des faits, trouver des aliénations plus profondes ou des comploteurs (internes et externes) invisibles pour expliquer le report constant de la venue de la cité idyllique et de l'homme nouveau, que le communisme (en passant par le stade transitoire du capitalisme d'État) devait apporter.

Il en est de même pour expliquer la si bonne santé d'un capitalisme qui était voué à l' « effondrement », chaque décennie fournissant son lot de prophètes de l'apocalypse et d'analystes expliquant le pourquoi de l'ajournement de celle-ci, inlassablement démentis, toujours réapparaissants.

La « révolution permanente », l' « autocritique » (le plus souvent, en fait, critique des adversaires) et les méandres des trouvailles idéologiques (y compris pour sauver Marx de flagrantes erreurs de prédiction), sont surtout une fuite en avant refusant de tirer les leçons des échecs, créant un monde caligulesque où la délimitation de ce qui relève de l'orthodoxie marxiste et du révisionnisme (accusations de « petite-bourgeoisie », de « droitisme » ou au contraire de « gauchisme » ultra-révolutionnaire) est « un enjeu de pouvoir » (pour paraphraser Pierre Bourdieu) faisant de la politique plus qu'un bavardage sans point final, une question de survie.

D’un point de vue épistémologique, contrairement à l’analogie avec le code source informatique opérant, bien que les marxistes voient dans les écrits de Marx les bases d'une « science », ils n'en présentent toutefois pas les traits.
Non-falsifiable (cf. Popper), une lecture marxiste peut toujours être plausible, au même titre que l'interprétation d'un rêve ne pourra jamais être réfutée.

De plus, les thèses marxiennes puis marxistes ne sont pas tout à fait cumulatives et ne « progressent », souvent, que par adjonction adjuvante d'autres théories (darwinisme, kantisme, nietzschéïsme, freudisme, analyse systémique, etc.). Chaque nouveau courant de la pensée marxiste, plutôt que de résulter d'une correction d'un paradigme par un autre plus adéquat, ou du moins d'un affinage au sein du paradigme, relève dans le marxisme occidental d'effets de modes tâtonnants à droite et à gauche, quand les théorisations soviétiques furent, à l'instar du machiavélisme, des simples stratégies politiques aux fins de prendre ou garder le pouvoir, purges et excommunications y remplaçant la nouveauté artificielle des chaires universitaires, ces innombrables revirements ou éparpillements, ne militant jamais pour la crédibilité de la postérité des idées de Marx.

D’un point de vue philosophique, bien que Marx ait voulu rompre avec l'idéalisme hégélien et dépasser la philosophie en la réalisant, bien qu'un Marx de la maturité (ou scientifique) ait voulu succéder à un jeune Marx manipulant des concepts flous encore emprunts de catégorisations vaporeuses (« aliénation », « homme vrai »), sa théorie reste toujours non-falsifiable. Qu'il faille imputer ceci à un indécrottable hégélianisme ou à une sorte de penchant allemand pour le verbiage[1], toujours est-il que la pensée marxienne n'a pas plus réussi à se détacher de l'utopisme des premiers socialistes que de la sensiblerie, laissant la porte ouverte aux exégèses les plus contradictoires.

Les marxistes des années 60, en Europe de l'Ouest, se voulant une pensée féconde, flexible et créatrice ont développé des idées foisonnantes partant dans tous les sens, multipliant les pistes en association avec d'autres théories non-réfutables (freudisme, nietzschéisme, phénoménologie, existentialisme) ou d'autres thèmes (art, religion, culture). Il en résulte qu'elles deviennent des poétiques, prolixité creuse frayant des chemins qu'elles abandonnent en cours avant de foncer dans le mur, pratiquant une sorte de stratégie de la rupture ou du contrepied qui permet de quitter le navire avant qu'il ne coule et de ne pas payer les dettes des écrits précédents, qui équivaut à la fuite en avant politique. Mouvants, s'amendant sans cesse, les strates de discours s'amoncellent, se contredisent, parlent des langues hétérogènes, associent le bruit à la fureur, tout en se refusant d’abandonner la matrice originelle qui les y a conduit.

Le marxisme comme mystification idéologique

Le stalinisme et les Partis communistes nationaux fonctionnent comme l’Église catholique, à coup de dogme et de bulles que les « idiots utiles » (le mot est de Lénine) relayent. La phraséologie humaniste et holiste en fait une véritable mystique laïque.

« Sous un certain aspect important, le marxisme est une religion. A ses fidèles il offre, en premier lieu, un système des fins dernières qui donnent un sens à la vie et qui constituent des étalons de référence absolus pour apprécier les événements et les actions ; de plus, en second lieu, le marxisme fournit pour atteindre ces fins un guide qui implique un plan de salut et la révélation du mal dont doit être délivrée l'humanité ou une section élue de l'humanité. Nous pouvons préciser davantage : le socialisme marxiste appartient au groupe des religions qui promettent le paradis sur la terre. »
    — Joseph Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie

« Cette restauration [d'un intégrisme marxiste après la déstalinisation] est l'œuvre d'un philosophe et d'un théologien, non d'un économiste ou d'un sociologue. (...) En tant que membre de parti, Althusser doit, comme plusieurs générations de marxistes avant lui, prêter à Marx, en usant de citations bien choisies, ce qu'il veut dire lui-même. La méthode, celle des théologiens, consiste à choisir les textes tout en poussant l'audace jusqu'à reconnaître que Marx n'a pas pleinement compris lui-même sa pensée authentique, la portée de la révolution scientifique qu'il a inaugurée. »
    — Raymond Aron, « La lecture pseudo-structuraliste de Marx » (1967), I, dans Marxismes imaginaires.


Sur le fond, la parole de Marx est présentée régulièrement comme incritiquable. Ainsi de Sartre, cité par Raymond Aron : « Sartre décrétait dans la Critique de la raison dialectique la vérité du Capital, il la déclarait à ce point translucide que tout commentaire en affaiblirait l'évidence ou la pureté »[2]

Socle identitaire

Malgré tout, sans tomber dans une recherche essentialiste de toute façon impossible dans le cas du marxisme, il faut bien tenter de dégager un noyau doctrinal, un socle identitaire commun qui unifie dans leur diversité les différents marxismes :

  • « Fétichisme de la marchandise », « aliénation », « réification ». Du « fétichisme de la marchandise » (dans Le Capital) à Baudrillard, le capitalisme, censé déposséder les hommes de leur humanité, du ‘’sens’’ de la vie, des vraies valeurs, transformant le monde en « spectacle » (Debord), il s’agit de retrouver, avec des réminiscences involontaires très aristocrates et jansénistes, la profondeur et la grandeur de ce que la pensée vulgairement matérialiste du bourgeois dégrade. Le thème est passé dans le fond des clichés communs. Outre la difficulté proprement philosophique de ce dualisme ontologique des valeurs (l' « homme vrai », la conscience capable de se désaliéner, l' « homo faber » s'élevant au-dessus de l' « animal laborans » - Hannah Arendt), il en résulte une considération parfois méprisante de la masse dans le droit fil du mépris des philosophes pour les vulgaires, les insensés. D’où cette tension entre un aristocratisme prononcé (celui d'un W. Benjamin, par exemple) et cette glorification de la masse quand elle prend le visage de l'idée de peuple ou de prolétaires, par les théoriciens soviétiques et les Partis communistes.
  • « Liberté réelle », « division du travail » : Au-delà de l’impensé moral ou sensible dont relève le militantisme de Marx (pourquoi en tant que fils de bourgeois n’a-t-il pas fait sienne l’idéologie de sa classe ?), au-delà de sa prétention à la « neutralité axiologique » scientifique (cf. Pierre Bourdieu, à qui la même question de la neutralité peut être posée) l'égoïsme, l'exploitation et la domination capitalistes doivent être combattus car le communisme émancipera les opprimés en instaurant une solidarité fraternelle (« à chacun selon ses besoins »). Or, en tant que différenciation avec le reste de la communauté (la Gemeinschaft de Tönnies) l'émancipation politique, religieuse ou tout communautarisme est rejeté car procédant de l’idéologie « petite-bourgeoise ». Dans Sur la question juive par exemple, l’émancipation des juifs est condamnée car en désirant se libérer de l'État tutélaire chrétien, ceux-ci en oublient que la véritable émancipation est celle, universelle, de l’être « humain » en général, opposé à la réification de la raison instrumentale, la « Loi et les prophètes » du capitalisme. Cependant la figure du juif, lu d'après le prisme de Lévinas comme opprimé total, devient la figure-symbole de la libération chez un Dussel, par exemple. De même, l’aspiration à un certain libéralisme politique est accompagné quand il est lu sous le prisme de la « lutte des classes » ou quand il est stratégiquement intéressant (cf. la question nationale), mais combattu quand on en aperçoit la caractère contradictoire avec le collectivisme unitaire de la pensée marxiste. Si Marx oppose, à raison quand il oppose le catholicisme social à sa pratique d’exploiteurs , la même contradiction entre cette liberté programmatique, pourtant voulue comme « réelle », et celle purement nominale dont jouiront les peuples des démocraties populaires, se retrouve lors du passage des mots aux choses.
  • Critique de l’idéologie : si la vérité n'est jamais que la vérité du groupe dominant qui a la parole (polylogisme), si la vérité d'un jour est perçu comme l'erreur du lendemain, la raison n'est jamais qu'une illusion politique au service de la bourgeoisie, l'organe de légitimation du système répressif, et le fou, le marginal, le déviant, brefs toutes les minorités « opprimées » deviennent des révolutionnaires en puissance, des contestataires éclairés de l’ordre bourgeois établi, Descartes et tout rationalisme, les instruments involontaires (pensée holiste : structuraliste ou fonctionnaliste) de la bourgeoisie, jusqu'à ce que la raison instrumentale (École de Frankfurt), le practico-inerte (Sartre) soit le vecteur du fascisme... (cf. Foucault, Blanchot, Deleuze et Guattari - à noter que les francfortiens s'en prendront au stalinisme lui-même...). Le gouffre du nihilisme, après avoir emporté la logique agonistique des national-socialistes, n'est pas loin d'emporter les marxo-schopenheuriens ou marxo-kierkaargediens...
  • « Homme réel » : si l'homme est un être nécessairement social, il doit être politique. Si un homme n'est pas une île, alors l'individu n'est rien (holisme, substantivation des groupes dans le stalinisme), et la production doit être collective, donc la consommation, donc la prise de décision qui précède toute action. Les marxistes n'ont cependant jamais réglés la question de la méthode: révolution(s) internationale ou nationales (les classes sont-elles transnationales, existe-t-il un droit à la reconnaissance de différences identitaires, culturelles ?), « centralisme démocratique » ou autogestion ?, démocratie de façade (démocraties populaires) en vrai despotisme éclairé pour garder une et indivisible la communauté ou pluralisme au risque de la division ? La scission anarchisme romantique / despotisme centralisateur reste une pierre d’achoppement permanente chez les marxistes.

La marxisation des esprits

Durant toute la deuxième moitié du XXe siècle on peut noter une très forte marxisation des esprits dans les universités continentales.

Philosophie et sociologie

Considéré avec Freud et Nietzsche comme un des trois « maîtres du soupçon », Marx a ouvert la porte à de nombreuses modes philosophiques sapant les fondements de la raison traditionnelle « bourgeoise », jusqu'à la bouillie destructurée du post-modernisme (Lyotard, Derrida). La pensée de Marx, de part son style, s'est vue associée à la phénoménologie, à l'existentialisme (années 50) représenté par Jean-Paul Sartre (qui fut un « compagnon de route » du PC, et voyait dans le marxisme « l'horizon indépassable de [son] temps »), à Nietzsche (notamment avec Michel Foucault), à Freud dans le freudo-marxisme de Erich Fromm] ou Herbert Marcuse ; son holisme en faisait un précurseur du structuralisme (années 1960).

La réception de la pensée de Marx dans la sociologie française a été notamment abordée selon trois points de vue et/ou postures :

  • diachronique (Daniel Lindenberg], Le marxisme introuvable (1978)) ;
  • généalogique (Jacques Donzelot], L'invention du social (1984)) ;
  • synchronique (Pierre Ansart], Les sociologies contemporaines (1990))

Économie

Alors que dès les années 1920, l'impossibilité du socialisme et du marxisme était connue, celui-ci a largement impacté la science économique

  • De nombreux « économistes » marxistes ou marxistant ont tenté de proposer des modèles économiques rendant le marxisme réalisable, comme le socialisme de marché d'Oskar Lange. Ces tentatives furent discréditées par Friedrich Hayek
  • D'un certain point de vue, s'il se disait lui-même « libéral » (au sens états-unien), Keynes est assimilable à un économiste marxisant, partageant plusieurs traits communs avec les économistes marxistes, que les keynésiens de gauche exploiteront: analyse macro-économique analysant des comportements de groupes, critique de la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say, interventionnisme étatique (mais servant à sauver le capitalisme, non à l'abolir), analyses sur la plus-value parallèles à celle de Marx, réhabilitation de la valeur-travail par Piero Sraffa.
  • L'économiste marxiste Rudolf Hilferding, dans Das Finanzcapital (Le capital financier), 1910 : pour lui, on avait affaire à l'avènement d'une nouvelle phase du développement capitaliste caractérisée par le contrôle du capital industriel par le capital bancaire. Hilferding voyait dans l'avènement du capital financier une étape vers la socialisation de la production, et dans l'expropriation de ce capital par l'État un passage au socialisme, d'où l'importance du contrôle des capitaux financiers par les états.

Histoire du marxisme

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Courants intellectuels pluridisciplinaires

  • le Marxisme analytique : Jon Elster, Philippe van Parijs formulent une tentative d'appréhender la pensée de Marx à partir de la philosophie analytique, qui a connue son apogée au milieu des années 1980 mais a été abandonnée au début des années 1990. On en retiendra que tout en voulant incarner un "Non-Bullshit Marxism", Cohen avait validé, dans un livre datant de 1978, les principaux concepts économiques de Marx, avant que Jon Elster, dans Making Sens of Marx en 1985, se basant sur l'individualisme méthodologique ne puisse que rejeter la pensée marxienne à cause de son hégélianisme, son holisme et son fonctionnalisme.
  • l'Internationale situationniste : Guy Debord, Raoul Vaneigem élaborent une organisation révolutionnaire désireuse d'en finir avec la société de classes en tant que système oppressif et de combattre le système idéologique de la civilisation occidentale : la domination capitaliste. L'IS était, au niveau des idées développées, issue de différents mouvements révolutionnaires apparus depuis le XIXe siècle, notamment de la pensée marxiste d'Anton Pannekoek, de Rosa Luxemburg[3], de Georg Lukacs ainsi que du communisme de conseil, et pouvait être apparentée à un groupe d'ultra-gauche, tout en étant également l'expression de la volonté de dépassement des tentatives révolutionnaires des avant-gardes artistiques de la première moitié du XXe siècle, le dadaïsme, le surréalisme et, dans une moindre mesure, le lettrisme.
  • « Socialisme ou barbarie » : Cornelius Castoriadis, Claude Lefort animent un groupe d'extrême-gauche, tirant son nom d'une formule de Rosa Luxemburg, et qui a édité une revue du même nom de 1949 à 1965, où il combattait le stalinisme sous toutes ses formes, et développait un marxisme anti-dogmatique. Il considérait le système de l'URSS et de tous les pays dits « socialistes » comme un Capitalisme d'État « trompeusement intitulé "socialiste", où les dirigeants de l’État et de l’économie prennent la place des patrons privés cependant que la situation réelle du travailleur reste inchangée ». Debord en a été membre en 1960-61.
  • l'École de Francfort : (1ère génération: Théodore Adorno, Walter Benjamin, Max Horckheimer - 2ème: Jürgen Habermas. De 1925 à 1933, leur projet est de faire l'analyse critique des sciences sociales dans une perspective néo-marxiste, puis ils se penchent sur l'apparition de la culture de masse dans les sociétés modernes. Ils serviront de modèles aux critiques de la société de consommation des années 1960 : Guy Debord, Jean Baudrillard.

Science

De 1930 à 1963, Lyssenko, technicien agricole, réussit à imposer en Union Soviétique (donc dans les Partis Communistes occidentaux), une théorie non-scientifique rejetant le principe des gènes et amplifiant grossièrement la ligne de la thèse de Lamarck sur la transmission des caractères acquis en l'accordant avec l'idéologie marxiste basée sur le concept de la malléabilité de la nature humaine. Pendant la guerre froide, le lyssenkisme, massivement appuyée par l'appareil des partis communistes locaux, connut également ses heures de gloire en Occident. À la fin des années 40, on voit apparaître la fameuse théorie des deux sciences : « La science bourgeoise, fausse par essence, et la science prolétarienne, vraie par définition ». C'est à cette époque de terrorisme intellectuel que le PCF s'en prend, entre autres, au « trotskyste Jacques Monod ». Selon le PC, la théorie de Mendel est raciste et la génétique mène au nazisme.

« Nous ne saurions traiter ces aberrations, si incroyables qu'elles paraissent, comme de simples accidents, des sous-produits du système qui n'auraient rien à voir avec le caractère essentiel du totalitarisme. (...) Elles dérivent du même désir de voir diriger chaque chose par « une conception d'ensemble du tout ». Il s'agit toujours de l'idée générale selon laquelle les connaissances et les croyances des hommes doivent servir d'instrument pour la réalisation d'un but unique. Du moment que la science doit servir non pas la vérité, mais les intérêts d'une classe, d'une communauté, d'un État, la seule tâche qui incombe aux démonstrations et aux discussions est de soutenir et de répandre les croyances qui dirigent toute la vie de la communauté. »
    — Friedrich Hayek, La Route de la servitude, chap. XI

Art

Le réalisme soviétique

Marx et Engels n'ont pas laissé d'esthétique. Très vite, alors que l'image du génie incompris, solitaire et révolutionnaire dans l'âme est abandonnée aux anarchistes libertaires, Lénine, voulant rompre avec la futilité bourgeoise de « l'art pour l'art », transforme les artistes libres en ingénieur-soldats du beau, et transforme l'art en un simple instrument de propagande. Ou une militarisation de cet art social qui avait préexisté comme cri compassionnel chez Hugo, Courbet, Dickens ou Zola. Le réalisme socialiste (ou réalisme socialiste soviétique des russes aura son pendant en Chine, où les artistes sont contrôlés, réprimés, censurés et parfois condamnés, au gré des revirements idéologiques, pour des crimes que les pères du peuple leur avaient commandé hier. Antonio Gramsci sera le grand théoricien de la propagande diffuse mais permanente et Bertolt Brecht engagera volontairement ses pièces quand de nombreux marxistes n'imagineront plus la possibilité, ni morale ni même humaine (cf. Pierre Bourdieu) d'un art non-engagé.

Sans aller jusqu'au marxisme folklorique que constitue le cheguevarisme adolescent ou l'Ostalgie allemande, dont l'image est beaucoup plus proche de l'anarchisme libertaire et du socialisme utopique que d’un véritable militantisme marxiste, et dont on peut se demander s’il constitue une banalisation dangereuse de l'oppression ainsi lénifiée ou l’ironique récupération, par la toute-puissante société de consommation, de leur image, la question est posée de savoir si certaines pratiques artistiques révolutionnaires comme le dadaïsme, le surréalisme et, dans une moindre mesure, le lettrisme, que leur auteurs voulaient marxistes n'ont pas, en essayant de s'affranchir de l'art militant, été dans la continuité de « l'art bourgeois », pourtant honni, reconnaissant de fait que, tout comme la centralisation économique conduit à la famine, la gestion étatique (subventions, commandes, entretien des artistes) de l'art mène à la propagande, au clientélisme ou à la sclérose.

Le marxisme en tant que praxis

Les racines idéologiques des régimes marxisants

Si, à proprement parler le marxisme ne peut être antérieur aux écrits de Marx, il faut remarquer que les incarnations pratiques des idées marxiennes sont des avatars modernes de régimes déjà éprouvés dans l'Histoire: l'organisation militariste héritée de Lénine dans la Sparte de Lycurgue (dont Platon était un admirateur) ou la France robespierriste, la centralisation dans le constructivisme de Saint-Simon ou d'Auguste Comte, alors que les marxistes dissidents (anarchisants) n'ont pas totalement rompus avec les « socialistes utopiques » que fustigait Marx (More, Fourier, Campanella, Owen).[4]

Les Internationales

La Ière Internationale est à ses débuts divisée entre marxistes et anarchistes (Élisée Reclus, Mikhail Bakounine). Pour cette raison, elle explose en 1872 (pour cause d'exclusion des anarchistes avec l'accord de Karl Marx). Par la suite, seuls les anarcho-syndicalistes continueront à se réclamer de la Ière Internationale. Parmi les autres figures de l'anarchisme on peut citer Pierre-Joseph Proudhon et P.A. Kropotkin.

L'Internationale ouvrière fut fondée, à l'initiative notamment de Friedrich Engels, par les partis socialistes d'Europe lors du Congrès de Paris en juillet 1889 ; elle est aussi connue sous le nom de IIe Internationale, ou Internationale socialiste. Elle milite jusqu'au début du XXe siècle sur les bases du marxisme, mais certains courants se développent à sa droite, prêchant l'abandon du principe révolutionnaire et recommandant de privilégier le parlementarisme (réformisme). Au cours du XXe siècle, les différents partis socialistes reconstituant la IIe Internationale ont progressivement évolué vers des positions sociales-démocrates, passant de la lutte contre le capitalisme à sa gestion. (Eduard Bernstein, Karl Kautsky)

L'Internationale communiste (Komintern d'après l’abréviation en russe) ou IIIe Internationale, regroupe l'ensemble des partis communistes et était dirigée par le Parti communiste d'Union soviétique avant l'implosion de l'URSS. Un tournant autoritaire apparaît en 1921 avec l'exclusion de nombreux militants de la gauche de l'Internationale (Anton Pannekoek, Herman Gorter…). Après avoir lui aussi été exclu du Parti communiste d'Union soviétique par Staline, Léon Trotsky fonde en 1938 la IVe Internationale.

On notera aussi, dans la série des excommunions mutuelles, à partir des années 60, la rupture sino-soviétique, Mao Zedong et la République populaire de Chine se revendiquant de Staline.

Courants politiques marxistes

Il en existe trois grands types: révisionnistes socio-démocrates (jusqu'en 1950), autoritaire et démocratique.

La Social-démocratie

Initialement, la social-démocratie est une appellation du mouvement socialiste international, et en particulier de la IIe Internationale. Il s'agit donc à la base d'un mouvement marxiste. Mais une différenciation s'effectue entre ceux qui acceptent de participer à la guerre 1ère Guerre Mondiale (les socio-démocrates, « social-chauvins »), et ceux qui s'y refusent (les communistes). Le clivage va aller en s'intensifiant, le réformisme des uns (comme Eduard Bernstein, puis Karl Kautsky dès 1917), prônant la participation avec les gouvernements bourgeois et l'abolition progressive du capitalisme sans rupture violente et au nom du réalisme, s'opposant aux méthodes révolutionnaires, ainsi qu'à la dictature du prolétariat. Dans les années 50, la social-démocratie abandonnera toute référence explicite au marxisme, bien que sous de nombreux aspects, elle en reste l'héritière.

Courants autoritaires

Les courants marxistes autoritaires sont les seuls à avoir été au pouvoir, les courants démocratiques n'ayant jamais séduit l'électorat.

  • Le Marxisme-Léninisme est la pensée héritée de Lénine et l'adaptation et l'interprétation que celui-ci a fait des concepts de Karl Marx, voire la position que Lénine aurait pu prendre s'il avait été confronté à des situations postérieures à sa mort, sur la base d'une exégèse de sa pensée. L'apport essentiel de Lénine est l'idée que le prolétariat ne sait pas ce qui est bon pour lui et que seul le parti peut le guider vers son émancipation.
  • Le Stalinisme: Si c'est essentiellement une pratique (appliquée dans les États du bloc communiste sous l'ère de Staline, il a néanmoins une composante idéologique, puisée du léninisme, caractérisée par : un État fort dirigé dictatorialement par le premier secrétaire du Parti, l'Infaillibilité du Chef et le culte de la personnalité de celui-ci, la théorie du « socialisme dans un seul pays », une exaltation du travail allant jusqu'au fanatisme culminant dans la doctrine du stakhanovisme.
  • Le Maoïsme : Idéologie développée en Chine depuis la victoire du Parti communiste chinois en 1949, par son leader, Mao Zedong. Fondé en théorie sur les écrits des « pères » du communisme (Marx et Engels), héritier chinoise du stalinisme, le maoïsme présente cependant certaines caractéristiques qui le relient à la pensée, à la culture et à l'histoire de la Chine. Après les révélations sur les crimes du stalinisme, l'idéologie maoïste a été parfois considérée comme un recours par certains intellectuels de gauche en Occident et dans des pays du Tiers-Monde. Après les références maoïstes des soixante-huitards, aujourd'hui encore, et notablement au Népal, des guérillas armées s'en réclament.
  • Le Castrisme : Pratique gouvernementale développée par Fidel Castro et Che Guevara, qui n'apporte pas vraiment de théorisation nouvelle, sinon une systématisation des nationalisations, alimentée par la xénophobie et la lutte anti-impérialiste (notamment contre les USA), les étrangers étant accusés de piller le pays et de déposséder les autochtones de richesses qui leur reviennent. On y retrouve la même « organisation de l'enthousiasme » (Élie Halévy) que dans les totalitarismes, reposant sur une mise-en-scène du chef et un paternalisme séducteur. Hugo Chávez puis Nicolas Maduro (Venezuela) et Evo Morales (Bolivie) (ce dernier insistant sur la thématique ethnique) s'en réclament aujourd'hui encore.

Courants démocratiques

  • Le Communisme de conseil : Anton Pannekoek, Karl Korsch, Maximilien Rubel, Cornelius Castoriadis et Claude Lefort (animateurs de « Socialisme ou Barbarie »), Guy Debord et Raoul Vaneigem de l'Internationale Situationniste. Courant marxiste antiléniniste, il se réclame des conseils ouvriers (ou « soviets »), tels qu'ils existèrent en Allemagne en novembre et décembre 1918. Ces assemblées réunissant l'ensemble des prolétaires, doivent diriger la révolution (et non le seul Parti comme le voulait Lénine) sous une forme de démocratie directe. Les « conseillistes » rejettent les syndicats, considérés comme des structures réformistes, refusent de participer aux élections ou de soutenir les luttes de « libération nationale », et s'opposent parfois à l'antifascisme qui, en oubliant la lutte des classes, ferait de fait une sorte d'alliance avec la bourgeoisie.
  • Le Luxembourgisme : Rosa Luxembourg. Ce courant issu du mouvement ouvrier allemand, marxiste et révolutionnaire, s'est caractérisé par son refus total de la guerre en 1914, sa défense de la politique communiste, son attachement à la démocratie ouvrière (notamment contre la vision « militarisée » du parti selon Lénine). Ce courant défend notamment la conception de Karl Marx disant que « l'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes ».
  • Le Marxisme libertaire
  • Le Marxisme autonome : Cette appellation désigne un certain nombre de courants marxistes, d'origines différentes mais dont les conclusions convergent et mettent l'accent sur le mouvement autonome de la classe ouvrière: « Socialisme ou barbarie » (France), Opéraïsme (Italie), courant marxiste-humaniste (USA), Communisme-ouvrier (Iran et Irak, dès 1978).

Le marxisme dans les faits

La théorie de Karl Marx a servi de base à l’exercice d’une domination par des dictatures à l'économie planifiée déclarant viser l’instauration du communisme. Dans l'histoire du XXe siècle, le marxisme s'est installé dans de nombreuses régions du monde dont l'URSS (1922 - 1991), le Bloc de l'Est (1945 - 1989), la Corée du Nord (depuis 1946), la Chine (depuis 1949 malgré une évolution vers un socialisme de marché), Cuba (depuis 1959 malgré un abandon de facto du marxisme), le Chili sous la présidence de Salvador Allende (1970 - 1973), etc.

Pays communistes durant le XXe siècle
  • La République socialiste du Viêt Nam (1973- ?) : sur 20 000 français et viêtnamiens capturés lors de l'offensive de Dien Bien Phu, 9 000 miraculés survivront aux traitements inhumains des communistes vietminh. La répression du régime d'Ho Chi Minh n'épargnera ni les paysans (50 00 seront exécutés lors de la réforme agraire de 1954) ni les religieux systématiquement persécutés. Après la victoire communiste en 1975 contre les américains, 500 000 cadres et fonctionnaires sud-viêtnamiens sont envoyés dans des camps dont beaucoup ne reviendront pas.
  • Le Cambodge des Khmers rouges, (1975 - 1979) : Le régime maoïste de Pol Pot a abouti à un génocide cauchemardesque. Déportation entière de la population de Phnom Penh, réduction en esclavage des citadins, épuration impitoyable des éléments pro-vietnamiens et royalistes, massacre des cambodgiens jugés réfractaires au régime. Durant cinq ans, 2 millions de personnes sont exécutées, soit près d'un quart de la population khmère.
  • La République populaire démocratique du Laos : Régime de parti unique, il a provoqué l'exil d'environ 300 000 personnes, soit 10% de la population, opprime l'ethnie Hmong, et est un pays les plus pauvre du monde à cause de son modèle économique fermé et passéiste.
  • La République bolivarienne du Venezuela, sous la présidence d'Hugo Chávez puis de Nicolas Maduro (1998-?)
  • La République de Bolivie, sous la présidence d'Evo Morales (2006 - 2020)
  • Afrique
Les régimes marxistes étaient-ils fidèles à Marx ?

Des siècles (La Boétie) et des décennies (cf. Herbert Spencer, Maurice Bourguin, Ludwig von Mises, Friedrich von Hayek) avant la « découverte » du caractère nécessairement militariste, tyrannique et totalitaire des régimes collectivistes, ainsi que la totale inefficacité économique de leur centralisation de l'information et du pouvoir (mais toujours bien moins stérile que la démocratie directe des conseillistes, qui n'ont jamais réussi qu'à se diviser), contrastant avec la terrible efficacité de la répression politico-policière, les libéraux et tous les hommes de bon sens, mettaient en garde les hommes de bonne volonté. Et ce d'autant plus que toutes les horreurs du XXe siècle étaient contenus dans les textes du père fondateur de la nébuleuse mortifère, la brutale réalité cotoyant l'enchantement des formules pieuses. (cf. les mesures à prendre d'après le Manifeste du Parti communiste).

Après la Chute

Après la déroute spectaculaire du modèle soviétique, et la gangrène prononcée du deuxième phare de la politique mondiale se soignant de l'horreur maoïste grâce à de fortes de doses de libéralisation économique, les marxistes ont le choix entre:

  • refuser l'héritage, apostasier et essayer de s'allier à la social-démocratie (qui elle-même essaye de se raccrocher au libéralisme). Peu le font.
  • pratiquer la fuite, y croire encore en opérant une dissociation terminologique entre « capitalisme d'État » et communisme, expliquant que nous avons connu l'un et pas l'autre, encore à venir, toujours à venir, mais comment ? Les voies du communisme sont impénétrables même après la lecture matérial-historique de Marx, et que là où Lénine, Staline, Castro et autres n'ont pas réussi de nouveaux réussiront... L'alter-mondialisme inconséquent et déjà déchiré, est-il le nouveau phare marxiste du XXIe siècle, ou une nième comète qui ne saura que s'écraser dans le vide ?
  • dénigrer le libéralisme, boite de Pandore de tous les penseurs en mal de raisonnement (Vivianne Forrester), et ne se proposer que comme posture morale bien incapable de donner un programme réaliste, trouver des excuses géopolitiques (évidemment la Suisse, Andorre, le Luxembourg, etc. avaient bien plus d'atouts que l'URSS, le bloc de l'Est et la Chine !), imputer ceci au stade de développement (armée d'une si bonne théorie, ne fallait-il pas attendre, alors ? Choisir un autre pays ? Laisser le capitalisme s'effondrer ?), dénoncer des complots (bien sûr le KGB n'a jamais existé face à la CIA, l'instrumentation des petits pays n'a été le fait que d'un seul bloc, et dans la lutte que se sont livrés l'URSS et les USA, il n'y a rien à tirer de la chute de l'un et de la survie tel quel de l'autre...)

Terrorisme et activités révolutionnaires

La violence et le mépris de la vie individuelle sacrifiée sur l'autel de la Cause, se manifeste encore dans l'activité des organisations terroristes d'inspiration socialistes qui sévissent:

  • en Europe :

Durant ce qu'on a appelé les « années de plomb », de nombreux groupuscules ont repris l'idéologie de la « propagande par le fait » prônée par certains militants anarchistes de gauche, lors des deux dernières décennies du XXe siècle: Action Directe en France, la Fraction Armée Rouge ou (« bande à Baader ») en RFA, les Brigades Rouges en Italie, Devrimci Sol en Turquie, 17-Novembre en Grèce, les Cellules communistes combattantes en Belgique, Euskadi ta askatazuna (ETA) au Pays Basque.
Aujourd’hui, des partis trotskistes comme la LCR / NPA ou Lutte Ouvrière n’hésitent pas à prôner une coercition despotique (interdiction de licencier, par exemple) pouvant aller jusqu’à la violence armée en cas de besoin.

  • en Amérique du Sud: les FARC en Colombie (1964-?).
  • en Asie: Sekigunha au Japon (faction armée rouge japonaise).
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Erreur antilibérale : « le libéralisme a été la matrice du marxisme »

Le marxisme est parfois présenté comme héritier du libéralisme. Karl Marx a effectivement tiré certains concepts et certaines analyses des libéraux classiques pour les intégrer dans son système néo-hégélien. Il admirait Adam Smith et David Ricardo, mais s'est également discrètement inspiré des libéraux français de la Restauration comme Charles Dunoyer, Charles Comte et Augustin Thierry. Il existe chez Marx certains textes où il fait l'éloge du capitalisme, comme moteur de la transition historique entre l'État féodal et l'État socialiste. Marx reconnaît que le capitalisme a permis l'émergence du prolétariat. Le concept de lutte des classes est également d'origine libérale, mais Marx lui donne une signification nouvelle, clairement anticapitaliste. En revanche, la haine des droits de l'homme et du libéralisme politique est une constante dans son œuvre.

En fait l'équivalence libéralisme-marxisme est une vieille thématique nationale-socialiste, qui voyait dans l'internationalisme l'essence du marxisme, les aspects économiques passant au second plan. Or pour les nationalistes hitlériens, cet internationalisme était un élément commun entre le marxisme et le capitalisme libéral. C'est pourquoi ils ont développé toute une propagande autour de cette ligne, selon laquelle il existait dans « la guerre des races » à venir, une alliance objective entre les marxistes et les libéraux, tous au service du grand capital juif, de la finance internationale, bref, des nouveaux maîtres du monde. Cette thématique du « libéralisme comme matrice du marxisme » peut aujourd'hui sembler étonnante, mais ce discours à l'époque a séduit de nombreux marxistes, ralliés au mouvement national-socialiste, persuadés que les bolchéviques étaient complices des juifs et du capitalisme.

D'autre part, dans cette idéologie, le marxisme portait en lui les germes de la démocratie, c'est-à-dire de la destruction de l'ordre, du commandement et de la hiérarchie militaires.

Pour les théoriciens du NSDAP, que ce soit sur son aile gauche (Strasser) ou sur son aile droite (Rosenberg), le socialisme devait être expurgé de sa gangue marxiste, internationaliste et libérale, pour fabriquer le vrai socialisme, purement national et racial.

Quelques citations révélatrices :

« Je recommençai à étudier ; j'arrivai à comprendre le contenu et l'intention du travail de (...) Karl Marx. Son Capital me devint maintenant parfaitement compréhensible, comme la lutte de la social-démocratie contre l'économie nationale, lutte qui devait préparer le terrain pour la domination du capital véritablement international et juif de la finance et de la bourse. »
    — Adolf Hitler, Mein Kampf

« L'internationalisation de la fortune allemande avait été déjà mise en train par le détour de l'usage des actions. A vrai dire, une partie de l'industrie allemande essayait encore, avec un esprit de décision, de se protéger contre cette destinée, mais elle finit par succomber, victime de l'attaque combinée de ce système de capitalisme envahisseur qui menait ce combat avec l'aide toute spéciale de son associé le plus fidèle, le mouvement marxiste. »
    — Adolf Hitler, Mein Kampf

« Les nationaux allemands faisaient courir le bruit que nous n'étions au fond qu'une variété du marxisme, que nous n'étions que des socialistes larvés. Car ces têtes dures n'ont pas compris jusqu'à ce jour la différence entre le vrai socialisme et le marxisme »
    — Adolf Hitler, Mein Kampf

« Nous prendrons à droite le nationalisme sans le capitalisme auquel il est en général lié et à gauche le socialisme sans l'internationalisme marxiste qui est un leurre (...) Le national-socialisme devra être surtout un socialisme. »
    — Otto Strasser, idéologue nazi

« Nous approuvons la lutte des peuples opprimés contre les usurpateurs et les exploiteurs, car notre idée du nationalisme implique que le droit à l'épanouissement de l'identité des peuples que nous réclamons pour nous-mêmes s'applique également aux autres peuples et aux autres nations. Nous ignorons en effet la notion libérale des "bienfaits de la civilisation". Le national-socialisme est surtout à nos yeux l'antithèse du capitalisme international. Il entend instaurer le socialisme dont l'idée fut trahie par le marxisme, édifier une économie de type collectif gérée par la nation au profit de la nation, briser la domination de l'argent sur le travail, qui empêche l'épanouissement de l'âme d'un peuple et la constitution d'une véritable communauté populaire. »
    — Otto Strasser, Textes fondateurs du Front Noir

Citations

  • « Les marxistes ont correctement décelé comment les lois protègent la classe dominante, prédatrice, aujourd’hui celle des hommes de l’État. Mais le matérialisme de Marx lui a caché l’enjeu au-delà de la lutte des classes : les législations sont la manifestation du Mal dans le monde. Suprême ruse diabolique, les législations institutionnalisent le Mal en lui donnant l’apparence du Bien. » (Christian Michel[5])
  • « La pensée de Marx est en grande partie dépassée parce que la situation actuelle n'est plus celle de l'Europe de son époque. Le capital potentiel n'est plus le privilège d'un petit nombre. Après la mort de Marx, l'Occident a enfin réussi à établir un cadre juridique ouvrant l'accès à la propriété et aux moyens de production à la plupart des gens. Marx serait probablement très étonné de voir que, dans les pays en voie de développement, une grande partie des masses fourmillantes est formée non de prolétaires opprimés légaux, mais de petits entrepreneurs opprimés extralégaux possédant une quantité de biens appréciable. » (Hernando de Soto, Le Mystère du Capital)
  • « La grande complexité du marxisme peut se résumer en une phrase : "on a raison de se révolter". » (Mao Tsé-Toung)
  • « Cette théorie - fausse car incompatible avec la réalité humaine - avait pris au XXe siècle un tel empire sur les esprits qu'elle était devenue la référence obligée, le modèle absolu de l'idéologie. Nous avons maintenant la preuve expérimentale de son incohérence, ce qui devrait satisfaire ceux pour qui les instruments de la seule raison ne sont pas suffisants. Mais dans leur désillusion et pour masquer leur faillite intellectuelle, ils préfèrent proclamer la mort des idéologies, bien que dans le mot « idéologie » il y ait ce beau mot d'idée. » (Pascal Salin, Libéralisme, 2000)
  • « Quant à l’influence du marxisme, elle provient elle-même pour une bonne part de ce qu’il a donné une apparence savante et par suite une légitimité à un schéma explicatif éternel : la théorie du complot (conspiracy theory). Selon cette théorie, tous les maux qu’on peut observer dans les sociétés seraient dus à un complot des puissants, lesquels dissimuleraient leurs desseins égoïstes sous de nobles intentions. » (Raymond Boudon, Pourquoi les intellectuels n'aiment pas le libéralisme, 2004)
  • « Le marxisme, de façon unique parmi les philosophies politiques, s’est défini lui même comme une science. Pour ses adhérents, ses propositions ne sont pas spéculatives mais empiriques. En tant que bon hégélien, Marx voyait ses prévisions comme faisant partie d’un processus historique inexorable. Et pourtant, elles se sont toutes - toutes - révélées fausses. » (Daniel Hannan[6])
  • « Tout en bannissant impitoyablement tous les systèmes idéalistes et toutes les illusions, le marxisme, mis en pratique, a lui-même créé de nouvelles chimères qui ne sont ni moins douteuses, ni moins indémontrables que les anciennes. » (Sigmund Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, 1932)
  • « L'exploitation marxiste, c'est l'exploitation de l'incompréhension du peuple en matière d'économie. » (Robert Nozick)
  • « Le plus grand reproche que l'on puisse faire aujourd'hui au marxisme c'est d'avoir, par ses erreurs, ses crimes et son effondrement final, presque complètement discrédité une vision conflictuelle de l'histoire sociale et une dénonciation des classes exploiteuses, qui seraient pourtant plus pertinentes et plus urgentes que jamais. Cette analyse de classe, cette dénonciation des exploiteurs appartiennent à la tradition de la liberté naturelle. » (François Guillaumat)
  • « L'harmonie sociale que voulait créer Karl Marx s'est traduite par la mort de 61,9 millions d'individus. Comme tant d'autres aujourd’hui, Marx pensait que le marché n'était que du gaspillage sous prétexte que la production n'est pas planifiée rationnellement. Comme l'explique Ludwig von Mises, le socialisme est par nature condamné à l'échec. L'abolition de la propriété et du mécanisme de prix rend le calcul économique impossible. » (Emmanuel Garessus, 27 novembre 2017)
  • « Marx prophétise : premièrement, la misère croissante des travailleurs ; deuxièmement, la “concentration” générale, avec la disparition de la classe des artisans et des paysans ; troisièmement, l’effondrement catastrophique du capitalisme. Rien de tout cela ne s’est produit. » (Werner Sombart, Capitalisme moderne, 1902)

Notes et références

  1. Voir l'opposition actuelle entre philosophie continentale et philosophie analytique, alimentée par la controverse des impostures intellectuelles, comme on opposerait, très schématiquement, les « maîtres du soupçon », la poétique heideggérienne et le postmodernisme qui en est l'héritier, à un esprit plus scientifique des Anglo-saxons.
  2. Raymond Aron, « La lecture pseudo-structuraliste de Marx » (1967), I, dans Marxismes imaginaires
  3. Rosa Luxemburg était une économiste politique révolutionnaire. Elle a présenté sa théorie de l'accumulation du capital, critiquant la société capitaliste et prônant la révolution socialiste
  4. Consulter à ce propos Nemo, 2002, Troisième partie: "les adversaires de la tradition démocratique et libérale. I. la gauche".
  5. Doit-on obéissance aux lois de son pays ?
  6. Karl Marx a eu tort sur tout, 13 août 2012

Voir aussi

Bibliographie

  • 1955, Raymond Aron, L'Opium des intellectuels
  • 1956, Raymond Aron, « Le fanatisme, la prudence et la foi » dans Marxismes imaginaires
  • 1974, Alexandre Soljenitsyne, L'Archipel du Goulag
  • 1982, Gérard Bensussan et Georges Labica, Dictionnaire critique du marxisme (abr. DCM), PUF/Quadrige, 3ème éd., 1999, ISBN 2130498728
  • 1985, Luc Ferry et Alain Renaut, La pensée 68
  • 1987, Leszek Kołakowski, Histoire du marxisme, 3 vol., Fayard
    • Une fresque complète des courants marxistes, dont il manque malheureusement le 3ème tome dans la traduction française. (Volume 1 : Les fondateurs Marx, Engels et les prédécesseurs; Volume 2 : L'age d'or de Kautsky à Lénine)
  • 1989, Alain Finkielkraut, La défaite de la pensée
  • 1993, David L. Prychitko, "Marxism", In David R. Henderson, dir., "The Fortune Encyclopedia of Economics: 141 Top Economists Explain the Theories, Mechanics, and Institutions of Money, Trade, and Markets", New York: Time-Warner Books, Inc., pp123-128
  • 1997, Jaques Droz (dir.), Histoire générale du socialisme, 4 vol., PUF/Quadrige, ISBN 213048428X
  • 2000, Collectif, Le Livre noir du communisme, Acheter sur Amazon
  • 2001, Kostas Papaioannou, Marx et les marxistes, Gallimard/Tel, 2001
    • Recueil de textes, que Raymond Aron jugeait "admirable". Présentant, d'abord un tableau complet et nuancé de la pensée de Marx et d'Engels, l'auteur montre ensuite comment cette pensée mutilée ou déformée est devenue méconnaissable. Ecrit antimarxiste-léniniste, fidèle à une inspiration de Marx.
  • 2002,
    • Philippe Nemo, Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains, Troisième partie, et not. chap. 6 et 7, ISBN 2130531636
      • Très intéressant ouvrage contenant, outre une présentation synthétique de nombreuses pensées politiques, des notes très hayékiennes. Un livre qui devrait être présent dans la bibliothèque de tout honnête homme.
    • Stéphane Courtois (dir.), Du passé faisons table rase ! Histoire et mémoire du communisme en Europe

Liens externes


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