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Erreur

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L'erreur désigne ordinairement le fait de se tromper, de tenir pour vrai ce qui est faux et inversement, ce qui conduit à des choix erronés. Elle est imputable à l'ignorance ou à l'étourderie.

L’erreur est un élément essentiel de la théorie libérale et évolutionniste. Son analyse peut se réaliser soit sur le plan institutionnel, soit dans le cadre des règles de management.

L'erreur sous l'angle de l'institutionnalisation

Les libéraux reconnaissent le rôle inévitable de l'erreur dans le processus normal de l'évolution et, plutôt que de proposer une solution idéale comme les constructivistes, ils proposent de donner à la société un cadre qui permette ces erreurs et leurs corrections. Ainsi, par essais et erreurs (trial and error dans le vocabulaire de Popper), les individus, qui constituent la société, peuvent perfectionner progressivement leurs actions. L'utilisation des techniques discursives et de la communication permet quelquefois à des entrepreneurs institutionnels de dés-instutionnaliser l'erreur comme échec et faillite pour la rendre positive et prospective. Par exemple, à ceux qui le critiquaient sur ses progrès dans sa recherche de la lampe électrique à incandescence, l'inventeur Thomas A. Edison, leur répondait : « Oh non, je n'ai pas échoué 5 000 fois. J'ai réussi à trouver 5 000 façons différentes où il est impossible de construire une ampoule ». Le Prix Nobel d'économie Friedrich Hayek tenait un discours proche dans Droit, législation et liberté, quand il déclarait : « La concurrence est précieuse précisément parce qu’elle constitue une méthode de découverte, dont nous n’aurions pas besoin si ses résultats pouvaient être prédits. » Parce que l'on ne sait pas quelle est la conclusion, on doit laisser le process d'essai et d'erreur être mené.

Dans l'exemple des marchés financiers, il est impératif de laisser la « spéculation » avoir lieu : Si le prix du marché est manifestement trop bas, ceux qui s'en rendront compte achèteront et feront ainsi remonter le prix à un niveau plus élevé. Ce rôle essentiel du processus d'essais et d'erreurs a été reconnu par les théoriciens du socialisme de marché dans le débat sur le calcul économique en régime socialiste. Si l'on supprime le fonctionnement du marché, l'État doit mimer ce fonctionnement pour essayer d'obtenir le même résultat selon H. D. Dickinson ou Oskar Lange.

Les libéraux ne prétendent pas apporter une solution clef en main à tous les problèmes de l'humanité. Cette solution, si tant est qu'elle existe, ne pourrait sûrement pas être découverte par un organisme central qui « gèrerait » la société toute entière ou par une classe sociale « pionnière ». Prêter cette intention utopique aux libéraux en comparant avec les lendemains qui chantent du marxisme est donc une erreur fondamentale. Les libéraux ne font « que » défendre une société dans laquelle l'identification et la correction de l'erreur soient aisés, une société ouverte donc. Après tout, comme l'exprimait le philosophe Alain : « L'erreur est un bon commencement pour la réflexion. »[1]

L'erreur dans la théorie du management

En théorie du management, les erreurs sont également étudiées soient parce qu'elles proviennent de décisions absurdes[2] ou de la difficulté de discerner les informations ordinaires des informations extraordinaires[3] pour une bonne prise de décision. L’approche psycho-sociologique des pièges de la décision[4] s'interroge sur les fondements humains de l'erreur particulièrement pour les chefs d'entreprises des grands groupes[5]. Confrontés à une palette large de responsabilités, les dirigeants ont quelquefois tendance à commettre l'erreur de perdre du temps[6].

Les travaux de Kurt Lewin[7] fournissent une grille de lecture opérationnelle qui identifie au moins trois grands pièges de la décision : l’effet de gel[8], le piège abscons et le piège du sentiment de liberté.

Inspirés par la philosophie chrétienne d'Ignace de Loyola, fondateur de la compagnie de Jésus, Bernard Bougon et Laurent Falque[9] critiquent la limite des approches classiques de la décision qui ne prend pas véritablement en compte le sujet dans la décision. Le process de prise de décision est une boite noire. Ils entrouvrent cette boîte noire en faisant la distinction entre le choix et la décision. Ils proposent de mettre en œuvre une stratégie de discernement se développant dans un processus de choix en cinq étapes :

  1. Quelle est la question du choix ?
  2. Comment retrouver davantage de libre-arbitre ?
  3. Quel mode de délibération adopter ?
  4. Comment confirmer le choix ?
  5. Comment mettre en œuvre la décision ?

Les auteurs considèrent que le principe de management doit être rigoureux en passant par une approche heuristique comme la construction d'un arbre des choix de façon à décider sur une série d’alternatives en cascade. L'erreur provient principalement de la précipitation dans la délibération. D'où l'application de la réflexion du dirigeant sur sa liberté de choix alternatif. Quel est son libre-arbitre ? Il se peut que l'erreur provienne d'une opacité de la situation, du fait d'un manque d'informations objectives (absence d'items de comparaison) ou des relations d'affect avec d'autres personnes impliquées qui perturbent le jugement. Le discernement implique une mise en garde contre les solutions "allant de soi" et spontanément évidentes car elles peuvent conduire à de graves échecs. Il convient alors de neutraliser ses attracteurs psychologiques internes par la phase de confirmation de choix.

La décision est donc un résultat pour atteindre un ou plusieurs objectifs, une finalité dans la terminologie ignacienne. La prise de décision est ponctuée de points d'ancrage servant de base à chaque étape du processus de délibération. Mais plus le temps de délibération est long et plus la situation change, ce qui perturbe la décision finale. D'où la nécessité de l'apprentissage pour fluidifier et raccourcir les étapes de la décision. Prenons l'exemple d'un navigateur. Le vent peut changer plusieurs fois de direction s'il procrastine ou s'il n'a pas l'apprentissage suffisamment pour suivre toutes les étapes nécessaires de la décision.

L'erreur dans la théorie de l'école autrichienne d'économie

Dans la théorie autrichienne, l'erreur est inhérente à la vie humaine et à la société. L'erreur ne peut pas ne pas exister. Au lieu que le concept de l'erreur soit teinté de caractéristiques négatives, l'erreur est un bienfait pour l'humanité. Le premier rôle de l'économiste est d'avertir les hommes et les femmes de la société que nous vivons dans l'erreur, mais que cela n'est pas grave à la condition que le cadre institutionnel puisse permettre de rectifier ces erreurs. L'autre rôle de l'économiste est de rester humble en révélant qu'il n'est pas dans son domaine de compétence d'avertir l'homme politique de construire une nouvelle société sans erreur. Seuls les hommes et les femmes, pour chacun de leur niveau et de leur domaine, peuvent découvrir les erreurs et les rectifier. Comme l'exprime Israel Kirzner[10] :

« Les erreurs sont responsables de ressources utiles qui sont "gaspillées" dans des usages qui fournissent à la société moins de potentiel qu'il ne serait possible de le faire autrement. Un marché libre est un marché dans lequel toute personne qui croit qu'il peut voir une meilleure façon d'utiliser les ressources (alors que ce n'est pas le cas actuellement), est libre de tenter de profiter de sa perspicacité. C'est seulement dans un tel marché qu'il existe un levain qui inspire à la découverte. Toute entrave à la poursuite des opportunités de profit pur, non seulement bloque les tentatives qui auraient pu être utiles socialement, mais beaucoup plus sérieusement, ils coupent l'excitation entrepreneuriale et la vigilance qui sont les seules sources de la découverte de l'erreur. »

Selon Israel Kirzner, il n'y a pas d'endroit où l'erreur ne réside pas, c'est à dire où des ressources ne pourraient pas être utilisées de façon autrement bénéfique. Par conséquent, une économie administrée même partiellement dans ses fonctions régaliennes, est une gigantesque source de découvertes d'erreurs. La correction de ces erreurs ne peut pas être découvertes par le haut, mais par des individus mus par la vigilance et confiants dans le libre marché pour dénicher des opportunités de profit même là où, on lui assure en haut lieu, qu'il n'en existe pas ou qu'il n'est pas autorisé de les découvrir et de les exploiter.

Toutes les tentatives des entrepreneurs pour lancer et faire croître une organisation n'aboutissent pas nécessairement à des succès. Mais, souvent, lorsque l’échec se produit, l’entrepreneur possède l’opportunité d’apprendre de cette expérience. Alors, il améliore ainsi ses chances de succès dans ses prochaines tentatives entrepreneuriales. L'erreur ne se déclare pas d'elle-même dans un répertoire : "nouvelle erreur" découverte. Souvent l'individu est confronté à un conflit socio-cognitif. La situation du marché lui formule des réponses divergentes. C'est par l'intermédiaire du marché, c'est à dire grâce à l'interaction directe et indirecte avec d'autres individus qu'un entrepreneur (tout individu) fait face à un ou à plusieurs problèmes. L'entrepreneur réussit alors à améliorer ses capacités cognitives grâce à ce conflit socio-cognitif qui lui donne la possibilité de modifier son point de vue s'il s'avère erroné. De plus, c'est grâce à sa capacité de s'isoler du monde social, que l'entrepreneur est plus efficace pour concevoir une nouvelle compréhension du monde, sinon il risque de se retrouver dans un boucle de conflit socio-cognitif perpétuelle.

Citations

  • « Le droit naturel comporte et favorise de multiples processus d'auto-régulation et de correction des erreurs. C'est grâce aux erreurs que, dans la nuit de l'ignorance et du doute, les hommes progressent. » (Patrick Simon)
  • « Parce que la liberté économique presse les entrepreneurs à établir des contacts et à réaliser des expérimentations avec leur environnement, elle est la meilleure pour générer la sérendipité. » (Daniel B. Klein)
  • « Il ne faut se cacher ni la tentation du mal ni la part de l'erreur. L'homme n'est pas parfait; mais il est perfectible. Son progrès personnel a sa source dans l'éducation et se forge dans l'expérience. Ce n'est que par la qualité des hommes qu'on pourra approcher, à travers bien des vicissitudes, le progrès de l'humanité entière et l'harmonie naturelle des actions humaines. » (Frédéric Bastiat, Harmonies économiques)
  • « Eh quoi ! Est-il donc si difficile de laisser les hommes essayer, tâtonner, choisir, se tromper, se rectifier, apprendre, se concerter, gouverner leurs propriétés et leurs intérêts, agir pour eux-mêmes à leurs périls et risques, sous leur propre responsabilité ; et ne voit-on pas que c’est ce qui les fait hommes ? Partira-t-on toujours de cette fatale hypothèse, que tous les gouvernants sont des tuteurs et tous les gouvernés des pupilles ? » (Frédéric Bastiat)
  • « Le libéralisme est la méthode de la liberté qui « reconnaît la possibilité de toujours pouvoir tomber dans l’erreur et qui s’attend à ce que d’autres cherchent à découvrir cette erreur et à trouver la bonne voie vers la vérité. [...] [Le libéral] sait que c’est seulement à travers l’erreur que l’on arrive à la vérité ». » (Luigi Einaudi, Scuola e libertà in Predichi inutili).
  • « Punir l'échec est le meilleur moyen pour que personne n'ose. » (Jack Welch, industriel américain)
  • « Une erreur n'est pas une vérité parce qu'elle est partagée par beaucoup de gens, tout comme une vérité n'est pas fausse parce qu'elle est émise par un seul individu. » (Gandhi)
  • « Échouer, c'est avoir la possibilité de recommencer de manière plus intelligente. » (Henry Ford)
  • « Commettez deux fois la même erreur : on ne vous donnera pas raison, mais on vous trouvera des excuses. » (Thomas Szasz)
  • « Nous ne connaissons pas la millionième partie d'un pour-cent de quoi que ce soit. » (Thomas Edison)
  • « La vérité de demain se nourrit de l'erreur d'hier. » (Saint-Exupéry[11])
  • « Le succès, c'est aller d'échec en échec sans jamais perdre son enthousiasme. » (Winston Churchill)
  • « Seule l’erreur a besoin du soutien du gouvernement. La vérité peut se débrouiller toute seule. » (Thomas Jefferson, Notes on Virginia)
  • « La raison et la libre investigation sont les seuls agents efficaces contre l'erreur. » (Thomas Jefferson, Sur les religions acceptées dans l'État, 1782)
  • « Toute preuve s'appuie sur une vérité indémontrée. » (Arthur Schopenhauer)
  • « Les erreurs sont individuelles, les catastrophes sont l'apanage des gouvernements. » (Bill Bonner)
  • « Ce qu'on te reproche, cultive le, c'est toi. » (Jean Cocteau)
  • « Apprendre par l’erreur, c’est bon pour les losers. Se chercher une consolation dans le fait que les erreurs pourraient éventuellement nous enseigner quelque chose n’est qu’une logique stupide inventée par des mortels de rang inférieur cherchant à justifier leurs propres manquements. La seule chose qu’on apprend de ses erreurs, c’est qu’on n’est pas assez bon et qu’il faut faire mieux. Vous devez comprendre que le seul moyen d’apprendre quelque chose, c’est par le succès. » (James Watt, Business for Punks)
  • « La législation ne doit point s'occuper à détruire les erreurs, ni, quand elle détruit les erreurs, à soutenir d'une main ce qu'elle abat de l'autre. Car les erreurs ne doivent se détruire que d'elles-mêmes, et c'est ainsi seulement qu'elles se détruisent par l'examen et par l'expérience ; la législation n'a rien à y voir. » (Benjamin Constant, Commentaire sur l'ouvrage de Filangieri)
  • « Les fausses opinions ressemblent à la fausse monnaie qui est frappée d'abord par de grands coupables et dépensée ensuite par d'honnêtes gens qui perpétuent le crime sans savoir ce qu'ils font. » (Joseph de Maistre)
  • « Je suis persuadé que l'humanité a de tout temps la même somme de folie et de bêtise à dépenser. C'est un capital qui doit fructifier d'une manière ou d'une autre. La question est de savoir si, après tout, les insanités consacrées par le temps ne constituent pas le placement le plus sage qu'un homme puisse faire de sa bêtise. Loin de me réjouir quand je vois s'en aller quelque vieille erreur, je songe à l'erreur nouvelle qui viendra la remplacer, et je me demande avec inquiétude si elle ne sera pas plus incommode ou plus dangereuse que l'autre. A tout bien considérer, les vieux préjugés sont moins funestes que les nouveaux : le temps, en les usant, les a polis et rendus presque innocents. » (Anatole France)

Notes et références

  1. Alain, Propos, 1922
  2. Christian Morel, 2002, Les décisions absurdes, Gallimard, Bibliothèque des Sciences Humaines
  3. Christian Morel, 2007, L’enfer de l’information ordinaire, Gallimard, Bibliothèque des Sciences Humaines
  4. Paul C. Nutt, 2002, Why Decisions Fail : Avoiding the Blunders and Traps That Lead to Debacles, Berrett-Koehler Publishers Inc. San Francisco
  5. Sydney Finkelstein, 2004, Quand les grands patrons se plantent, Éditions d’Organisation
  6. * H. Bruch et S. Ghoshal, 2004, "A bias for action: how effective managers harness their willpower, achieve results and stop wasting time", Boston: Harvard Business School Press
  7. Kurt Lewin, 1951, Field Theory and Social Science, Harper
  8. L’effet de gel consiste dans l'adoption "aveugle" d'une décision sur les principes de similarité d'une décision passée qui a réussie sans remise en question des circonstances, d'où le risque fréquent d'erreurs.
  9. Bernard Bougon et Laurent Falque, 2005, Pratiques de la décision - Développer ses capacités de discernement, Dunod, collection Stratégies et Management
  10. Israel Kirzner, 2011, "The Economics of Greed or the Economics of Purpose", In: Emily Chamlee-Wright, dir., "The Annual Proceedings of the Wealth and Well-Being of Nations, 2010-2011", Vol 3, Beloit College Press, ISBN 978-0-578-02883-5, p28
  11. Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage

Bibliographie

  • 1959, Karl Popper, The Logic of Scientific Discovery, New York: Basic Books
  • 1971, Leonard Read, "Am I Constantly Correcting?", The Freeman, Juin, Vol 21, n°6
  • 1989, Israel Kirzner, Découverte, Capitalisme et justice distributive
  • 2001, Anthony J. Evans et Jeffrey Friedman, "'Search' vs. 'Browse': A Theory of Error Grounded in Radical (Not Rational) Ignorance", Critical Review, Vol 23, n°1-2, pp73-104
  • 2011, M. S. Cardon, C. E. Stevens, D. R. Potter, "Misfortunes or mistakes? Cultural sensemaking of entrepreneurial failure", Journal of Business Venturing, 26(1), pp79-92

Articles connexes


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