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Propriété intellectuelle

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« La propriété intellectuelle : un privilège étatique accordé à certains modèles d'affaires dépassés. » (Per Bylund)

La propriété intellectuelle désigne une exclusivité sur une création de l'esprit. Cela peut notamment porter sur une invention, une marque, un dessin, un modèle industriel, une œuvre littéraire ou artistique (roman, poésie, pièce de théâtre, film, œuvre musicale, œuvre d'art plastique -dessins, peintures, photographies, sculptures-), ou une création architecturale. La forme prise par la protection prend généralement la forme d'un droit d'auteur (ou copyright) ou d'un brevet.

Introduction

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La notion de propriété intellectuelle ne fait pas l'objet d'un consensus parmi les libéraux du point de vue éthique. Les uns considèrent qu'il s'agit comme pour toute propriété de la préservation et de la transmission contractuelle du fruit de son travail. Les autres considèrent qu'il ne s'agit pas réellement de propriété, mais d'un monopole, d'un privilège, ou d'une règlementation limitant la liberté des autres.

En effet, la propriété intellectuelle a des caractéristiques fonctionnelles très différentes de la propriété matérielle. Une propriété intellectuelle (à l'exception des marques et autres signes d'identification ou codes confidentiels) peut être partagée sans qu'elle vienne à manquer à ceux qui l'ont produite. Cette nature partageable fait dire aux détracteurs de la propriété intellectuelle que celle ci n'est pas naturellement sujette à appropriation. En outre une idée ou une invention peut être trouvée par plusieurs personnes, sans que les uns ne volent le fruit du travail des autres. Enfin assurer l'exclusivité d'une invention ou d'une œuvre à son concepteur et à ceux qu'il a choisi requiert au naturel une discipline et une honnêteté parfaite ; une fois le secret éventé la diffusion indélicate peut fort bien ne connaître aucune limite ; ce sont ces problèmes de mise en œuvre qui ont justifié les législations dérogatoires que sont le copyright (qui inverse la charge de la preuve de la bonne foi de l'utilisateur) et du brevet (qui accorde temporairement l'exclusivité d'une invention qu'une autre personne pourrait faire elle aussi). Il est fréquent qu'une même invention ou une même théorie scientifique puisse être attribuée à différents auteurs (théorie de la relativité, calcul différentiel...) dont les travaux progressent en parallèle, parfois même sans communication entre eux.

D'autres libéraux adoptent un point de vue utilitariste selon lequel la législation sur la propriété intellectuelle et industrielle agit sur l'incitation à innover des entreprises, favorise la concurrence et la diffusion des connaissances. Pourtant d'autres techniques existent, telles que le secret industriel (la formule du Coca Cola, l'algorithme de Google, etc.) ou les techniques de fencing (protection à l'égard des retombées commerciales d'une innovation).

Point de vue libertarien

Diversité des libertariens

Les auteurs libertariens sont divisés sur le sujet de la propriété intellectuelle. Certains d'entre eux (tels Stephan Kinsella) rejettent le principe même de la propriété intellectuelle. D'autres reconnaissent le copyright (tels le pré-libertarien Spooner ou l'anarcho-capitaliste Rothbard) ou même le brevet (tels la minarchiste Ayn Rand).

Les divers "partis pirates" dans le monde (et originellement le parti pirate de Suède) sont les seuls partis qui militent en faveur de l'abolition de toute propriété intellectuelle.

Le point de vue propriétariste extrême

Dans son "Plaidoyer pour la propriété intellectuelle"[1] (The Law of Intellectual Property – or an Essay on the Rights of Authors and Inventors to a Perpetual Rights in their Ideas, 1855), Lysander Spooner définit la propriété comme « le droit qu’a tout individu d’interdire à des tiers d’en disposer sans son consentement ». Il ne distingue pas entre propriété intellectuelle et propriété matérielle : on ne doit pas disposer des biens intellectuels ni des biens matériels sans le consentement de leur propriétaire. Par conséquent, pour lui le droit de propriété intellectuelle est inaliénable, à jouissance perpétuelle et automatiquement transmissible par héritage (Alain Cohen-Dumouchel relève que ce dernier point est contradictoire avec l'affirmation de Spooner selon laquelle la constitution des États Unis n’a aucune valeur quand elle prétend engager les générations futures[2]).

On trouvera des points de vue proches (sans cependant atteindre de tels extrêmes) chez Frédéric Bastiat (pour la propriété littéraire), Gustave de Molinari (propriété littéraire et artistique, propriété des inventions) ou Ayn Rand ("œuvres" matérielles ou spirituelles).

Pour la plupart des libéraux cependant, le critère du consentement ne s'applique qu'au périmètre limité de notre propre corps et des biens qui sont notre propriété personnelle. Il ne peut s'appliquer aux biens immatériels qui ne sont pas naturellement appropriables. Pour Benjamin Tucker (dans son hommage de 1887 à Spooner), le livre de Spooner sur la propriété intellectuelle est le "seul ouvrage positivement stupide qui soit sorti de sa plume".

Pour justifier la propriété intellectuelle, certains[3] se réfèrent à la conception lockéenne de la propriété, comme ne s'appliquant pas seulement à des biens physiques, mais à tout ce qu'une personne considère comme une "valeur", d'où découlerait un "droit". Cependant ce point de vue est en désaccord avec la subjectivité de la valeur, la valeur n'étant pas intrinsèque à la chose mais surgissant de l'interaction avec autrui.

Le point de vue opposé à la propriété intellectuelle

Propriété intellectuelle vue en général

Il y a une objection très simple à faire aux droits intellectuels (et non à "la propriété intellectuelle", expression impropre et propagandiste), et plus précisément à la notion de "brevet" : c'est que contrairement aux biens matériels, ils ne sont pas "naturellement" appropriables. Leur appropriation n'est possible que par l'intervention de la puissance publique qui garantit le respect du droit de monopole qu'elle a concédé, selon les critères qu'elle a déterminés. On pourrait dire, pour adopter une comparaison frappante, que la propriété naturelle est celle que l'on peut défendre avec un fusil, alors que la propriété intellectuelle est celle que seul le gros fusil de l’État peut imposer ; l'une est un droit, l'autre est une agression.

Au critère du consentement avancé par Lysander Spooner dans sa conception propriétariste, s'oppose donc une constatation pratique (critiquée comme "matérialiste" et "réductrice" par Alain Laurent), qui est que la propriété du créateur, au sens courant, n'est jamais impactée par l'appropriation par autrui de sa création, puisqu'il s'agit d'une chose immatérielle[4] :

Si la propriété des choses matérielles guide l'usage des ressources rares vers les utilisations les plus importantes qui peuvent en être faites, dans le domaine des choses immatérielles, la capacité de produire est elle-même limitée, néanmoins une fois que celles-ci sont venues à être, elles peuvent être indéfiniment multipliées, et seule la loi peut les reconduire à la rareté, et créer l'incitation nécessaire à leur production ultérieure. Il est loin d'être évident pourtant que la rareté forcée soit la façon la plus efficace de stimuler le processus créateur des hommes. (Hayek, La présomption fatale)

La différence d'opinion résiderait donc dans une différence entre l'être et le devoir-être : pour les uns, les idées ne sont pas appropriables et ne peuvent pas l'être (conflit d'usage ou possibilité d'exclure sont tous deux impossibles), pour les autres elles devraient l'être (propriété morale à rendre effective en instaurant une "rareté" artificielle).

De nombreux libertariens sont ainsi opposés à la propriété intellectuelle :

Celui qui reçoit une idée de moi reçoit un savoir sans diminuer le mien ; tout comme celui qui allume sa bougie à la mienne reçoit la lumière sans me plonger dans la pénombre. Que les idées circulent librement de l'un à l'autre partout sur la planète, pour l'instruction morale et mutuelle de l'homme et l'amélioration de sa condition, voilà qui semble avoir été conçu à dessein par la nature bienveillante, quand elle les a créées, libres comme le feu qui s'étend partout, sans diminuer leur densité en aucun point, et comme l'air que nous respirons, dans lequel nous nous mouvons et nous situons physiquement, rétives au confinement et à l'appropriation exclusive. Les inventions, par nature, ne peuvent donc être sujettes à propriété. (Thomas Jefferson)
De même que nous profitons des avantages que nous apportent les inventions d'autres, nous devrions être heureux d'avoir l'opportunité de servir les autres au moyen de nos propres inventions ; et nous devrions faire cela gratuitement et avec générosité. (Benjamin Franklin)
L'exclusivité [du brevet] viole le droit naturel d'un individu de découvrir et exploiter les fruits de son travail ou de son intelligence ou d'imiter quelqu'un d'autre. Cet acte d'un concurrent ne prive pas l'inventeur des fruits de son travail, il le prive de gains à l'échange exactement comme un concurrent peut le faire dans n'importe quelle activité. (Bertrand Lemennicier)
La jouissance d'une propriété implique le contrôle exclusif par une personne en particulier d'espaces et d'objets physiques précis. Inversement, la violation d'un droit de propriété correspond à un dommage physique non désiré ou à l'amputation des choses et des territoires possédés par de tierces personnes. (...) L'opinion erronée selon laquelle on serait le propriétaire de la valeur ou du prix de biens limités est carrément indéfendable. (Hans-Hermann Hoppe, La Grande Fiction - L'Etat, cet imposteur, Le Drapeau blanc, 2016)
Le fait de traiter les produits intellectuels comme une propriété donne au propriétaire d'une chose intangible des droits sur des choses tangibles appartenant à un nombre inconnu de personnes. Est-ce à cela que pensaient les défenseurs des droits de propriété tels que John Locke ? Est-ce une définition raisonnable de la propriété ? La réponse naturelle à cette question est que la plupart des gens ne trouvent pas cela raisonnable. Des millions de personnes qui ne voleraient jamais des choses tangibles ne voient rien de mal à convertir en fichiers mp3 le contenu de leurs CDs. Ensuite, il y a l'étrange nature de cette « propriété ». Elle n'existe que pour certains types de produits intellectuels. Si nous appelons propriété intellectuelle des produits auxquels a été mêlé le travail d’un créateur, cela signifie que l’inventeur d’un nouveau système musical devrait avoir un droit de propriété sur son utilisation. Au lieu de cela, la loi limite arbitrairement la propriété de la musique à des œuvres particulières. (...) Même chose pour les brevets. Francis Crick et James Watson ont mêlé des années de leur travail à la découverte de l'ADN. Cela ne leur a conféré aucun droit de propriété sur l'ADN. (...) Une autre bizarrerie est que la propriété des produits intellectuels est limitée dans le temps. (...) Ce sont des bizarreries importantes. La défense lockéenne de la propriété part du fait que la propriété est un droit naturel. Il est facile à définir. Il existe sans État. L'État n'est là que pour protéger ce droit préexistant. (Sean Gabb, Is copyright a human right?)

Murray Rothbard adopte une position intermédiaire concernant les brevets : ils sont justifiés en tant qu'analogues au copyright (la vente d'un objet breveté s'accompagne d'une limitation contractuelle : elle donne le droit de l'utiliser, mais non de le reproduire), cependant l'antériorité du brevet ne joue pas : le brevet ne lie pas d'autres inventeurs qui pourraient fortuitement réinventer la même chose.

Bertrand Lemennicier souligne qu'il existe un grand nombre de moyens pour exploiter ses idées : produits liés (la publicité qui finance les programmes de télévision, le système d'exploitation vendu avec l'ordinateur), codage ou chiffrement, arrangement contractuel entre inventeur et utilisateur, secret de fabrication rendant l'imitation impossible, association imposant un code de conduite à ses membres, stratégies commerciales (l'inventeur est le premier sur le marché, ce qui lui donne un avantage concurrentiel), etc.

Il n'est donc nul besoin d'établir des protections légales ou des privilèges, il suffit de reconnaître aux inventeurs, écrivains, etc. le droit d'exclure autrui des fruits de leur travail de la façon qu'ils jugeront la meilleure, de même qu'un fermier est autorisé à enclore son champ pour empêcher les autres de profiter du fruit de son travail, mais pas celui d'interdire aux autres d'adopter les techniques de culture qu'ils y auront vu. Le problème de la "prétendue propriété intellectuelle" est alors replacé sur le terrain de la concurrence et du contrat. Ce n'est pas l'information qui doit être protégée (c'est d'ailleurs le plus souvent impossible), c'est l'accès à l'information, et cette protection est du ressort de celui qui la crée, pas de la collectivité en charge du règne du droit.

Est-ce à dire que pour les libertariens on peut copier n'importe quoi ou imiter n'importe qui ? Oui, tant que le droit de propriété est respecté. Par exemple, le droit des marques est de l'ordre du droit de propriété, pas du droit d'auteur ou du copyright : en effet l'usage de la marque dont on n'est pas propriétaire cause un conflit d'usage qui annule de fait la fonction et le bénéfice de la marque (certification/authentification) pour l'acheteur et le vendeur. On peut donc bien copier les produits de la marque X, et ensuite les vendre, mais sans les présenter comme étant de la marque X, ce qui serait une tromperie qui léserait tant l'acheteur que le véritable propriétaire de la marque X. Au client ensuite de voir s'il préfère la marque X, bien connue, à une imitation peut-être moins chère, mais peut-être aussi de moins bonne qualité, ou bénéficiant d'une garantie moindre, ou présentant d'autres caractéristiques discriminantes. On est dans un cadre de concurrence tout à fait courant et normal.

Le cas du droit d'auteur

Selon certains libertariens, la situation est la même dans le domaine du droit d'auteur pour les oeuvres de l'esprit. Le plagiat ne saurait être interdit, il revient donc à l'auteur de trouver préalablement le "moyen d'exclure" adéquat, et au client de faire preuve de circonspection. L'antériorité n'est pas une garantie légale, mais peut constituer une garantie pratique, le plagiaire qui ferait passer pour sienne une oeuvre déjà publiée risquant surtout le ridicule ou le mépris. Comme l'exprime Tom Palmer :

Les droits de propriété sur les objets tangibles ne restreignent pas du tout la liberté, seulement l'action. Les droits de propriété intellectuelle, en revanche, restreignent réellement la liberté.

En effet, les droits de propriété intellectuelle tels qu'ils existent en droit positif restreignent l'usage que l'on peut faire des biens qui nous appartiennent, qu'il s'agisse de livres, œuvres d'art, logiciels, produits "brevetés", etc. Henri Lepage propose l'exemple suivant à titre d'explication :

Imaginons un être surdoué qui mémorise instantanément la musique d'une sonate et est capable de la restituer à l'identique uniquement à partir de sa mémoire. Au nom de quoi l'auteur pourrait-il - sauf s'il a pris auparavant la peine de lui faire signer un engagement contractuel - lui interdire par exemple de la fredonner en public ? de se mettre au piano pour jouer le morceau ? de l'enregistrer sur l'ordinateur qui lui appartient ? de le graver sur un disque et en faire cadeau à des copains ? de limiter le nombre de copies réalisées ? Déterminer par avance ce que l'auditeur - ou le lecteur - a le droit de faire ou de ne pas faire avec ce qu'il a mémorisé dans son esprit - et qui est donc bien, désormais, proprement sien - revient de fait à confier au premier un droit de contrôle explicite sur ses gestes, les mouvements de son corps, son activité mentale, et donc à le priver de tous les attributs premiers de sa liberté personnelle.

Le cas de figure décrit par Henri Lepage n'a rien de fictif : à l'époque où le droit d'auteur n'existait pas, on "protégeait" les œuvres originales par diverses interdictions. Ainsi le fameux Miserere d'Allegri, joué une fois par an à Pâques à la chapelle Sixtine, était tenu secret par le Vatican, qui interdisait à ses musiciens de le divulguer de quelque manière que ce fût sous peine d'excommunication. Allegri était mort depuis plus d'un siècle quand Mozart, à l'âge de 14 ans, a eu le privilège d'écouter le Miserere ; il a retranscrit de mémoire la partition en ne l'ayant entendue qu'une seule fois. Le Miserere obtenu fut publié en 1771 à Londres et l'interdiction papale dut être levée.

Les auteurs et créateurs ont très longtemps emprunté les uns aux autres sans que cela soulève de problème moral. Ainsi, au XVIIIe siècle, Bach retranscrit pour clavecin ou orgue de nombreux concertos de Vivaldi du vivant même de l'auteur et sans même son accord, œuvres qui figurent à présent au catalogue de Bach. Certains juristes pourraient considérer que Jean de la Fontaine est un plagiaire du fabuliste Esope.

On peut noter également que dans la conception anglo-saxonne le droit d'auteur n'est pas un droit naturel et ne relève pas du droit de Common Law (cas Donaldson v. Beckett en 1774) : ce n'est qu'un instrument de politique publique, destiné à favoriser la création et à permettre aux auteurs de tirer des revenus de leur création. Lord Camden explique que "la connaissance n'a pas de valeur ni d'usage pour son propriétaire seul : elle ne prend de valeur que si elle est communiquée."

Cependant d'autres voient le droit d'auteur comme une forme naturelle de propriété, mais uniquement dans un cadre contractuel, ce qui est le point de vue libertarien :

En effet l'œuvre de l'artiste (ou de l'inventeur) est le produit de l'artiste ou de l'inventeur lui-même. L'artiste, qui est propriétaire de cette ressource, peut d'ailleurs la louer à un auteur comme le font les "nègres" en littérature. Les fruits tirés de cette ressource sont à lui. Mais ce droit d'auteur s'arrête à la propriété des autres à leur propre capital humain. Ceux-ci peuvent produire des œuvres similaires ou imiter l'artiste qui lance un nouveau style ou imiter l'inventeur qui fait une découverte. L'auteur doit alors faire la preuve que celui qui crée une œuvre semblable à la sienne vole effectivement son idée. Il doit faire la preuve que celui qui crée une œuvre similaire a violé son droit de propriété, par exemple en diffusant ou en vendant une copie de son œuvre originale alors que le contrat de vente stipulait de ne pas la diffuser ou de ne pas la reproduire sans le consentement du propriétaire. (Bertrand Lemennicier)

De même, selon Rothbard, le droit d'auteur est un attribut logique du droit de propriété sur le marché libre, alors que le brevet est une invasion monopolistique de ce droit :

Il est vrai que brevets et droits d'auteur sont tous deux des droits de propriété exclusifs et il est également vrai que ces droits de propriété concernent des innovations. Mais il existe une différence cruciale quant à leur mise en application légale. Si un écrivain ou un compositeur pense que son droit d'auteur a été violé et qu'il entreprend des poursuites légales, il doit "prouver que l'accusé a eu 'accès' à l'œuvre prétendument contrefaite. Si l'accusé a créé quelque chose d'identique à l'œuvre du plaignant par pur hasard, il n'y a pas de contrefaçon." Les droits d'auteur, en d'autres termes, ont pour base des poursuites judiciaires pour vol implicite. Le plaignant doit prouver que l'accusé a volé sa création en la reproduisant et en la vendant, en violation d'un contrat que lui ou un autre avait signé avec le vendeur initial. Mais si l'accusé arrive indépendamment à la même création, le plaignant n'a pas de privilège de droit d'auteur qui puisse interdire à l'accusé d'utiliser et de vendre sa production. (Murray Rothbard, Man, Economy, and State, chap. 10 : Monopole et concurrence)

Même si le droit d'auteur et la propriété intellectuelle étaient complètement supprimés, il resterait une sorte de "droit moral" que l'auteur d'une œuvre ou d'une invention quelconque pourrait invoquer et serait en mesure de prouver, par exemple par des procédés d'horodatage et de cryptographie permettant d'authentifier et de certifier sa création ; ce droit n'entraînerait cependant aucune obligation de rémunérer l'auteur ou l'inventeur (hors contrat prévoyant ce cas).

Le point de vue de Stephan Kinsella

Edition avec privilège du roi (livre publié en 1605 sous Henri IV : 3 pages intitulées "PRIVILEGE DU ROY" décrivent les punitions prévues pour les copies non autorisées)

Stephan Kinsella est parmi les libertariens un des auteurs ayant le plus travaillé le sujet. Certains de ses partisans estiment que son avis ferait autorité[5].

Kinsella affirme que la propriété provient non de la création (comme Ayn Rand l'affirme) ni du travail à lui tout seul (comme John Locke l'affirme), mais de la rareté des ressources et du fait qu'il y a un premier utilisateur des ressources rares (que cet utilisateur emploie ces ressources pour une création ou un travail est secondaire de ce point de vue). Chercher à "récompenser" le travail comme le fait le droit positif avec le brevet ou le copyright revient à retomber dans les erreurs de la théorie de la valeur d'Adam Smith ou de Marx. Le droit de propriété ne découle pas de la valeur (actuelle, future ou potentielle) de la chose possédée ; il ne concerne que l'intégrité physique de la chose. Nul n'a le "droit à" un revenu futur ; mais chacun a le droit d'exiger qu'on n'empiète pas sur sa propriété.

Comme il n'y a pas de conflit physique possible sur les idées, celles-ci ne peuvent faire l'objet de droit de propriété. Accorder de tels droits (et donc créer une rareté artificielle) revient à attenter aux droits d'autrui sur des biens tangibles, qui seuls font l'objet de droits (par exemple l'existence d'un brevet empêche un emploi légitime de notre propre propriété - dans le respect de la propriété d'autrui et des contrats qui nous engagent - puisqu'on ne peut appliquer librement sur notre propriété le procédé qui fait l'objet du brevet).

Les problèmes de la prétendue "propriété intellectuelle" peuvent donc être réglés uniquement par le contrat entre personnes consentantes. Mais le contrat ne donnera jamais autant de "droits" que le droit positif actuel (source de faux droits), car il y a des limites au contrat : celui-ci ne concerne que les parties engagées au contrat, et non les tiers. Par exemple un éditeur peut spécifier une clause qui empêche les acheteurs d'un livre de le reproduire, mais cela ne concerne pas les tiers. Les tiers ne sont pas liés par une obligation contractuelle à laquelle ils n'ont pas souscrit. Il n'est pas possible par exemple de vendre un livre "amputé du droit de copyright" (comme Rothbard le propose) ; pour Kinsella, la propriété doit être délimitée de façon visible et justifiable pour éviter le conflit d'usage, et de ce point de vue il n'y a pas de différence physique entre un livre avec copyright (ou vendu avec d'autres droits réservés) et un livre qui en est dépourvu. Est légitime tout usage de notre propriété qui n'empiète pas sur les limites de la propriété d'autrui ; il n'y a pas à se poser la question de savoir si notre propriété peut être utilisée d'une certaine façon et ne peut pas l'être d'une autre parce qu'il y aurait des "droits réservés" qui l'interdiraient, et des "permissions" à respecter (à la différence des "servitudes" qui frappent un fonds, destinées, elles, à régler un réel conflit d'usage). Ce serait adopter la conception totalitaire selon laquelle "n'est autorisé que tout ce qui n'est pas interdit". De la même façon, l'emploi illégitime d'une "marque déposée" (trademark) viole non pas les droits du propriétaire de la marque, mais ceux du consommateur, qui est ainsi trompé.

Kinsella en conclut que la "propriété intellectuelle" sous la forme du brevet ou du copyright est injustifiée, contraire aux droits individuels, et ne peut exister que parce qu'elle est institutionnalisée par l’État et le droit positif. Kinsella fait remonter historiquement cette notion aux "privilèges" que les rois, en Europe, accordaient aux monopoles privés qu'ils avaient choisis (ainsi, à partir du XVIe siècle, en France, les livres "autorisés" sont publiés "avec privilège du roi", une autorisation exclusive d'imprimer un ouvrage délivrée après lecture du manuscrit par les censeurs royaux ; la contrefaçon était punie au même titre que l'absence de "privilège"[6]). Ce privilège s'appliquait à d'autres créations, il préfigurait l'invention du brevet par les États (ainsi Blaise Pascal, inventeur de la "pascaline", obtient du roi en 1649 un privilège qui interdit à tout autre que lui de fabriquer une machine arithmétique). L'absence de privilège, ou sa révocation (cas de l'Encyclopédie en 1759), interdisait la diffusion officielle de l'ouvrage (interdiction souvent contournée en le faisant imprimer à l'étranger et circuler sous le manteau).

François-René Rideau expose le même point de vue que Stephan Kinsella concernant la propriété intellectuelle dans son Manifeste de la Libre Information, dans lequel il réfute plusieurs arguments fallacieux.

Jeffrey Tucker explique de la même façon que la propriété découle de la rareté et de la nécessité de règles pour échanger les biens rares. Cela ne s'applique pas du tout aux idées. En réalité, la "propriété intellectuelle" n'existait pas avant que l’État s'en empare et l'institutionnalise (y voyant entre autres un moyen de censure commode) ; elle n'existe que parce qu'une législation appropriée l'impose, alors que la propriété naturelle existe sans État :

C'est un moyen artificiel et coercitif par lequel des biens qui ne sont pas rares sont rendus rares uniquement pour bénéficier à certains producteurs : ça devient une sorte de mercantilisme. C'est un moyen de créer certains monopoles au bénéfice de certaines grandes institutions aux dépens de tout le monde. (...) C'est un système ridicule, qui ne peut être créé que par quelque chose d'aussi stupide que l'État.[7]

Réponse des adversaires de la propriété intellectuelle face aux objections courantes de ses défenseurs

"Sans la notion de brevet, il n'y aura plus d'intérêt à faire de la recherche"

Le brevet est une protection illégitime, mais il existe des protections légitimes. D'abord le secret de fabrication (cf Coca-Cola, Michelin, le WD-40, etc.). Ensuite le simple avantage concurrentiel à être le premier sur un marché, avec un produit tout nouveau (on se crée ainsi une espèce de monopole de fait qui peut durer un certain temps).

Le brevet étant un privilège, il est clair que si on supprime ce privilège certaines entreprises gagneront moins qu'aujourd'hui. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y ait plus d'argent à gagner à inventer de nouvelles choses. Toutes proportions gardées, on peut comparer cela à la fin de l'esclavage au XIXe siècle : les propriétaires d'esclaves dans les plantations ont d'abord poussé les hauts cris, mais ils ont fini par s'adapter. Pour un libéral, un avantage illégitime ne peut jamais être justifié par des raisons économiques.

Supprimer les brevets revient à supprimer des monopoles de droit injustifiés. Supprimer un monopole n'est pas supprimer une technologie, c'est au contraire l'ouvrir à un plus grand nombre d'acteurs. Le brevet bride d'une certaine façon l'innovation, parce qu'il empêche l'amélioration d'un produit existant par la concurrence. Le cas de James Watt, inventeur de la machine à vapeur, est emblématique de ce fait : il ne put améliorer son invention parce qu'un brevet sur la stabilisation de sa vitesse de rotation l'en empêchait ; de son côté, il passa une grande partie de son temps à poursuivre en justice ceux qui pirataient sa machine. Par la suite, le rendement des moteurs à vapeur put être grandement amélioré une fois expirés tous les brevets de James Watt. A l'inverse, le fabricant de voitures électriques Tesla Motors a décidé en 2014 de renoncer à l'exclusivité de ses droits sur son portefeuille de brevets : ce choix d'un modèle open source permettra de dynamiser le marché, bénéficiant indirectement à Tesla en retour.

La brevetabilité du vivant (principalement les brevets sur les semences, mais aussi sur les bactéries, les animaux transgéniques, les gènes humains) pose également de nombreux problèmes. Cette brevetabilité est récente, elle a été créée au XXe siècle en contradiction avec la doctrine "products of nature" qui prévalait jusque là. Elle impose de nouvelles contraintes tant aux acheteurs qu'aux vendeurs de semences. Avec les brevets sur les semences (ou les "certificats d'obtention végétale" qui en sont proches), l'agriculteur ne peut ressemer sa récolte et devient dépendant de la firme qui le fournit. La vente de semences est également réglementée (arrêt Kokopelli : obligation d'inscription au catalogue officiel).

Concernant les logiciels informatiques, le "brevet logiciel" est inutile en pratique. Soit le créateur trouve un moyen (physique ou logique) de protéger sa création sans attenter à la liberté d'autrui, soit il décide de ne rien faire, ce qui est en général la meilleure stratégie, car un logiciel qui vaut quelque chose est suffisamment complexe pour requérir de la documentation, du support, de la maintenance, de la formation, etc., toutes choses que le client est prêt à payer.

L'existence des brevets entraîne, dans la situation actuelle, un grand nombre d'effets pervers, outre le frein au progrès que constitue l'entrave à la concurrence :

  • le nombre énorme de brevets déposés chaque année montre que le but initial du brevet, favoriser l'innovation, est complètement perdu de vue. Ainsi en Chine, plus de 650 000 brevets auraient été déposés durant la seule année 2013 auprès de l'office chinois des brevets (SIPO, State Intellectual Property Office) : on présume généralement qu'une telle masse de brevets correspond à des idées ou des gadgets sans intérêt ni apport innovant ; le brevet peut d'ailleurs être totalement fantaisiste, son dépôt ne signifiant pas que l’invention soit valable et réalisable (les bureaux de brevet ne se prononcent que sur l'absence d'antériorité du brevet) ;
  • presque chaque année le record du nombre de procès concernant les violations de brevets est battu ;
  • les experts en brevets reconnaissent qu'il y a actuellement tellement de brevets que le développeur le plus scrupuleux risque constamment d'en enfreindre un (c'est particulièrement vrai dans les technologies de l'information et de la communication et dans l'industrie pharmaceutique[8]) ;
  • des sociétés "patent trolls" (parfois soutenues par des fonds d'investissement) déposent ou rachètent des milliers de brevets sans jamais fabriquer de produit ; elles vivent de procès pour violation de brevets et parviennent souvent à extorquer de fortes sommes aux plus grandes entreprises[9] ; certains parlent à ce sujet de l'action mafieuse des "patent-trolls"[10]
  • les sociétés qui créent réellement des produits sont obligées de prendre des assurances pour couvrir le risque juridique de violation de brevets ;
  • l'incertitude juridique est telle qu'un juge comme Richard A. Posner qualifie de "chaotique" le système américain des brevets.
"Ne pas respecter le droit d'auteur, c'est utiliser le travail intellectuel d'autrui sans le rémunérer"

Ce point de vue très courant relève de plusieurs conceptions erronées.

Il suppose d'abord que tout travail a une valeur (adage simpliste et faux selon lequel "tout travail mérite salaire"), ce qui est tomber dans les erreurs bien connues de la valeur-travail ; c'est le jugement d'autrui qui donne une valeur au travail, le travail n'a pas de valeur intrinsèque en lui-même.

Ensuite, nous utilisons tout le temps le travail intellectuel d'autrui sans le rémunérer (et ceci de façon constante, pas seulement quand nous empruntons un livre dans une bibliothèque publique...) ; une rémunération de ce travail n'a de sens et n'est légitime que si un contrat a été passé entre l'utilisateur de ce travail et son auteur. Pour qu'il y ait "vol" du travail d'autrui, il faudrait prouver que la propriété de l'auteur a été impactée (altérée ou détruite) ; or un soi-disant "manque à gagner" ne tombe pas dans cette catégorie, car un revenu futur n'est pas un dû (surtout quand ce revenu n'est garanti que par la coercition étatique issue de la prétendue "propriété intellectuelle" et non issu d'un droit naturel). L'argument du "manque à gagner" ouvre la voie à toutes sortes de contraintes arbitraires et s'oppose par avance à toute sorte de concurrence.

Les libéraux s'attachent constamment à définir la frontière entre le droit et la morale. Utiliser le travail d'autrui (par exemple par le plagiat) est donc légitime, mais cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas de "risque moral" à le faire : le plagiaire qui fait passer pour siennes les idées d'autrui encourt surtout le mépris et la déconsidération. Même s'il y a un "droit naturel" à copier autrui, ce droit peut être en opposition avec une convention particulière (le règlement d'un concours, les conditions d'obtention d'un diplôme, une déontologie éditoriale, etc.) qui équivaut à un contrat.

"Si droit d'auteur et propriété intellectuelle sont des privilèges arbitraires, comment expliquez-vous que tous les États les pratiquent ?"

Tout simplement en raison du lobbying efficace des milieux concernés, notamment les lobbys culturels. D'ailleurs ces privilèges renforcent bien moins la protection des auteurs que celle des éditeurs, mieux organisés pour le lobbying, et dont le chiffre d'affaires est sans comparaison avec celui des auteurs. L'arbitraire se retrouve également dans les législations sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle, qui varient d'un pays à l'autre.

Exemples d'absurdités de la propriété intellectuelle ou du copyright

  • Deutsche Telekom a déposé la couleur magenta à titre de marque[11], tandis que le fabricant de boissons Red Bull a déposé la couleur bleu et argent qui caractérise ses canettes ;
  • Microsoft a été attaqué pour violation du "brevet Eolas" (brevet sur le simple concept consistant pour un navigateur à faire appel à des applications tierces) ; l'affaire s'est terminée en 2007 par une transaction amiable ;
  • Amazon a un brevet "one-click" (achat en ligne par un seul clic de souris) qui lui a permis de poursuivre en justice Barnes & Noble qui avait mis en place un système semblable ;
  • le droit des marques conduit à des décisions de justice parfois contestables concernant les noms de domaines [12] ;
  • il existe un grand nombre de "brevets idiots", par exemple le brevet sur le clic de souris, sur certaines techniques de compression (le format GIF, le JPEG), etc. Stephan Kinsella mentionne dans son livre Contre la Propriété Intellectuelle les brevets suivants : "Méthode pour faire faire de l’exercice à un chat", "Couche pour oiseaux", "Savon religieux", "Simulateur de main humaine pour tapoter le dos de l’utilisateur", etc.
  • il y a eu des tentatives de copyright sur les parties d'échecs de la part de la Fédération internationale des échecs[13] ;
  • l'actrice porno connue sous le nom de "Katsumi" a été condamnée en 2007 par le juge de l'exécution des peines du tribunal de Créteil à verser 20000 € à une femme dont le nom de famille est Katsumi. L'actrice se fait appeler à présent "Katsuni" ;
  • Ford prétend être propriétaire de toutes les photos sur lesquelles apparaît un véhicule de la marque[14].
  • certains auteurs prétendent avoir un copyright sur les grilles de sudoku qu'ils ont générées de façon aléatoire par ordinateur[15]. Par ailleurs le "sudoku" s'appelle ainsi dans tous les pays du monde, sauf dans le pays qui lui a donné ce nom, le Japon, où il est la propriété (marque déposée) de l'éditeur Nikoli.
  • en 1909, les frères Wright, inventeurs et industriels américains, intentèrent des procès en contrefaçon aux principaux constructeurs d’avions européens, alors que Clément Ader avait créé son "avion" bien auparavant en 1890. Un mal pouvant être combattu par un autre mal, le brevet d'avion qu'avait déposé Clément Ader vingt ans auparavant permit aux Européens de résister à la pression américaine.
  • en France, en application du droit européen, la loi sur les Certificats d'Obtention Végétale (COV : brevets sur les semences végétales) met un terme aux semences libres de droit : les agriculteurs devront payer une taxe aux semenciers.
  • plus généralement, tous les brevets sur les plantes et les animaux posent de nombreux problèmes, avec des législations variables d'un pays à l'autre ; des brevets peuvent être accordés non seulement sur les OGM, mais aussi sur des obtentions végétales conventionnelles — les grandes entreprises semencières sont accusées d' « inventer des inventions ».
  • en 2012, Apple attaque une société néo-zélandaise qui a nommé "driPhone" ses étuis étanches pour iPhone.
  • le design de l'horloge de gare des CFF (chemins de fer fédéraux suisses), conçue en 1944, a été repris en 2012 par Apple comme icône pour son iPad (avec le nouveau système d'exploitation mobile iOS6) ; les CFF demandent réparation à Apple pour cette "utilisation non autorisée" ; le même Apple, lui, se montre habituellement très pointilleux quant aux "utilisations non autorisées" de ce qu'il estime être sa "propriété intellectuelle" ; Apple est condamné en 2015 pour avoir violé un brevet sur les processeurs de l'université du Wisconsin - jugeant ce brevet invalide, il fait appel de la condamnation à 234 millions de dollars d'amende.
  • en 2012, le patent troll Eolas Technologies attaque (sans succès) les plus grandes sociétés informatiques (Google, Yahoo!, Adobe...) pour défendre un prétendu brevet sur les contenus interactifs d'une page Web[16] (si la plainte avait abouti, toute personne qui met un contenu en ligne sur le web aurait été redevable de droits au patent troll)
  • il est impossible de proposer une traduction alternative d'un livre quand un éditeur a des droits exclusifs pour l'édition française de l'ouvrage, même quand la traduction qu'il propose est mauvaise (en 2012, cas de l'écrivain François Bon, attaqué pour contrefaçon par Gallimard pour sa traduction du "Vieil homme et la mer" d'Ernest Hemingway)
  • le mathématicien Roger Schlafly a déposé en 1994 aux États-Unis un brevet (n°5373560) pour deux nombres premiers (il s'agissait pour lui d'un acte militant, en opposition aux brevets sur les logiciels)
  • la marque Laguiole a été déposée par un particulier en 1993, ce qui interdit aux artisans de ce village aveyronnais d'utiliser la mention "Laguiole" sur leurs produits ; le maire du village indique très justement qu'il ne veut pas empêcher les autres d'utiliser le nom du village, mais qu'il demande, lui aussi, à pouvoir l'utiliser ; en octobre 2014, la justice européenne annule la marque déposée Laguiole pour la coutellerie
  • le maître de yoga Bikram Choudhury, créateur du "Bikram yoga" (une forme de yoga pratiquée dans un sauna, enseignée dans de nombreux centres dans le monde entier), a breveté les postures de yoga qu'il enseigne[17].
  • le Glivec (Gleevec aux États-Unis) est un médicament anti-leucémie vendu par Novartis ; il est concurrencé dans le Tiers-Monde par des génériques beaucoup moins coûteux ; en avril 2013, après sept ans de bataille judiciaire, Novartis, qui demandait de faire reconnaître son brevet en Inde, perd son procès, le Glivec n'ayant pas été jugé novateur par la Cour suprême en comparaison avec les médicaments existants. L'Inde (où une industrie des génériques est très développée) accuse les grands laboratoires de breveter sous une forme légèrement modifiée des produits déjà existants
  • des dépôts de brevet aux États-Unis sur le curcuma (plante herbacée d'Asie, "safran des Indes") ont fini par être rejetés, les vertus médicinales de cette plante étant reconnues depuis longtemps en Inde
  • à Borja, dans le nord-est de l'Espagne, en 2012, une octogénaire avait, en tentant de le restaurer, défiguré le portrait du Christ de la fresque "Ecce Homo" de l'église ; elle s'apprête à toucher des royalties sur cette image grotesque devenue mondialement célèbre
  • il y a eu des tentatives de protection du droit d'auteur sur le mot "permaculture" ; depuis 2013, le mot est déposé en France à l'INPI
  • tous les exemplaires du livre Against Intellectual Property de Stephan Kinsella portent la mention "copyright Mises Institute" ; l'auteur voulait une absence de copyright pour ce livre, ce qui n'est pas possible en l'état actuel de la loi (il s'est rabattu par défaut sur la licence CC-BY)
  • un "selfie" réalisé par un macaque est revendiqué par le photographe possesseur de l'appareil, alors que Wikimedia considère qu'il tombe dans le domaine public[18] ; en septembre 2015, l'association Peta de défense des animaux dépose plainte, affirmant que le macaque est le propriétaire de la photo, "la loi américaine n'interdisant pas à un animal de détenir de la propriété intellectuelle"
  • en 2014, l'ancien dictateur du Panama, Manuel Noriega, attaque en justice Activision, pour obtenir des royalties sur le jeu "Call of Duty : Black Ops II" dans lequel un personnage porte son nom et lui ressemble ; il considère que l'entreprise n'a pas demandé sa permission avant d'utiliser son image.
  • en octobre 2014, l'acteur Frank Sivero réclame 250 millions de dollars à la Fox pour avoir plagié son personnage de mafieux (Frankie Carbone dans Les Affranchis, 1990) dans le dessin animé Les Simpsons.
  • le Zantac (ou "ranitidine", médicament contre les ulcères d'estomac) fit l'objet dans les années 1990 de différents procès entre le détenteur du brevet (Glaxo) et une autre société pharmaceutique (Novopharm) : il y avait un polymorphisme de la molécule, et en suivant le brevet original ("forme 1") on obtenait toujours une autre molécule ("forme 2") ; il n'était pas clair si le brevet pour la forme 1 était valide, et si la forme 2 relevait de ce brevet ou d'un brevet différent.
  • La société française Nutriset a une position dominante pour les "aliments thérapeutiques prêts à l'emploi" destinés à combattre la malnutrition. Ses brevets empêchent la fabrication de pâtes nutritives à base de noix ou de cacahuètes analogues à son produit phare Plumpy'nut.
  • les "brevets de design" d'Apple interdisent de créer des coques de smartphone à coins arrondis[19].
  • les parfums, selon les pays, relèvent du champ de la propriété intellectuelle ou du droit d'auteur, ou ne sont pas protégés du tout. Les législations sont confuses, ce qui laisse le champ libre à des "parfums génériques" dont les fragrances sont proches de celles des parfums de marque, bien que ces produits soient différents chimiquement.
  • un jeu d’échecs créé en 1917 par Marcel Duchamp appartient au domaine public aux États-Unis, alors qu’il est protégé en France jusqu’en 2039 (70 ans après la mort de l’artiste)[20].
  • Des tatoueurs font valoir leurs droits d'auteur sur leurs œuvres ornant la peau de célébrités, en réclamant des droits sur l'utilisation commerciale de leur œuvre. A l'inverse, des tatoués célèbres font valoir que leur notoriété donne de la valeur à un tatouage.[21]
  • En 2017, YouTube censure des vidéos de "bruit blanc" (White Noise) pour atteinte au droit d'auteur, suite à des plaintes émanant de quatre "ayants droit" différents
  • L'artiste Jeff Koons est condamné en novembre 2018 pour avoir contrefait le cochon de la marque Naf-Naf dans son œuvre Fait d’hiver (vendue 3 millions d’euros en 2007) ; il a été également condamné en mars 2017 pour avoir contrefait une photographie dans une sculpture en porcelaine intitulée Naked ; l'artiste se revendique d'une démarche « d’appropriation » au nom de la liberté d’expression (appropriationnisme)
  • les polices de caractères relèvent souvent du droit d'auteur (par exemple, les très utilisées polices Arial, Times New Roman, Bodoni, Helvetica… appartiennent à l'entreprise Monotype), ce qui fait que leur utilisation (par exemple lors de l'impression d'un document, l'édition d'un journal ou d'un livre, la création d'un site web, etc.) est soumise à redevance (redevance payée en pratique par les grandes entreprises)
  • l'héritier d'Hergé, "ayatollah du droit d'auteur", prétend "user d'un droit de vie ou de mort sur tout dessin, BD ou livre qui évoquerait ou reproduirait l'univers de Tintin"[22].

Exemples de créations de l'esprit sans propriété intellectuelle

Il existe de nombreuses créations de l'esprit qui ne font jamais l'objet de "propriété intellectuelle". S'ils sont cohérents, les partisans de la propriété intellectuelle devraient expliquer pourquoi il en est ainsi ; sinon, ils font la preuve que la "propriété intellectuelle" est une notion totalement arbitraire, établie par les États pour des motifs utilitaires. Les exemples de créations non protégées sont les suivants :

  • les stratégies commerciales
  • les techniques de travail
  • les découvertes scientifiques
  • les doctrines religieuses, philosophiques...
  • les formules mathématiques, les théorèmes, les équations, les algorithmes, etc.
  • les langues artificielles
  • les récits légendaires
  • les tours de magie
  • les histoires drôles
  • les slogans, les néologismes
  • les parties d'échecs (ou d'autres jeux de société)
  • les recettes de cuisine
  • etc.
  • les créations de mode, parfums, œuvres architecturales, danses et chorégraphies, etc. furent longtemps non protégés (à présent le juge est amené à distinguer entre ce qui est création « originale » et ce qui relève du simple savoir-faire, distinction souvent arbitraire et contestable, qui induit une forte insécurité juridique[23])
  • les musiques utilisées dans certaines publicités ou certains films s'inspirent souvent de "tubes" célèbres tout en étant différentes d'un point de vue musicologique (sound-alike) pour éviter de tomber sous le coup du droit d'auteur ; il y a cependant chaque année quelques procès (ou quelques "arrangements" de gré à gré) quand la musique est jugée "trop proche" du "tube" (jugement nécessairement subjectif masqué sous le "dire d'expert").

Stephan Kinsella tient à jour une liste : Innovations that Thrive without IP.

Un autre exemple de l'arbitraire de la notion de propriété intellectuelle est fourni par les algorithmes informatiques. Ces algorithmes sont brevetables dans certaines juridictions (États-Unis, Australie...) mais pas dans la grande majorité des pays du monde. Une conséquence en informatique est qu'ils sont la plupart du temps délaissés au profit d'algorithmes alternatifs non brevetés. Exemples : PKZip remplaçant l'ancien format ARC ; l'algorithme de chiffrement IDEA, breveté jusqu'en 2012, est aujourd'hui peu utilisé ; l'algorithme RC4 des Laboratoires RSA a été désassemblé et est utilisé dans le domaine public sous un autre nom (Arcfour) ; les formats d'image numérique privilégient les algorithmes non brevetés, les brevets sur GIF ayant motivé le développement du format PNG, etc.

L'algorithme RSA, quant à lui, n'a pu être breveté par le MIT qu'aux États-Unis entre 1983 et 2000 (du fait qu'il ne s'agit que de l'application d'une idée mathématique, il aurait été impensable de le breveter ailleurs).

Le point de vue utilitariste

Selon ce point de vue, une législation peut très bien imposer par la force le concept de propriété intellectuelle et de droit d'auteur à seule fin de favoriser les auteurs, créateurs, inventeurs, etc.

Il est intéressant de voir comment un tel système pourrait s'organiser dans une société anarcho-capitaliste où coexisteraient des législations différentes, comme le décrit David Friedman dans Vers une société sans État. De même, comme l'explique Friedman, que pourraient coexister des législations favorables à la peine de mort et d'autres opposées, pourraient coexister des législations ayant des points de vue opposés sur la propriété intellectuelle.

Dans une société où domineraient les législations et les agences de protection favorables au concept de propriété intellectuelle, une législation et une agence de protection opposées à ce concept pourraient apparaître (si elles ne sont pas réduites à néant par les agences de protection adverses, cas toujours possible). Comme dans le cas de la peine de mort exposé par David Friedman, l'agence opposée à la propriété intellectuelle pourrait négocier avec les autres agences leur non-intervention dans les cas de "violation" de la propriété intellectuelle ou de droit d'auteur concernant ses clients, en les dédommageant en contrepartie. Si ce dédommagement n'est pas excessif, l'option serait viable, l'agence ayant ainsi un avantage compétitif sur son marché. Toute une activité économique "hors propriété intellectuelle" pourrait ainsi se développer, qui provoquerait un manque à gagner pour certains clients (auteurs, créateurs, inventeurs, etc.) des autres agences et tirerait vers le bas le prix des produits en diminuant certaines "rentes" de situation. Que dans une telle société le progrès technique soit moindre est discutable, la propriété intellectuelle et le droit d'auteur étant historiquement des inventions récentes alors que le progrès technique a toujours existé.

Dans une société où domineraient les législations et les agences de protection opposées au concept de propriété intellectuelle, une législation et une agence de protection favorables à ce concept pourraient apparaître (si elles ne sont pas réduites à néant par les agences de protection adverses, cas toujours possible). Il leur serait sans doute difficile de s'imposer commercialement, en raison des coûts supplémentaires résultant de la répression de la violation de leur législation, leur clientèle devant payer plus cher à la fois sa protection et les produits "protégés" qu'elle achète (si elle tient à respecter la législation qui lui est propre).

On voit ainsi que le concept de propriété intellectuelle sert seulement à accroître artificiellement les revenus des bénéficiaires de la prétendue "propriété intellectuelle" au détriment des consommateurs, en faisant croire à ces derniers qu'en l'absence de propriété intellectuelle il serait impossible de rémunérer convenablement les auteurs, inventeurs, etc.

L'argument utilitariste peut d'ailleurs être contesté d'un point de vue économique : la propriété intellectuelle consiste par définition à rendre rare ce qui est disponible à l’infini, ce qui est une absurdité économique ; elle détruit donc de la valeur et empêche la croissance ; les "productions intellectuelles" ayant un coût marginal nul, leur valeur selon la théorie économique tombe à zéro.

L'argument selon lequel la propriété intellectuelle permet le développement d'une certaine activité économique ignore volontairement ce qui aurait pu se passer en l'absence de toute propriété intellectuelle (c'est un sophisme de type post hoc non est propter hoc) : si l'on s'en tient à un utilitarisme strict comme seule justification, on peut tout aussi bien affirmer que l'esclavage lui aussi a entraîné à une époque un certain développement économique, mais cela ne le justifie pas pour autant. L'argument utilitariste n'est jamais corroboré par des données économiques :

On peut se demander si les droits d’auteur et les brevets sont vraiment nécessaires pour encourager la production d’œuvres de création et d’inventions, ou si les gains supplémentaires en matière d’innovation l’emportent sur les coûts énormes d’un système de propriété intellectuelle. Les études économétriques ne montrent pas de façon concluante les gains nets de richesse. Peut-être qu’il y aurait encore plus d’innovation s’il n’y avait pas de lois sur les brevets ; peut-être qu’il y aurait plus d’argent pour la recherche et le développement (R&D) s’il n’était pas dépensé en brevets et en poursuites judiciaires. Il est possible que les entreprises seraient encore plus incitées à innover si elles ne pouvaient compter sur un monopole de près de 20 ans. (Stephan Kinsella)

Synthèse

Les adversaires de la propriété intellectuelle dénoncent sa conception actuelle dans le droit positif qu'ils l'assimilent à un instrument de politique publique, avec tout l'arbitraire qui s'y attache. Les revenus tirés de la "propriété intellectuelle" ne proviennent pas simplement de la propriété naturelle (c'est-à-dire de l'échange libre) mais aussi de la menace étatique déployée à l'encontre des "contrevenants".

Les partisans de la propriété intellectuelle soulignent la légitimité du contrat par lequel l'auteur, l'inventeur, l'artiste, diffuse sa création, et la protège s'il en décide ainsi. Ce contrat peut être contraignant (droit d'auteur classique) ou au contraire très laxiste (copyleft, logiciel en shareware, libre, semi-libre, etc.). Ce contrat entraîne des obligations de la part de celui qui y a souscrit : c'est sur cette seule base qu'on peut parler de piratage, contrefaçon, plagiat, "photocopillage", etc. Le brevet, qui accorde une exclusivité temporaire interdisant à tout tiers d'exploiter une invention qu'il aurait redécouverte de bonne foi, porte en lui-même une importante part d'illégitimité.

Le respect de telles dispositions contractuelles, malgré leur légitimité et leur utilité, peut difficilement être efficacement protégé face au piratage. Dès lors qu'en est-il du règne du droit les concernant ? Pour répondre à cette attente, des dispositions dérogatoires ont été introduites dans le droit positif avec l'inversion de la charge de la preuve de la bonne foi de l'utilisateur d'une œuvre copyrightée et avec l'exclusivité temporaire accordée au brevet. Certains y voient un arbitrage, dont l'équilibre est éventuellement perfectible, entre deux imperfections pratiques du règne du droit naturel théorique (le piratage trop facilement impuni vs. l'absence de dérogation dans l'exercice du droit). D'autres y voient l'octroi inadmissible de privilèges. En outre, un débat existe sur l'éventuelle parfaite conformité au droit naturel de l'inversion de la charge de la preuve concernant l'utilisation d'une œuvre copyrightée ; ainsi Murray Rothbard la justifie au motif de copyright de notoriété publique que Stephan Kinsella rejette. La mise en œuvre des copyrights et des brevets a justifié à son tour de pénibles dispositifs inquisitoriaux et de douteux prélèvements forfaitaires.

Les auteurs et les créateurs ont trop tendance à se reposer sur la contrainte légale pour assurer leur revenu - assurance illusoire le plus souvent, car les œuvres numériques sont facilement reproductibles et il est difficile de faire la part entre un usage privé "légal" et un "piratage". Auteurs et créateurs devraient plutôt faire preuve d'imagination et envisager des modèles économiques nouveaux et des stratégies commerciales ou technologiques adéquates pour protéger leur création sans attenter à la liberté de leurs clients en faisant appel systématiquement au droit positif :

En fin de compte, presque tous les libertariens estiment que le système actuel de droits de propriété intellectuelle est trop rigide et devrait être libéralisé. Jusqu'où nous devrions aller dans le démantèlement de ce système, et pour quelles raisons, voilà les véritables points de discorde. (Lawrence H. White, "Intellectual property", The Encyclopedia of Libertarianism, SAGE Publications, 2008)

Bibliographie

  • 1879, E. S. Drone, "Treatise on the Law of Property in Intellectual Productions", Boston
  • 1899, A. Birrell, "Seven Lectures on the Law and History of Copyright in Books", London
  • 1912,
    • R. R. Bowker, "Copyright Its History and Its Law", Boston
    • L. C. F. Oldfield, "The Law of Copyright", London
  • 1925, R. C. DeWolf, "An Outline of Copyright Law", Boston
  • 1927,
    • F. E. S. James, dir., "Copinger on the Law of Copyright", London (6ème édition)
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  • 1928, Léon Pierre-Quint, "Les droits de l'écrivain dans la société contemporaine", Paris
  • 1929, Thorvald Solberg, "The United States and the International Copynght", In: W. W. Bishop, A. Keogh, dir., "Essays Offered to Herbert Putnam", New Haven, pp410-422
  • 1931, Leon Whipple, "Copyright", In: Edwin R. A. Seligman, dir., "Encyclopaedia of The Social Sciences", Vol IV, New York: MacMillan
    • Nouvelle impression en 1935, New York: MacMillan
    • Nouvelle édition en 1937, (Volumes III et IV rassemblés), New York: MacMillan
    • 10ème édition en 1953, "Copyright", In: Edwin R. A. Seligman, dir., "Encyclopaedia of The Social Sciences", Vol IV, New York: MacMillan, pp401-404
  • 1977, E. W. Kitch, "The Nature and Function of the Patent System", Journal of Law and Economics, Vol. 20, pp265-290
  • 1986, E. W. Kitch, "Patents: Monopolies or Property Rights", In: J. Palmer, dir., "The Economics of Patents and Copyrights", Vol. 8, Research in Law and Economics, JAI Press, pp31-49
  • 1991, S. M. Besen, "An introduction to the law and economics of intellectual property", J Econ Perspect, 5(1), pp3–27
  • 1998,
    • Alberto Benigas Lynch, Apuntes sobre el Concepto de Copyright, Mendoza: Fundación Alberdi
    • S. M. Besen, "Intellectual property", In: Peter Newman, dir., "The new Palgrave dictionary of eco�nomics and the law", Vol 2, Macmillan, London, pp348–352
    • Michael A. Heller, The Tragedy of the Anticommons: Property in the Transition from Marx to Markets, Harvard Law Review 111: 621–688
    • Michael A. Heller et R. S. Eisenberg, Can Patents Deter Innovation? The Anticommons in Biomedical Research, Science Magazine, 280 (5364): 698–701
  • 2006, K. Blind, n. Thumm, "Intellectual property protection and standardization", In: "Advanced topics in information technology standards and standardization research", vol 1. IGI Global, pp166–182
  • 2012, M. A. Bader, O. Gassmann, P. Jha, F. Liegler, L. Maicher, T. Posselt, S. Preissler, F. Rüther, L. Tonisson, S. Wabra, "Creating an organised IP rights market in Europe", Intellectual Asset Management Mag, Vol 26, pp33–38
  • 2014, Paul J. Heald, "How Copyright Keeps Works Disappeared", Journal of Empirical Legal Studies, 11 (4), pp829-866

Citations

  • L'homme qui produit une idée, une invention, ne reçoit qu'une infime partie de la valeur qu'il a ajoutée au patrimoine de l'humanité, et dont un nombre illimité de personnes bénéficiera. (Jacques de Guenin)
  • Il n'est tout simplement pas vrai que nous ayons un droit quelconque à ne pas être copiés ; le seul droit légitime que nous possédions est celui de faire tout ce que nous pouvons faire pour empêcher les autres de s'approprier la valeur de notre invention (ou création) en utilisant les ressources qui sont légitimement les nôtres, sans porter atteinte à leurs propres droits. (Henri Lepage)
  • J'ai un point de vue très empirique. Je suis de ceux qui tirent leurs revenus de la propriété intellectuelle, mais à chaque fois que l'on m'a piraté, j'ai laissé faire comme si de rien n'était. Une fois, mon éditeur américain a poursuivi en justice une université parce qu'ils avaient fait trente photocopies d'un de mes livres : j'ai protesté [contre l'éditeur]. Cela ne me dérange absolument pas. Au moins trois ou quatre de mes livres se trouvent même sur eMule, on peut les télécharger... Pourquoi suis-je aussi désintéressé ? Puisque j'en vis, je devrais m'en préoccuper. Une réponse pourrait être que je gagne suffisamment ma vie comme ça, une autre, que je suis un bon démocrate. (Umberto Eco[24])
  • Sous l’appellation de « propriété intellectuelle » se cache ainsi un mécanisme consistant à réserver l’exploitation d’une information – un film, un livre ou le contenu d’un brevet – au profit d’un seul. La propriété intellectuelle est d’une nature qui s’oppose frontalement à celle du droit de propriété et à la liberté du commerce, ainsi que l’ont constaté tour à tour les consommateurs amateurs de produits culturels et les entreprises, entravées par des brevets placés comme autant de barrières à l’entrée d’un marché. (Jean-Baptiste Gevart, Libérons Culture et Innovation, Libres ! 100 idées, 100 auteurs)
  • Les brevets protègent les idées, mais les idées ont des frontières floues. Cela permet à certains [les patents trolls] d'élaborer une stratégie juridique sur des cas litigieux non dans le but de gagner mais dans celui d'encaisser de l'argent contre un abandon des poursuites. (David Friedman[25])
  • Le monde nous donne deux sortes de biens : ceux qui requièrent une allocation par la propriété et par les prix, et ceux qui peuvent être copiés indéfiniment. Pour produire et distribuer des biens rares, il n'existe aucun substitut au marché et au commerce. Mais l'idée que l’État devrait restreindre l'usage de biens reproductibles et non rares, ou accorder une protection à un seul producteur monopolistique de ces biens, est contraire à la liberté, au progrès matériel, et à la paix sociale. (Jeffrey Tucker[26])
  • Il est illicite de perpétuer une institution aussi offensive pour la liberté du travail que l’est le brevet d’invention. (Michel Chevalier)
  • Pour avoir une pensée, vous devez avoir un droit de propriété sur votre corps. Mais cela n'implique pas que vos pensées soient votre propriété. Une pensée peut être utilisée par quiconque est capable de la comprendre. (Hans-Hermann Hoppe)

Références

  1. Spooner, défenseur de la propriété intellectuelle par Alain Laurent.
  2. Propriété intellectuelle, une réponse à Alain Laurent
  3. Why Intellectual Property Rights? A Lockean Justification, by Adam Mossoff (May 4, 2015).
  4. Au "matérialisme" supposé des opposants à la propriété intellectuelle, on peut opposer en miroir un "matérialisme" identique chez ses partisans, qui exigent qu'on octroie un avantage matériel (rémunération) aux créateurs de choses non matérielles (sans parler d'un tout aussi matérialiste combat contre le piratage).
  5. Voir Against Intellectual Property, Innovations that Thrive without IP, etc.
  6. Editions avec privilège du Roy
  7. Contre la propriété intellectuelle - Jeffrey Tucker
  8. Selon Marc Andreessen (Peter Thiel’s CS183: Startup - Class 10 Notes Essay) : "The core problem with patents is that patent examiners don’t get it anymore. They simply don’t and can’t know what is novel versus what isn’t. So we get far too many patents."
  9. Par exemple : Apple paiera-t-il 8 millions au gros Troll ? (une société "troll" prétend que l'iPod d'Apple viole ses brevets).
  10. Dans l'article Kelora : une histoire de brevets fort instructive on peut lire : « Les premières victimes de cette prédation sont les PME. Le troll leur demande 70, 100, 200 milles dollars, ils ont paniqué et appellent un avocat, qui leur dit généralement : "Mon pauvre ami, vous voilà victime d'un phénomène bien connu. Ce soi-disant brevet ne vaut rien bien sûr, nous pourrions aller en justice, mais prévoyez pour cela au moins un million de dollars". Et la PME paye l'impôt du pseudobrevet, le plus souvent, et signe le pacte du silence, qui permettra au prédateur de continuer sa triste et lucrative besogne. » Un épisode de la série télévisée "Silicon Valley" (The patent troll, S04E07) illustre cette pratique courante : il est moins coûteux d'être rançonné par le troll que d'aller en justice pour faire valoir ses droits. Le héros de la série prend le troll à son propre piège en "inventant" un brevet plus ancien encore que celui dont le troll se prévaut.
  11. On a volé la couleur magenta !
  12. Par exemple l'affaire milka.fr, ou delanoe2008.com, site critique du maire de Paris Bertrand Delanoë, dont celui-ci a demandé la fermeture
  13. copyright on Chess Games
  14. Ford Claims Ownership Of Your Pictures
  15. Minimum Sudoku
  16. Le jour où le Net a failli mourir au Texas
  17. Hot, sweaty and scandalous
  18. Wikipedia refuses to delete photo as 'monkey owns it'
  19. Guerre des brevets : la Silicon Valley soutient Samsung contre Apple
  20. Le jeu d’échecs interdit de Marcel Duchamp
  21. Votre tatouage ne vous appartient pas ! (BFM Business, 17/09/2016)
  22. Voir La tintinosphère en ébullition, Pierre Assouline, L'Express, 23/12/2020.
  23. Une création prétendument « originale » peut très bien s'inspirer de créations remontant à des époques où la "propriété intellectuelle" n'existait pas, et donc n'avoir malgré tout rien d'original ! Elle ne sera donc « originale » qu'au sens (arbitraire) du droit positif, si le juge en décide ainsi ; sinon elle ne relèvera que du savoir-faire et ne pourra être "protégée". On imagine l'alléchant terrain de jeu que cela ouvre aux avocats spécialisés en propriété intellectuelle, aux spécialistes de la chicane et aux patent trolls.
  24. Umberto Eco, écrivain, donne son avis sur Wikipédia
  25. Legal Insurance as a Commitment Strategy: A Solution to the Patent Troll Problem
  26. Goods, Scarce and Nonscarce

Liens externes

En français :

En anglais :

Autres langues :


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